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CAMARADE FIDEL, MERCI DE NOUS AVOIR FAIT PARTAGER TON REVE !

Raphaël Confiant
CAMARADE FIDEL, MERCI DE NOUS AVOIR FAIT PARTAGER TON REVE !

   Un grand homme est celui qui est porteur d'un rêve et qui veut le faire partager aux autres. Celui de Fidel Castro (et de son ami le Che) était de construire une société nouvelle dans laquelle l'argent ne serait plus roi et qui s'efforcerait d'atteindre l'égalité entre tous ses citoyens. Et s'agissant plus spécifiquement de son pays, Cuba, l'égalité entre Blancs et Noirs, entre hommes et femmes, entre diplômés et non diplômés.  Sans doute est-ce cette dernière forme d'égalité qui est la plus extraordinaire : à Cuba, un médecin (7 ans d'études) ne gagne guère plus qu'un balayeur de rue. 

   Il s'agissait en fait, de construire "l'homme nouveau".

   Rêve, il est vrai, partagé par la plupart des ex-pays communistes, mais rêve qui s'est partout__sauf à Cuba__fracassé contre la réalité. Ou contre la nature humaine. Allez savoir ! Car n'est-ce pas être fou que de vouloir modifier cette créature qui dès l'aube de l'humanité a vécu dans l'égoïsme, la méchanceté, la soif de posséder toujours plus, hormis le contre-exemple de deux ou trois Gandhi ou Abbé Pierre ? Ou Castro...

    A Cuba, il y a eu, à la suite du guerillero de la Sierra Maestra, beaucoup de "grandes âmes". Tel ce chauffeur de cette institution cubaine qui m'avait accueilli pour quelques jours et qui avait été mis à ma disposition. J'avais remarqué qu'il boitait fortement et un jour, je lui ai demandé s'il avait fait quelque accident. Et lui de me révéler qu'il s'était porté volontaire pour aller combattre en Angola contre l'armée raciste de l'Afrique du Sud de l'apartheid, tout comme des dizaines d'autres jeunes Cubains blancs et noirs (lui était Blanc) et qu'il avait été lourdement blessé lors d'une opération sur le terrain. Il n'en tirait aucune gloire et ne m'aurait rien dit si je ne lui avait pas posé de question à propos de son boitillement. Il m'invita chez lui où il vivait très modestement avec sa femme et deux enfants. Jamais je ne l'ai entendu se plaindre ni réclamer des honneurs particuliers ou un meilleur salaire.

   Avais-je là, devant moi, un prototype de "l'homme nouveau" ? Je crois bien que oui et inutile de dire que j'ai éprouvé à son contact de la honte d'être un petit bourgeois qui voyage partout et qui est célébé parce qu'il écrit des livres. Mais j'ai aussi rencontré beaucoup de Cubains plus "normaux" si l'on peut dire, pas du tout "hommes nouveaux", qui critiquaient anba-fey le système et ne rêvaient que d'une chose : que les "Yankis" débarquent pour transformer Cuba en annexe de la Floride. Je n'ai jamais fait de séjours suffisamment assez longs à Cuba pour savoir si les "hommes nouveaux" y étaient plus nombreux que les "hommes normaux", mais à chacun de mes voyages, je me rendais compte que le nombre de ces derniers allait, hélas, grandissant.

   Fidel a même poussé son rêve plus loin : à l'île des Pins, il avait créé une société où l'argent n'existait carrément pas. Et il y avait fait installer des jeunes, pas des adultes déjà pourris par le culte du dollar clandestinement obtenu. Dans l'espoir sans doute que ces jeunes puissent un jour être l'avant-garde de la nouvelle société censée tourner définitivement le dos au capitalisme. Mais au fil des décennies, blocus étasunien oblige, bureaucratie, népotisme et clientélisme, tares directement liées à la "nature humaine"', on refait surface et ont progressivement gangrené l'ensemble de la société.

