En 1931, la France régnait sur un immense empire dont elle s’enorgueillissait notamment par le biais de l’Exposition coloniale de Paris qui attira 8 millions de visiteurs. Une manière d’ancrer dans les esprits des préjugés racistes qui perdureront. Dans ce contexte furent exhibés comme des animaux, 111 Kanaks, dans un « zoo humain ». L’écrivain Didier Daenincks a construit, autour de ce thème, un récit pour les jeunes, « L’enfant du zoo ».
Le 23 juin 1931 est un grand jour pour la jeune Eve. C’est la première fois qu’elle prend le train. Direction Paris pour visiter l’Exposition coloniale organisée par son oncle Léon, où elle pourra, dit la publicité, faire le tour de la planète en un seul jour et visiter « les pays du bout du monde qui appartiennent à la France ».
Le dépaysement est complet, l’exotisme stéréotypé, et c’est peu dire, comme le montre ce voyage à la Martinique et à la Guadeloupe où vivent flibustiers et corsaires unijambistes. Visite au zoo avec ses éléphants, ses lions, ses singes et … ses anthropophages de Nouvelle Calédonie qui ne font que grogner comme des porcs.
Eve les observe et son regard rencontre celui d’un garçon de son âge qui s’adresse à elle : « Approche-toi. Faut pas avoir peur », exactement au moment où un homme souffle à l’oreille de la fillette en passant : « Alors, qu’est-ce que tu attends pour lui lancer des cacahouètes ? »
Eve fera part de son indignation de voir des humains présentés dans des cages. L’oncle Léon devra avouer que les cannibales sont en réalité des Canaques embauchés pour racoler les visiteurs et qui jouent la comédie du sauvage.
L’intrigue se poursuivra ensuite par une belle histoire d’amitié entre Eve et le jeune Canaque nommé Ïataï, amitié qui traversera le temps.
Le livre de Didier Daenincks paru dans la collection Romans du Monde s’adresse aux enfants dès 9 ans. L’auteur a traité le même thème dans un texte destiné aux adolescents, intitulé « Cannibales ». Il y rappelle que toujours en 1931, les crocodiles, devant être exposés dans un zoo allemand, étant morts, on les avait remplacés par des Canaques.
Didier Deanincks au cours de ses recherches trouva une photo où figurait un Canaque appelé Willy Karembeu. Il montra la photo à Christian Karembeu qui reconnut dessus son arrière grand-père et deux autres membres de sa famille. A l’écrivain, l’illustre footballer confiera : « J’ai fini par comprendre que la nature violente et haineuse de mon arrière-grand-père Willy Karembeu était lié à ce voyage. Il était rentré au pays traumatisé, il ne s’en est jamais vraiment remis. Je n’ai jamais osé lui poser de questions /…/ Nous avions déjà beaucoup souffert mais quand je pense à cet échange avec un zoo allemand, des Kanaks contre des crocodiles… »
MARIE-NOËLLE RECOQUE DESFONTAINES
Commentaires