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HENRI VIGANA, LE REVEUR EVEILLE

HENRI VIGANA, LE REVEUR EVEILLE

   Il y a comme cela des êtres que vous ne côtoyez que de loin en loin, au hasard de la vie, et qui pourtant vous sont plus chers que d'autres avec lesquels vous frayez tous les jours. Je ne rencontrais Henri VIGANA qu'à l'occasion de soirées littéraires qu'il venait couvrir pour la chaîne de télévision qui l'employait ou, de temps à autre, au détour d'une rue, à la table d'un restaurant ou à l'aéroport. Toujours nous entamions une conversation animée comme si nous nous étions seulement quittés depuis la veille, son rire contagieux et son léger accent de "là-bas" m'insufflant à chaque fois un regain d'énergie dans ce pays où le découragement vous guette en permanence.

   Notre sujet principal de conversation était souvent le même : la Vierge du Grand Retour. J'avais écrit un roman sur le sujet et Henri VIGANA rêvait d'en faire un film. D'abord un film pour le cinéma, mais les moyens lui manquant, un film pour la télévision. Cette Vierge, ou plutôt sa statue, était arrivée en grande pompes un soir de 1948, dans la rade de Fort-de-France, devant 50.000 fidèles rassemblés sur La Savane par l'Eglise catholique et son chef de l'époque, Mgr VARIN DE LA BRUNELIERE. Puis, elle avait été promenée à travers les trente-trois communes de la Martinique dans un pèlerinage dément au cours duquel des camions qui suivaient la statue de la Vierge du Grand Retour, posée, elle, dans un canot, collectaient argent, billets de banque, bijoux, voire même dents en or. Elle était censée faire des miracles : redonner l'usage de leurs membres aux paralytiques et la vue à ceux qui en étaient privés. Une escroquerie en bande organisée, dirait-on dans le langage d'aujourd'hui. 1 million de francs de l'époque amassé au bout d'un mois, avouera vingt ans plus tard, un curé de la paroisse de Redoute. Soit tout de même quatre fois moins que ce que les voyous en col blanc du CEREGMIA ont dérobé dans les caisses de l'Université des Antilles.

   Cette histoire, qui m'avait fasciné au point d'en faire un livre, ne cessait de hanter Henri VIGANA. Il voulait en faire un film, un grand film. Car l'affaire ne s'arrêtait pas là : la famille békée qui avait assuré la logistique du pèlerinage avec ses camions-dix-roues décida de ramener le magot en France et d'ailleurs, d'y retourner vivre définitivement (après 3 siècles d'installation en Martinique !). Le destin en décida autrement car l'hydravion Latécoère qui reliait la Martinique à Bordeaux, sans doute surchargé par les caisses du magot, s'abima dans l'Atlantique après deux heures de vol. On imagine quel film à grand spectacle un cinéaste de Hollywood aurait pu faire avec pareille histoire ! Henri VIGANA n'a jamais trouvé les soutiens financiers qui lui auraient permis de réaliser son rêve. Ni auprès de la chaîne de télé où il travaillait ni auprès des collectivités locales (quelles fussent dirigées par la Droite, la Gauche ou les Indépendantistes) ni auprès du Ministère de l'Outremer ni auprès des Békés adeptes du mécénat. Pourtant, il avait un immense talent qui crevait les yeux dans les documentaires et les courts-métrage qu'il réalisait. On dira que le cinéma coûte cher. Oui, mais pas plus que la participation de la sélection de foot de la Martinique à la Gold Cup ou que la Route du Rhum.

   Henri VIGANA, rêveur éveillé, une étoile, parmi les millions qui peuplent le ciel, veille désormais sur toi !...

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