   D'autre part, Lénine l'avait dit : le socialisme ne peut exister que si tous les pays du monde deviennent socialistes. Il ne peut pas avoir en même temps, des pays où vivent des "hommes nouveaux" et d'autres où vivent des "Hijos de puta" (fils de pute). Or, et là c'est moi qui l'ajoute en toute modestie : un fils de pute est quand même plus proche de la "nature humaine" qu'un "homme nouveau". Le capitalisme est le meilleur système qui existe tout bêtement parce qu'il correspond à ladite nature humaine. Il est insubmersible parce que la saloperie est chevillée au corps de l'être humain.

   Fidel avait rêvé d'une société égalitaire, d'une société sans argent, d'une société du partage et de la solidarité. C'était un beau rêve, un grand rêve. Et nous avons été des millions à travers le monde à le partager des décennies durant. Même si ce rêve est aujourd'hui fracassé (et en Martinique, ce pays de corrompus et de mafieux, plus que partout ailleurs), nous ne pouvons que remercier Fidel.

  

Commentaires

lescolibris | 15/01/2015 - 09:49 :
Bonjour M. Raphael Confiant, J’ai bien apprécié cet article. Dans ma jeunesse, j’ai cru moi aussi à « l’homme » nouveau ! (Homme en tant que communauté, société). Une enfance plutôt difficile mais surtout l’influence de mes grands parents originaires de la « banlieue rouge » des années 1900/1930 (aujourd’hui la « Seine Saint-Denis ») m’y ont prédisposés. Je n’ai pas vraiment été déçu, mais je pense maintenant que c’était une utopie ! Sans doute ai-je perdu mes illusions, sans doute ai-je souvent trahi mes convictions profondes, mais je garde en moi cette petite flamme qui me fait croire que mon destin individuel ne peut se confondre avec celui de la société dans laquelle j’évolue … tout en sachant qu’il m’est impossible d’échapper ni à la société ni à l’époque dans lesquelles je vis. J’ai lu que l’homme « est un animal social », il lutte d’abord pour sa survie et la survie de sa « tribu ». Comme je pense qu’il est quand même « à part » dans le monde animal, qu’il a une intelligence et une adaptabilité bien supérieures aux autres créatures, il pousse à l’extrême ces mécanismes d’adaptabilité pour en tirer le maximum de bénéfices. La religion, la morale, l’éthique etc… là aussi me semblent n’être que des moyens pour arriver aux mêmes buts … les objectifs pouvant être également immatériels. C’est une sorte de mécanisme infernal qui abouti finalement à détruire l’humanité même de l’homme… cela a donné de nombreuses abominations, entre autre l’esclavage et le colonialisme, cela donne le capitalisme d’aujourd’hui. Quelle est la solution ? Refuser le progrès et toute évolution qui inéluctablement entrainent les sociétés humaines vers des lendemains « inhumains » ? Monsieur Raphael Confiant, je suis un grand amateur de vos œuvres. Je trouve extraordinaire que vous soyez aussi prolifique tant dans votre œuvre d’écrivain que dans vos différentes activités. Actuellement je participe avec M. Daniel Boukman à « latilié kréyol matinik la » liméwo 2, qui me suggère de vous adresser la demande suivante : Je ne suis pas créolophone, mais j’ai lu beaucoup d’ouvrages écrits en créole. J’ai lu « Moun-andéwò a », « Kod Yanm » dans sa réédition, et « Bitako-a » que j’ai trouvé dans son édition originale de 1985 avec une « orthographe ? » non normalisée --- mais que j’ai trouvé par la suite sur internet écrit avec les normes actuelles --- Monsieur Confiant, puis-je vous demander une faveur ? Avez-vous encore en stock quelques exemplaires de vos livres écrits en créole ? Je pense plus particulièrement à « Marisosé ». Je vous remercie de votre réponse. Jacques Humbert (j.humbert5@wanadoo.fr)

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