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Cuba : l'interminable blocus étasunien mais...

Cuba : l'interminable blocus étasunien mais...

  Aucun pays au monde n'est un paradis ni n'a un système politique parfait. Cuba n'en est pas un mais pointer du droit le "manque de démocratie", voire "la dictature communiste" dont souffrirait ce pays, relève soit d'une forme de légèreté indécente soit d'un mépris envers un peuple en lutte depuis plus de 60 ans contre un blocus injustifié infligé à la plus grande île de notre archipel par les Etats-Unis. Cela relève aussi d'un manque d'information ou d'une soumission à la désinformation orchestrée par la plupart des grands médias occidentaux.

   Entrons donc dans le vif du sujet ! Les personnes hostiles au régime cubain ont coutume de dire que plus de 160 pays coopèrent tout à fait normalement avec Cuba : l'Espagne dans l'hôtellerie, la Russie dans l'industrie, la France, l'Allemagne, le Canada ou la Chine dans nombre de secteurs. Conclusion (pour ces personnes) : le blocus n'en est pas vraiment un car il ne concerne qu'un seul pays, les Etats-Unis. Et d'ajouter que si "un seul être vous manque et tout est dépeuplé", selon le vers d'un poète célèbre, ce n'est pas parce qu'un seul pays vous manque que vous vous retrouvez dans la galère. Le blocus étasunien ne serait donc qu'un mauvais alibi que sort de son chapeau un régime autoritaire chaque fois qu'il est en difficulté et qu'une partie de sa population se révolte, ce qui est le cas ces jours-ci. 
   Or, cette argumentation ne tient absolument pas la route parce que l'économie capitaliste qui domine le monde, avec pour chef de file les Etats-Unis, est transnationale et interconnectée. Par exemple, telle grande entreprise peut avoir des capitaux étasuniens, français, allemands et anglais et les actionnaires étasuniens sont en mesure, quand ils sont majoritaires, de faire pression pour que ladite entreprise ne commerce pas avec Cuba. Ce fut le cas il y a une quinzaine d'années lorsqu'une grande firme pharmaceutique canadienne, comportant des actionnaires étasuniens, fut empêchée de vendre à Cuba un médicament contre une forme de cancer assez rare qui frappe les enfants. Résultat : des centaines d'enfants cubains ne purent en bénéficier et décédèrent dans l'indifférence de la communauté internationale. Et cet exemple n'en est qu'un parmi beaucoup d'autres ! 
  Pour qu'on n'aille pas penser qu'il s'agisse d'un fake-news, citons cet extrait d'un article (27 octobre 2015) du magazine français LE POINT, peu suspect d'être de gauche et encore moins communiste :
  "Elisabeth Navarro se moque bien du vote de mardi devant l'ONU sur l'embargo américain. Cette Cubaine espère simplement que cette mesure n'entravera pas la guérison de sa fille de sept ans, atteinte d'un cancer cérébral. La petite Noemie, à qui on a extrait une tumeur au cerveau début septembre doit prochainement être soumise à une chimiothérapie au Témozolomide, traitement exclusivement produit par un laboratoire américain."
  C'est son visage d'ange blessé qui illustre le présent article. Elle décédera huit mois plus tard, le véto américain à l'ONU ayant empêché la levée de l'embargo. Jusqu'à la date d'aujourd'hui...
  Sinon le système bancaire et celui des changes est également dominé par les USA et son dollar qui lui permet de vivre à crédit sur le dos du reste du monde, en particulier sur celui de la Chine qui détient des milliards de créances étasuniennes. Cuba n'a pas accès et n'a jamais eu accès de manière normale à ce système bancaire et donc au crédit, base même du système capitaliste mondial. La grande île est bien souvent contrainte de payer cash ses achats (sauf avec quelques pays amis) et pour ce faire est également obligée de s'appuyer sur le tourisme pour faire rentrer des devises lesquelles ne peuvent évidemment être qu'en dollars ou en euros, pas en roubles russes ou en yuans chinois. 
  Tout cela pour dire que le blocus imposé par les Etats-Unis est bel et bien une réalité !
  Et qu'il est très largement la cause des problèmes économiques qui affectent Cuba depuis que cette dernière a refusé de se mettre sous la botte de l'Oncle Sam. Mais soyons honnêtes ! Si c'est la principale cause, ce n'est pas la seule. Il y en a une autre, presqu'aussi importante, et rarement mentionnée dans les médias : la question générationnelle. Quand une révolution se produit, la première génération est enthousiaste, elle se dévoue corps et âme pour elle et accepte tous les sacrifices comme ce mineur soviétique, Stakhanov, qui extrayait trois fois plus de charbon par jour que ses camarades de travail et qui a donné son nom à un néologisme : le stakhanovisme. A la deuxième génération, l'enthousiasme est encore là, quoique moins fort, et, par exemple, à Cuba, enseignants, médecins, avocats, fonctionnaires d'administration etc..., munis d'un coutelas, participaient sans rechigner à la zafra (récolte de canne à sucre). Mais à la troisième génération et la suivante, les choses se gâtent. Cette fameuse Nature humaine, dont le marxisme a toujours nié l'existence, refait surface, marxisme qui s'est imaginé pouvoir créer ce qu'il appelait "L'Homme nouveau". C'est que pour un jeune Cubain né en 1980, 90 ou 2000, la Révolution est loin dans le passé. Il n'a pas vibré aux extraordinaires discours de quatre d'affilées de Fidel Castro sur la fameuse place du même nom à la Havane. S'il est Noir, il n'a pas connu l'époque de Battista où les plages étaient interdites à sa "race". Si son père ou son oncle ont participé à la guerre de libération de l'Angola où ils infligèrent une mémorable défaite à l'armée sud-africaine des racistes Afrikaners, il n'a pas une idée concrète de l'internationalisme anticolonialiste. Che Guevara, lui-même, n'est plus qu'un poster qu'il colle parfois sur le mur de sa chambre etc...
