Alain-Pierre Pradel est né en 1949 d’une mère saint-claudienne. Son père originaire de Deshaies a perdu ses parents, très jeune, et il a grandi en France chez un frère commissionnaire dans un grand magasin parisien. Cet aîné, volontaire et rigoureux, était avide de connaissances et de promotion sociale. Le père d’Alain-Pierre fera carrière dans la marine avant de revenir en Guadeloupe. Au Lamentin, où lui et son épouse travaillent comme infirmiers au dispensaire de la Rosière, il a du mal à s’adapter à la vie antillaise et chez lui, c’est encore la France.
L’enfant entend le gwoka résonner à ses oreilles, Grosse Montagne n’est pas loin et la vie quotidienne est rythmée par les récoltes et le son des sirènes de l’usine mais à la maison il écoute de la musique classique. Son père n’est pas musicien même si dans sa malle de marin, outre ses tenues de lin, il conserve un phonographe et un harmonica, dont il joue à l’occasion.
Les rapports entre le père et le fils sont difficiles, le père n’exprime pas toujours son affection, il mène une vie réglée presque militaire et consacre beaucoup de temps à la lecture. L’enfant frustré se réfugie dans un monde imaginaire.
Dès son plus jeune âge, Alain-Pierre apprend à jouer du piano mais il ne s’agit en réalité que d’une première approche, il n’apprend pas le solfège et retient des morceaux de mémoire. Agé de douze ans, il interprète une pièce de Chopin pour une personne qui lui dit : « C’est bien mais peux-tu jouer autre chose ? » Cette interrogation va s’inscrire dans sa tête. Il commence à se demander quelle chose il pourrait bien jouer susceptible d’intéresser quelqu’un de son pays.
Un jour, un voisin l’emmène dans un bal populaire où il se rend compte du prestige dont bénéficie le musicien d’orchestre notamment auprès des jeunes filles et découvre qu’on peut être payé pour jouer de la musique. A la fin des années 70, Gérard Nerplat compose « Cuisse » un air qui enflamme les pistes de danse. Alain-Pradel est subjugué par la capacité que peut avoir un musicien à enflammer les foules. Il s’essaie à la musique de danse mais Henry Debs l’en dissuade en lui déclarant tout de go : « Tu ne seras jamais un musicien d’orchestre ! » Ce qui le conduit à s’interroger sur la différence existant entre la musique de danse et le genre de musique intellectualisée qu’il est, lui, capable de composer.
Pierre-Pradel s’écarte du cursus scolaire considéré comme la voie royale et entre au lycée technique pour se préparer au métier de comptable. Le bac en poche, il se voit expédié en France où sorti de sa campagne et du cocon familiale, il se retrouve surveillant dans un lycée et en même temps étudiant à Dauphine, une université bourgeoise. Il se souvient qu’un chargé de cours l’a accusé, d’avoir remis un devoir qui ne pouvait être que le résultat d’un plagiat, parce qu’il était guadeloupéen. Alain-Pierre quitte la fac et fait son service militaire. Grâce à sa capacité à jouer du piano, il pénètre le milieu fermé d’une grande école, Saint-Cyr. Il sera ensuite comptable en France pendant cinq ans.
Traversant une période de dépression, il ressent l’évidence d’une mort prochaine. Cette perspective le fait se jeter à corps perdu dans la musique. Il ne peut pas mourir, se dit-il, sans avoir auparavant donné corps à son rêve. Il se lance dans la recherche et la composition. Le hasard n’existant pas, un voisin lui confie un piano. Il fait un emprunt à la banque afin d’aller en France et de payer l’enregistrement de sa musique sur un Steinway. L’ingénieur du son lui fait remarquer qu’il n’a pas consacré assez de temps à cette réalisation. Alain-Pierre s’était entrainé pour pouvoir jouer sans erreur, dans un seul jet. Il apprend que les musiciens même les plus chevronnés s’y prennent en plusieurs fois pour enregistrer un morceau. Cette révélation le revigore et le stimule. En 1982, il écrit « La cité de la voile » une œuvre pour piano.
En décembre 1995, il décide de réaliser son rêve, de cesser son activité professionnelle pour ne plus faire que composer, créer, enregistrer et diffuser ses œuvres. En 1998, il se rend aux Etats-Unis, où il sollicite les conseils de ZELMA BODZIN, une ancienne concertiste yougoslave de renom reconvertie dans le conseil et l’enseignement. En observant ses partitions, elle s’interroge, comment un Guadeloupéen a-t-il pu composer alors que dans son pays, il n’y a pas de conservatoire ? Elle l’invite à poursuivre en autodidacte. Sans culture musicale, il réussit quand même à aller au bout de sa recherche personnelle. Stimulé, il donne libre cour à son inspiration. Il compose ses « PIECES CREOLES » que la concertiste TATJANA RANKOVICH enregistrera dans une interprétation classique, en août 1999, au Patrych Sound Studio à New York.
Classique, le mot est lancé. Qu’est-ce que c’est que ce Guadeloupéen qui fait de la musique classique ?
Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINES
2006, les œuvres d'Alain Pierre PRADEL sont au programme du Grand Concours International de piano de Svetana EGANIAN.
En 2007, publication de « Pomme cannelle » et « Le chateau de cendre », aux Etats-Unis, par la OXFORD UNIVERSITY PRESS.
En 2019, contrat d'exploitation de « Pomme Cannelle », avec THE RACHEL BARTON PINE FOUNDATION - (Chicago).
En 2020, Alain-Pierre Pradel a raconté son cheminement atypique d’homme et de musicien guadeloupéen dans « Des rêves et un piano »