Trois siècles s'écoulèrent et un Américain prétendit avoir marché sur la lune. Fort heureusement, il n'y découvrit aucun autochtone à génocider et se contenta d'y planter une bannière étoilée. Remarque importante que personne n'a remarqué : il n'y planta pas une croix chrétienne comme Christophe et Belain. Ce qui signifie tout simplement que la devise de son pays, "In God we trust" (Nous avons confiance en Dieu), c'est du pipeau. Ou plus exactement que son dieu n'est pas Jéhovah comme le croient ces types et ces bonnes femmes qui s'époumonent à chanter du gospel, mais bien Dollar.
Or, suivant la trace de ces vaillants Découvreurs, voici que les néo-autochtones de Matinino ("néo" parce qu'au départ, ils se trouvaient être Africains surtout, Européens un tout petit peu, Indiens un peu et, par la suite, méli-mélangés, de toutes sortes) viennent de faire à leur tour une extraordinaire découverte en cette 21è année du Nouveau et Troisième Millénaire de l'Homo europeansis (En Inde, ils en sont déjà au 6è millénaire !). Une découverte qui figurera à n'en pas douter dans The Guinness Book of Records dans un premier temps et dans les livres d'Histoire (oui, avec un grand "H") dans les temps à venir.
Et cette extraordinaire Découverte, ils ne la doivent ni à Marx ni à Mao ni à Césaire ni à Fanon ni à Fidel ni au Che ni à Cheick Anta Diop ni à Glissant ni à Kassav, mais à un tout petit machin, un truc minusculissime de chez minusculissime. Un truc qui a moult patronymes ésotériques (coronavirus ; covid-19 etc...) au point qu'on s'y perd presque. Oui, c'est grâce à lui que les Matininiens viennent de "découvrir" qu'ils sont...colonisés !!! Et ils n'en croient ni leurs yeux ni leurs oreilles ni leur nez ni leur nombril. C'est que jusqu'à ce jour fatidique, ils s'étaient crus libres, aussi libres que les citoyens des contrées dites "civilisées". La preuve : depuis au moins quatre décennies, Matinino importait des Saint-Luciens pour couper la canne au moment de la récolte, des Haïtiens pour travailler dans les bananeraies, des natives d'Hispaniola (partie Est) pour le commerce vénérien et même des Hexagonaux, à tête de Gilets jaunes, pour exercer comme plombiers, électriciens, barmen, vendeurs de meubles ou de bijoux et autres professions de même nature.
Quoiqu'une fraction des Matininiens eut la tête sous l'eau (1/3 seulement) et n'arrivait à vivre que d'expédients (RSA, Allocation chômage, Allocation Femme seule, Allocation de rentrée scolaire, CMU etc...), les 2/3 privilégiés se croyaient les maîtres du monde quoique râlant de temps à autre contre la minusculissime (1% de la population) fraction descendant directement de Belain du-Buc et qui s'est réfugiée dans un cap situé à l'Est de l'île. Oui, ils s'estimaient libres ! N'élisaient-ils pas des maires, des conseillers, des députés, des sénateurs ? Tellement libres qu'ils se permettaient même d'arborer une moue dédaigneuse quand "Là-bas" leur proposait un maroquin ministériel à l'inverse de leurs cousins de Karukéra qui, quoique réputés plus révolutionnaires qu'eux, n'hésitaient jamais à accepter. Au match ministériel Karukéra bat, en effet, Matinino à plate couture : 6-0 (de Bambuck à Flessel). Score sans appel s'il en est !
Mais bon, mis à part cette inexplicable bouderie, nos 2/3 de Matininiens très privilégiés, moyennement privilégiés et petitement privilégiés vivaient leur liberté en grand : quatre-roues rutilantes à 40 ou 50.000 euros, villas sur terrains agricoles, piscines, apparts à Paname, croisières à Panama et consorts. Tout cela en détestant certes cordialement les natifs d'un certain Hexagone qui ne cessaient de s'installer dans les parties les plus balnéaires de l'île et, évidemment, en ne se demandant jamais pourquoi un Barbadien ou un Trinidadien ne déteste pas les Anglais, ni un Cubain ou un Dominicain les Espagnols, ni un Surinamien les Hollandais, ni les Brésiliens les Portugais. Quand on est libre ou, plus exactement, se croit libre, pourquoi se poser ce genre de question oiseuse, n'est-ce pas ?
Et puis, boudoum ! (comme on dit dans l'idiome vernaculaire matininien en voie de décrépitude avancée en vertu du principe, peu cartésien s'il en est, du "Je parle français donc je suis !"), voici que le corona-covid-machin est arrivé. Ou plutôt leur est tombé sur l'écale de la tête. OUI, BOUDOUM ! Et là, patatras ! Patat sa ! Patat si ! Tonnerre de Brest ! Voici que, tout soudain, les Matininiens découvrent qu'ils n'étaient pas...libres et que leur liberté n'était qu'une fake news parfaitement et astucieusement ficelée. NON, ils n'étaient pas libres et non seulement, cette liberté était factice, mais en plus, ils étaient colonisés comme à la belle époque de Belain du-Buc quand bien même une fraction révoltée de la jeunesse avait déboulonné sa statue ainsi que celles de Joséphine (dont la tête avait déjà été coupée depuis des lustres, il est vrai) et du "Libérateur des Nègres" dont plus personne ne chantait les louanges, hormis une poignée de vieux croulants, là encore depuis des lustres.
BOUDOUM !
Face au corona-covid-machin, les Matininiens et leurs éminents élus n'eurent, en effet, pas leur mot à dire. Leurs députés avaient beau gesticuler, leurs sénatrices véhémenter, leurs maires "battre leur bouche" comme en période électorale, rien n'y fit. Certains eurent beau réclamer sur tous les toits "une gestion martiniquaise de la crise" (comme s'ils avaient jamais "géré" quoi que ce soit de manière autonome !), "Là-Bas" les ignora. Fit la sourde oreille. Décida elle-même de prendre la situation en main. D'évacuer des malades par-delà l'Atlantique, d'envoyer des renforts militaires (trop heureux ces derniers de n'avoir plus à affronter les barbus du Kaboulistan), de solliciter des soignants volontaires afin qu'ils accourent, depuis Narbonne ou Garge-les-Gonzesses, pour prêter main forte au corps médical matininien, d'organiser des conférences de presse hebdomadaires afin de faire le point sur la situation sanitaire etc...etc...
Enben, bel ! Kon sa yé a, nou vini timanmay sé mésié ! s'indigna Ti Sonson (membre du 1/3 de non-privilégiés). Ce qui dans la langue de Molière et Djamel Debouzze peut se traduire par : Bordel de merde ! Dites-moi pas que c'est pas vrai ! On est leurs gamins ou quoi ? ". Ce à quoi rechérirent par un tonitruant "C'est absolument inadmissible !" certains d'entre les 2/3 de privilégiés (grandement, moyennement ou petitement tels). "Nous avons des élus (es) et ils doivent être respectés et bla-bla-bla...".
Les Matininiens, grâce à une minusculissime créature, venaient de découvrir qu'ils étaient des colonisés et cela qu'ils fissent partie des 1/3 ou des 2/3 !
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