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Chlordécone : ces solutions que les Antillais ont dû trouver avant la venue de Macron

Chlordécone : ces solutions que les Antillais ont dû trouver avant la venue de Macron

En Martinique, le président visite une exploitation agricole pour évoquer la "sécurité alimentaire" et ce "scandale sanitaire" sous-estimé.

Il est attendu de pied ferme. En Martinique ce jeudi 27 septembre, Emmanuel Macron aborde le sujet très sensible de la pollution au chlordécone, sur lequel Nicolas Hulot avait gardé le silence lors de sa venue en juin. La question crispe la population ainsi que les élus guadeloupéens et martiniquais qui dénoncent régulièrement l'inaction du gouvernement.

Bien avant la venue du président, les Antillais ont dû prendre les devants pour trouver des réponses à ce "scandale sanitaire" sous-estimé pendant près de 30 ans. L'Elysée parle désormais d'"aveuglement collectif" mais les locaux n'ont pas attendu pour mettre en place des solutions de façon indépendante.

Ce pesticide a été utilisé massivement entre 1972 et 1993 dans les plantions de bananes. Il est considéré "peut-être cancérogène pour l'homme" par l'OMS. Et ce jeudi, Emmanuel Macron va se rendre dans une exploitation du Morne-Rouge, commune du Nord de la Martinique particulièrement touchée par la pollution au chlordécone. Le président doit y évoquer la "sécurité alimentaire", avec en creux une problématique claire: comment identifier les aliments contaminés, afin d'éviter qu'ils ne finissent dans les assiettes d'une population dont 90% est déjà intoxiquée?

Un problème vieux de 30 ans (au moins)

En février dernier, le scandale du chlordécone s'est réinvité à l'Assemblée Nationale, lorsque des élus ultramarins ont interpellé la ministre de la santé sur la révision des taux limites présents dans les aliments. Face à la grogne montante, le gouvernement a abrogé le texte offensant. Mais le problème du chlordécone n'est pas réglé pour autant.

La question de la sécurité alimentaire est loin d'être nouvelle, tout comme celle des répercussions sur la santé de ce produit. Depuis 2006, au moins trois plaintes ont été déposées par des associations écologistes martiniquaises et guadeloupéennes: une plainte contre X, suivies de deux autres pour "empoisonnement" et "mise en danger de la vie d'autrui". En juin 2018, la ministre des Outre-mers Annick Girardin a elle même reconnu dans les pages du Mondeque "l'Etat a mis un certain temps à prendre la dimension du problème et à considérer l'angoisse que ça pouvait générer aux Antilles", un avis partagé par l'ensemble des élus ultramarins.

Le label Zéro Chlordécone, initiative indépendante et controversée

"A partir de 2002, le chlordécone a commencé à être vraiment considéré comme un problème majeur aussi bien par l'Etat que par l'opinion. Mais l'Etat a quand même perdu beaucoup de temps avant de réagir, puisque ce n'est qu'en 2008 qu'il a lancé le premier Plan Chlordécone", explique au HuffPost Claude Lise, président de l'Assemblée Martinique et à la tête pendant plusieurs années du Conseil Général de l'île. Un des objectifs de ce plan était d'établir une cartographie précise des zones contaminées (y compris celles qui l'ont été par le ruissellement des eaux), un enjeu crucial dans des îles où l'alimentation par le biais de circuits informels est fréquente.

Il aura fallu dix ans pour arriver à un premier résultat partiel. Le 25 avril 2018, le préfet de la Martinique a officiellement annoncé la publication de la cartographie des analyses de chlordécone dans les sols. Une carte similaire a été dévoilée en Guadeloupe au mois de mars. La carte est pourtant encore incomplète: seuls 37% des surfaces agricoles de l'île ont été analysés, au grand dam de certaines associations qui réclament également l'analyse des terres en friche, susceptibles aussi d'être contaminées par l'irrigation.


Préfecture de la Martinique

Cette carte représente à ce jour la seule solution concrète apportée par l'Etat sur la qualité des produits locaux, bien que 90 millions d'euros aient été consacrés aux trois "Plan chlordécone". A la suite de ce constat, des initiatives régionales ont donc été lancées.

