Le 22 juin 2011, dans mon blog de Montray Kréyol, sous le titre La seconde mort d’Orphée ou le temps des négrophages, j’écrivais ceci :
Le mercredi 6 avril 2011, à Paris, sous la coupole du Panthéon, s’est déroulée une séance publique de nécrophagie…Cette grande messe, le président de la république française en psalmodia les versets mis en musique par ses spécialistes «outre-mer» auxquels, comme le veut une vieille tradition, se sont joints des nègres domestiques.
Il convient de préciser que le corps du personnage dévoré reposait à 8.000 kilomètres du lieu où s’opéra cette tragi-bouffonnerie, puisque, suite à un subtil coup de welto (jeu en lequel excella le défunt concerné), il fut décidé qu’à la terre martiniquaise, restera confiée sa dépouille tandis que, sur une plaque, à l’un des murs du vénérable édifice, sera concédé le nom du poète panthéonisé. (1)
Avec quelle délectation le maître de cérémonie, en petites bouchées, se mit à consommer l’homme qu’il était enfin parvenu à inclure dans son tableau de chasse.
Habile charcutier, il découpa en morceaux choisis la vie et l’oeuvre de celui que ses soi -disant héritiers (avec l’assentiment de sa progéniture) lui avaient ( à l’issue de quelle tractation?) livrées..
Une première bouchée: «La Martinique pleura. Elle venait de perdre son père. Les Antilles pleurèrent. La France pleura. Elle venait de perdre l’un de ses enfants [Aimé Césaire] qui lui faisait le plus honneur.»
Une deuxième bouchée délicieusement salivée «Le plus beau combat de cette vie politique, celui peut-être où il a été le plus grand, fut le combat qu’il [Aimé Césaire] engagea et qu’il gagna pour la départementalisation.»
Une troisième bouchée lentement mâchonnée: «A Malraux, venu défendre le «oui» à la Martinique, il [Aimé Césaire] déclara : «Je salue en votre personne la grande nation française à laquelle nous sommes passionnément attachés» (2).
Une autre bouchée suavement gloutonnée : «Il [Aimé Césaire] réclamait qu’on reconnut [aux Martiniquais] cette dignité d’avoir enfin le droit, après des siècles de servitude, de choisir librement de rester français.»
Et puis, poussant un rot jouissif, le nécrophage et président d’éructer : «La parole politique, comme toutes les paroles politiques, finira par s’éteindre avec le souvenir des combats anciens. Sauf le Discours sur le colonialisme qui n’est pas un discours politique mais une leçon de morale.»
Une fois terminé ce macabre repas, le président, ses chiens de garde, ses courtisans noirs et blancs, s’en sont allés, panses repues, digérer. (…)
Pour clore mon propos, je disais: «Et maintenant quel est le nom de l’homme ou de la femme d’«outre-mer» que le Préposé aux Affaires Négrophagiques rêve d’inscrire sur ses tablettes pour, un jour prochain, en petites bouchées comptées, le dévorer?
Quatre années plus tard, le 20 septembre 2015, à Paris, cette fois au ministère de la justice, la même indécente opération a lieu, par son silence, l’entourage de l’homme à la mémoire volée approuve le forfait et le cortège des nègres domestiques s’est même enrichi de figurants nouveaux
Charognards de tous poils, il est un digne fils du pays Martinique dont ni la vie ni la mort n’est soluble dans les eaux fétides de vos subtiles récupérations… Sachez que de par le monde, vigilants, nous sommes nombreux à déjà vous dire : bas les pattes!
Daniel Boukman
NB. Les parties mises entre guillemets sont des citations extraites du discours prononcé par le président de la république française, le 6 avril 2011.
(1) Décidemment, le destin des chantres de la négritude donne à réfléchir : Léopold Sédar Senghor, volontairement, en 1983, s’est engouffré sous les voûtes de l’Académie française ; en 2011, Aimé Césaire est symboliquement panthéonisé alors que, comme l’a déclaré le sénateur Claude Lise, il n’est pas sûr que «Césaire aurait aimé ce type de manifestation. Il avait en horreur tout ce qui était manifestation publique, décorations, etc. (in France-Antilles, 7 avril 2011)
(2) Faux! Lors du referendum organisé en 1958 par le Général de Gaulle alors président de la république française, à l’instar du Guinéen Sékou Touré, Aimé Césaire était au départ partisan du «non» à la question relative à la création d’un France-Afrique, cornaquée en fait par l’Etat (colonial) français. C’est suite à la venue en Martinique d’André Malraux, envoyé du Général de Gaulle, que le «non» de Césaire tourna en «oui»
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