I. ABOIEMENT (Aux abois, citoyens !)
Négritude !
La nègre attitude
ou l’aigritude
du nègre et sa lassitude
sous ces latitudes ?
Îlienne solitude…
Césaire devenu l’habitude,
le constat est rude
et le combat ouvrier, oublié
depuis le cinq février
car il s’est fourvoyé,
noyé dans le champagne acheté
au supermarché du béké…
Tous créoles,
ça c’est la parole
et c’est l’idée
mais on continue à vous voler
votre sueur, votre fric et votre pensée !
Le Rebelle est récupéré,
immolé sur l’autel du Balisier
et les chiens ont cessé de se taire.
Ils ont été abusés
par les mauvaises manières
de ceux qui brandissent Césaire
comme une politique bannière.
Qui abusé, aux abois, aboiera !
Mais pourquoi ne mordent-ils pas ?
“Un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas !”
C’est pour l’éternité, Césaire,
et pas rien qu’aux jours anniversaires,
qu’on doit chanter ces airs-là !...
II. URUBU-ROI
Il est mort,
le vieux lion de la Négritude
avec sa blanche crinière
et dans la Savane où repose le corps
de son Roi,
ils sont tous là,
pilleurs de charognes
sans vergogne,
urubus, vautours et marabouts
se battant becs et ongles
et force battements d’ailes,
tendant désespérément au bout
de cous pelés leur laide tête chauve
pour récupérer, pleins de zèle,
sur la dépouille encore chaude
un petit bout
de rouge chair
et quelques vers
d’Aimé Césaire
avant (et même après) qu’on l’enterre,
sans doute dans le vain espoir
d’acquérir un peu de la force du vieux lion
consacré par l’Histoire
comme l’incarnation
de la fierté du peuple noir…
III. POUR LE CENTENAIRE…
J’ai l’esclavage en héritage
et j’ai voulu tourner la page,
emmener mon âme en voyage…
Mais ça m’irrite davantage
et même ça me met en rage
quand on prend les morts en otage !
Césaire, on trahit ta mémoire !
Toi, la Parole du peuple noir,
fier guerrier de la Négritude,
on fait de toi une habitude
ou, pire, une simple attitude
qu’à tout prix il leur faut avoir…
Ta référence est la posture
qu’on doit afficher sans mesure
alors que c’est pure imposture !
Marchands du Temple, un cauchemar !
Car tu n’appartiens à personne
ou bien, plutôt, à tous les hommes…
Le Poète, nul n’emprisonne
quand au cœur de ses mots résonne
un goût de Liberté en somme
qu’on peut croquer comme une pomme…
Comme à Adam, le premier homme,
la Connaissance, avec l’espoir
en même temps son fruit redonne
sa dignité à l’homme noir
qui ne souhaite voir apparaître,
comme n’importe quel autre être,
ni dieu, ni maître à sa fenêtre
mais encore moins des grands-prêtres !...
Patrick MATHELIÉ-GUINLET