  Et le pire, c'est qu'avec la multiplication des chaînes de télévision, l'Internet et la venue de touristes aux poches bien remplies, il se demande pourquoi il doit se contenter de cette libreta (carnet) qui ne lui permet d'acheter qu'une quantité limitée de produits dans des magasins d'Etat et toujours les mêmes. Sans même parler de l'intense propagande anticastriste des Cubains réfugiés à Miami qui lui fait miroiter "le rêve américain". Alors, de guerre lasse, il s'embarque sur une chambre à air et munie d'une pagaie, il tente de rejoindre la Floride, sur une mer démontée, au péril de sa jeune vie. Et quand il n'a pas ce courage suicidaire, il grogne, proteste, récrimine contre le régime et finit par se révolter et manifester dans les rues comme on peut le voir en ce moment.
  La belle utopie communiste s'est fracassée sur la Nature humaine. Ce n'est pas le capitalisme qui a provoqué l'effondrement du bloc soviétique mais bel et bien elle. C'est pourquoi la Chine et le Vietnam se sont vite reconvertis dans le capitalisme d'état et c'est ce qui explique aussi qu'en cette année 2021, le nombre de milliardaires chinois ait dépassé celui de leurs homologues...américains. Capitalisme "aussi pire" que celui de l'Occident au plan économique car si vous pouvez acheter un ventilateur "Made in China" à 20 euros ou un ordinateur portable à 300 euros, c'est parce que des dizaines de millions de petites mains sont sous-payées dans les usines de l'Empire du Milieu, la plupart étant d'ailleurs des migong ou travailleurs immigrés ("migrants" selon la pudique terminologie officielle) de l'intérieur descendus de lointaines provinces. Mais capitalisme "plus pire" que celui de l'Occident au plan politique avec son parti unique, son syndicat unique, son journal unique, sa télé unique etc... Car ne nous voilons pas la face : un type qui aurait giflé Poutine ou Xi Yi-Ping se serait retrouvé au fin fond d'une prison d'où il ne serait jamais ressorti. Il n'aurait pas écopé des risibles trois mois de prison infligés à celui qui a frappé Macron. 
  A bien regarder, Cuba subit non seulement l'embargo US mais aussi l'immense solitude du dernier pays vraiment communiste de la planète. Avec peut-être la Corée du Nord mais sans la folie, tantôt douce tantôt furieuse, des dirigeants de Pyongyang. Question : est-ce que la belle utopie communiste cubaine pourra résister encore longtemps alors qu'elle s'est évanouie partout ailleurs ? Certes, une poignée de réformes réalistes ont été mises en oeuvre comme la libéralisation des petits marchés agricoles ou l'autorisation d'ouvrir des chambres d'hôte pour touristes (paladares). Sauf que si cela a pu apporter au régime une bouffée d'oxygène passagère, il s'agit là d'un engrenage. Plus il libéralisera, plus il ouvrira grand la porte à cette fameuse (et sinistre) Nature humaine.  Dès que l'argent se met à circuler librement, les malhonnêtes, les égoïstes et les mafieux surgissent. Mais, hélas, cet argent pourrit même les honnêtes gens. Même les exploités ! 
  Pepe Mujica, l'ancien président de l'Uruguay, qui vivait comme un Abbé Pierre et refusa d'habiter au Palais National de son pays, a eu ce mot cruel : "Dès qu'un pauvre peut s'acheter un Iphone, il se met à voter à droite". Et Lula qui, avec sa "bolsa familia" (allocation aux plus démunis) avait réussi à faire des millions de Brésiliens sortir de l'extrême pauvreté, a vu nombre de ces derniers voter pour ce facho de Bolsonaro.
  Conclusion (attristante) : sauf à manipuler le génome humain pour y greffer les gènes de l'altruisme, du désintéressement, de la solidarité et du dévouement, on voit mal comment la belle utopie communiste peut résister face au capitalisme classique euro-américain ou au capitalisme d'Etat russo-chinois. Il ne reste, en fait, qu'un seul espoir : le sentiment nationaliste cubain qui, seul, est en mesure de faire front devant l'expansionnisme gringo (yankee)...

Commentaires

tiburce | 15/07/2021 - 14:23 :
La Révolution de 1959 est partie de la lutte contre un régime corrompu. La revendication n'était pas le communisme. Une forme de pouvoir qu'on qualifie abusivement de "communiste" s'est instaurée par la volonté du révolutionnaire en chef, renforcée par la réaction des Etats-Unis qui l'a conduit à se tourner vers l'URSS, alors empire prétendument communiste. En fait, tous ces pays dits "communistes" sont des oligarchies, dirigées par de puissantes "nomenklaturas" qui disposent de tous et de tout, parfois jusqu'au délire ubuesque. A Cuba, l'armée et la police se sont installées au pouvoir. Elles le défendent en l'appelant "Révolution". La population, expurgée de ses opposants dans les premières années (Cf. les Cubains de Miami), n'a guère de liberté. Les étrangers "compagnons de route" fantasment cette Révolution, tout en suivant une route différente. Ils sont séduits par les t-shirts du Che, la musique et, parfois, par quelque sourire enjôleur. Pour ma part, je ne suis allé qu'une fois à Cuba. Le profond malaise que j'y ai ressenti ne m'a pas incité à y retourner.

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