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CHRONIQUE DE LA LAGUNE : LE REGARD ET L'HARMATTAN

CHRONIQUE DE LA LAGUNE : LE REGARD ET L'HARMATTAN



..........Quel regard porter sur l'Afrique ? Aucun ! L'Afrique noire est noire, dans une nuit de suie sans fin, dans un cachot humide et sombre. On la voit par un judas ou à contre-jour, toujours tapie dans l'ombre. Elle halète mais on ne la voit pas. Certes nos clairs-obscurs nous désolent parfois, un soleil cacochyme et oxydé nous déprime souvent. Notre civilisation ricane dans sa stupidité, ses mensonges, ses apparences et ses ambitions dérisoires, une médiocrité étalée, consternante, une futilité érigée en flagornerie. Alors si l'on ne veut pas vomir de l'hégémonie de la connerie humaine qui s'étale et se glorifie partout dans notre société, on doit partir. Quel regard porter sur l'Afrique ? Toujours fugace, toujours faussé et tellement indifférent puisque c'est la plus grande vertu en cour.

 

..........Mais pourquoi ne pas tenter de percer les ténèbres si l'on manquait aussi de souffrances. Car la contemplation pornographique de la misère, de la famine, des massacres, des guerres civiles, des esclavages, des holocaustes nous rendrait un peu humains, miséricordieux, charitables, donc humains. Et l'on entre-ouvre le judas. On veut de l'Afrique pour nos soifs de mauvaise conscience, nos flagellations ou, pour certains, plus rares, dans l'hypothétique espoir que la misère crasse de nos sociétés occidentales ait épargné cette cale pestilentielle ou croupissent les africains qui après tout portent la malédiction de Cham qui était celle de Canaan son fils lequel était blanc de peau puisque, selon la genèse, les noirs, descendent d'un autre fils de Cham, Koush. Imaginez combien les exégètes, musulmans, rabbiniques ou chrétiens avaient du temps à perdre à ces calembredaines. Et que la fameuse malédiction de Cham, celle de peuples voués à l'esclavage, ne s'adresse, en tout cas, en rien aux peuples africains malgré Cheik Anta Diop. Il n'y a pas de malédiction qui pèse sur l'Afrique.

..........Moi, je ne savais rien de ce continent, je n'avais rien lu dessus mais j'avais ce regard du nomade qui sait qu'il doit, tout de même, partir. Et aussi peut-être car je constatais qu'il y avait peu d'hommes dans mon pays et beaucoup de préséances, je m'étais dit que là-bas, ils seraient plus nombreux, du moins je l'imaginais tel, par ouï-dire, et par quelques poèmes lus çà et là de Césaire et Senghor. Mon regard était vierge et c'était aussi bien. Mais j'avais le secret espoir d'y trouver une humanité dans ces peaux noires derrière tous les maux dont on affublait l'Afrique.

 

..........Pourquoi la Côte d'Ivoire ? Un peu par hasard, l'océan battait là-bas. J'avais besoin de repos et j'avais quelques contacts. En trois semaines à Abidjan, j'ai dû dormir 5 h par nuit. Ce pays drainait aussi presque toute l'Afrique, alors j'avais pensé, allons voir, c'est tout. Ce pays portait enfin la triste réputation d'être celui de toutes les arnaques. Je voulais comprendre pourquoi. De très chaleureux contacts s'établissaient sur le net, un peu trop, toujours avec des ivoiriennes et jamais avec le Mali, le Bénin, le Ghana, la Guinée, le Cameroun. Cela finissait toujours par des demandes d'argent. Pour être précis toutes n'avaient pas quand même des exigences. Une seule ne m'a rien demandé, vraiment rien, chose rare, jamais rien en deux mois de discussions. Celle-là, je lui ai proposé d'être à mon hôtel le soir de mon arrivée. Je venais aussi me reposer, j'en avais besoin. L'idée me plaisait aussi d'avoir une jolie guide, pas compliquée.

 

..........Mon avion atterrit à l'aéroport Félix Houphouët-Boigny. Pas cette cohue de Dakar, non c'est même plutôt calme. Le change et le taxi pour Treichville. C'est une commune périphérique d'Abidjan, mal famée dit-on, tout est mal famée ici dit l'Ambassade de France, sauf les lieux de tourisme. Treichville, modeste, pas riche cette banlieue, comme le sont Cocody, la Riviera, ni comme le Plateau, quartier d'affaires à 10 minutes en taxi, quartier de la Présidence, des ministères et des ambassades mais une commune ordinaire. Et Treichville est une banlieue calme de jour. De prime abord la Côte d'Ivoire me paraît plus riche que le Sénégal, les rues sont bitumées et l'éclairage existe. Treichville est connue pour ses clubs de jazz, son centre culturel et ses bordels, disent les guides et les langues. A vrai dire, je n'ai rien vu de tout cela.

..........Hôtel Terminus, 18 000 francs cfa la nuit. C'était honnête, propre et climatisé. Pas un hôtel de passe, mais un hôtel tenu par une marocaine ou deux vieux libanais, je ne sais pas. Là encore j'y suis arrivé par hasard. On m'a donné un numéro de téléphone, c'était celui de la mairie de Treichville. Ils m'ont trouvé un hôtel convenable face à la gare SITARAIL, gare routière qui dessert, la Ghana, le Burkina Faso et enfin le Niger.

 

..........Mon contact, cette jeune ivoirienne assez indifférente, m'attendait avec sa tante. J'avais insisté pour qu'elle vienne seule. Elle avait peur à l'évidence. J'ai offert des sprites. Elle semblait très jeune, très sérieuse, très timide. Sa tante ne m'a posé aucune question puis elle est partie. J'ai défait mon sac, donné mes quelques cadeaux, rangé mes amis antillais qui voyagent toujours avec moi, du moins sous forme de livres, une douche. Puis nous avons dormi sans beaucoup se parler avant.

..........L'harmattan est un vent chaud, sec à l'origine qui souffle vers le sud en provenance du Sahara dans le golfe de Guinée en hiver, entre la fin novembre et février mais surtout vers la fin de l'année. Pour les ivoiriens, ce vent, qui vient du nord est en fait agréable. Il apporte de la fraîcheur dans le pays même si le climat de type équatorial est tempéré par la présence de l'Océan et, si seules quelques heures de la journée sont très chaudes, la chaleur n'est jamais insupportable. L'harmattan est attendu. Est-ce lui qui m'a mené en Côte d'Ivoire ? Peut-être. Je me suis plutôt dit cette simple phrase : A nous deux l'Afrique, je serai l'harmattan de mars. Je vais porter la fraîcheur et la douceur dont je suis capable. J'aime cette identification au vent qui adoucit ou qui dévaste, toujours impalpable donc qui n'existe pas finalement. Comme moi !


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