En juillet 2018, le "Label Zéro Chlordécone" a ainsi été décerné pour la première fois à huit agriculteurs martiniquais, afin de garantir la traçabilité des produits vendus sur les circuits informels mais aussi dans la grande surface. L'initiative a été lancée par Louis Boutrin, président du Parc Naturel de la Martinique, conseiller exécutif de la collectivité Martinique et co-auteur d'un livre sur le chlordécone paru en 2007, qui fait valoir "l'urgence" d'un alimentation sans chlordécone. Il est soutenu sur ce point par les scientifiques. Au HuffPost, il explique avoir agi "en vertu du principe de précaution" face à un produit dont la dangerosité est reconnue dans le monde scientifique. "Les conséquences sont connues, il est temps de sortir de la logique de dénonciation et d'agir", martèle Louis Boutrin.

Quid de l'Etat? Le projet, monté sans consensus avec les services publics, a dans un premier temps reçu un accueil mitigé du préfet. "Allez vers le zéro Chlordécone à terme, c'est souhaité par tout le monde. Et bien évidemment le représentant de l'état se fixe cela comme objectif aussi. Faut-il le traduire en label Zéro Chlordécone? Ce serait nier les efforts que font les agriculteurs" pour respecter les taux limites fixés par les autorités sanitaires, estimait en mars 2018 Franck Robine, préfet de l'île, au micro de Martinique1ère. Le discours a changé un mois plus tard, le préfet assurant que "l'Etat soutiendra cette démarche (initiée par le parc naturel de Martinique) et même mieux, l'appuiera pleinement".

Des initiatives dispersées... et l'attente d'une ligne officielle

Outre ce label, des collectifs citoyens sont aussi passés à l'action. En Martinique, un collectif "Zéro chlordécone, zéro poison" a vu le jour, regroupant des producteurs qui peuvent garantir des produits non contaminés et "qui ont fait la démarche à titre personnel, de vérifier que leur terrain étaient décontaminés. Ils ont fait en sorte d'utiliser des protocoles qui eux aussi sont propres", explique à Martinique 1ère un des membres du collectif.

Plusieurs pétitions ont également été mises en ligne, notamment une pour demander le remboursement du test de dépistage dans le sang de la molécule du chlordécone, facturé 140 euros. Le sénateur LREM de Guadeloupe Dominique Théophile a d'ailleurs interpellé le gouvernement sur ce point.

Ces initiatives n'en restent pas moins en ordre dispersé, et ne font pas d'ailleurs pas l'unanimité. Un signe du manque de ligne directrice de la part du gouvernement? A l'issue d'une réunion au ministère des Outre-mers en avril 2018, les élus ont déploré que certaines questions restent pour l'instant totalement à la marge. "Il y a deux enjeux importants qui n'ont pas été abordés selon mon point de vue. Il s'agit de la question de l'indemnisation parce que ce sont ceux qui subissent qui payent. Et la question de la dépollution. Il faut mettre les moyens pour dépolluer les terres. Il existe quelques avancées scientifiques mais il faut aller plus loin", a ainsi souligné Serge Letchimy, député de la Martinique auprès d'Outremer360.

plus que des annonces générales, ce sont des solutions concrètes qui sont attendues sur ce dossier que les élus n'hésitent pas à qualifier de "scandale sanitaire" et de "scandale d'état".

"On souhaite aujourd'hui une prise de conscience, et des décisions en haut lieu pour autoriser le label Zéro Chlordécone", explique Louis Boutrin, évoquant des examens et un suivi médical pour les ouvriers agricoles qui ont travaillé dans la banane entre 1972 et 2002, un fond d'indemnisation, la fin des LMR, et surtout, le classement du Chlordécone comme cancérigène certain et non plus probable. "Nous sommes donc en droit d'attendre des autorités étatiques des réponses concrètes qui puissent éclairer l'avenir. On attend une décision qui permette de supprimer le chlordécone des assiettes, de la même façon que l'Etat prend des décisions pour sortir du glyphosate."

Ce jeudi, Emmanuel Macron s'est exprimé pour la première fois sur le sujet. "La pollution au chlordécone est un scandale environnemental dont souffrent la Guadeloupe et la Martinique depuis près de 40 ans", a déclaré le président, évoquant le fruit d'une "époque où la conscience environnementale était moindre qu'aujourd'hui."L'Etat doit prendre sa part de responsabilité et doit avancer dans le chemin de la réparation et des projets", a lancé le président, saluant les recherches déjà initiées sur le sujet.

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