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ELSA ENTRE LES AFFRES DU PASSE ET L'ESPERANCE DU FUTUR

Raphaël CONFIANT
ELSA ENTRE LES AFFRES DU PASSE ET L'ESPERANCE DU FUTUR

    Ce premier roman de Pierre Sainte-Luce pourra, de prime abord, dérouter car il fait voyager le même personnage, Elsa, entre le XVIIIe siècle et le XXIe.

    La première, ancêtre de la seconde, vit (survit plutôt) dans l'univers terrible de l'Habitation esclavagiste, celle de ce XVIIIe siècle où le sucre fut roi, tant à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti) que dans les Petites Antilles (Guadeloupe et Martinique). Au point que lorsqu'il faudra choisir entre "ces quelques arpents de neige" (le Québec d'aujourd'hui)  selon le mot de Voltaire et ses îles à sucre, la France n'hésitera pas une seule seconde. Esclave des champs, puis de maison, cette première Elsa apprendra les secrets de la pharmacopée créole auprès d'un "savant" :

   "M. Toupiti était un nèg savant, un médecin savann, qui avait grande connaissance des plantes tropicales. Il passait ses journées dans les bois à choisir les plantes qu'il allait utiliser pour soigner et guérir ses patients. Il avait donc accepté de m'enseigner la science des plantes, mais aussi de m'expliquer comment fonctionnait le corps humain."

   Servante chez les Bourdemanche, elle nous donne à voir avec une acuité remarquable le monde béké de l'intérieur, celui-ci s'inquiétant davantage des réactions des "nègres des champs" que des "nègres de maison" ::

   "Je ne perdais pas une miette de ce qui se passait dans le salon. Marie-Elisabeth était habillée à la mode de Paris, avec sa robe en tissu soyeux de Rouen...La robe verte était assortie au corsage avec des motifs à fleurs."

   Mariée à Sonson, Elsa tombe enceinte et au lieu d'être joyeuse, vit ce moment "dans la tourmente du corps comme de l'esprit". C'est que donner la vie à un petit être qui sera asservi l'angoisse mais elle se refuse à suivre l'exemple de celles qui utilisaient des plantes abortives "pou pa fè timoun ba lesklavaj". Chose qui lui aurait pourtant été facile étant donné ses connaissances. Sonson, lui, est palefrenier, amoureux ou presque d'Isabelle, la monture du Maître dont il est chargé de s'occuper. C'est qu'il avait un don, lui aussi, celui de pouvoir parler aux animaux qu'il considérait avoir "une âme". Et cette terrible réflexion d'Elsa :

   "Alors qu'il parlait aux chevaux, les jugeant des êtres vivants et sensibles, le code nous traitait, nous, hommes noirs, comme des meubles."

   Et, pour ne pas déflorer la suite des aventures de l'Elsa du XVIIIe siècle que nous laissons le lecteur découvrir, nous voici, à la moitié de l'ouvrage aux côtés de l'autre Elsa, celle du présent siècle. Cette dernière se décrit ainsi :

   "Je m'appelle Elsa, j'ai le même prénom que mon aïeule paternelle, Elsa, née en Afrique de l'Ouest en 1685. Cela fait trois cent ans que mon prénom navigue à travers les générations et j'en ai hérité."

   Et cette Elsa possède le même don que ses ancêtres féminines, celui de communiquer avec elles. De remonter le temps en quelque sorte et cela quoiqu'elle soit née à...Nîmes. Lorsque son père soutient sa thèse de doctorat en médecine, la première ancêtre fait son apparition, à l'insu de tous évidemment, sauf de son arrière-arrière-arrière-petite-fille :

    "Dès que mon père a commencé sa présentation, Elsa est apparue et s'est assise au premier rang, attentive à chaque mot prononcé...Je la suspectais d'avoir erré dans les gradins de l'amphithéâtre de médecine autant que mon père, d'avoir lu avec lui tous ses cours d'anatomie et de physiologie."

   Ne déflorons pas, comme nous l'avons déjà dit, ce beau roman plus avant ! Il mêle avec talent histoire, sociologie, psychologie, fantastique puisque toutes des Elsa disposent d'une arme secrète : la capacité de voyager tant dans l'avenir que dans le passé. Grand amateur devant l'Eternel de vieilles pierres, l'auteur devrait toutefois, dans ses prochains ouvrages, se défaire un peu du tropisme de l'histoire, chose qui comble d'aise les amateurs de celle-ci mais qui plait moins aux amateurs de littérature. Dans un roman, en effet, l'histoire doit être au service de la littérature, pas l'inverse. Jamais l'inverse.

   Colored se lit avec grand plaisir en tout cas et laisse espérer la venue d'autres textes de cette plume alerte qui enrichit notre littérature antillaise.

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