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BATAILLON CRÉOLE : L'INTERVENTION DE CHARLES-HENRI FARGUES

7 novembre 2014
BATAILLON CRÉOLE : L'INTERVENTION DE CHARLES-HENRI FARGUES

Voilà un résumé de l'intervention de Charles-Henri Fargues qui, à travers un exposé documenté, va esquisser les origines du sentiment patriotique martiniquais vis-à-vis de la France.

 

De l’Empire à la IIIème République, des 100 jours au Second Empire, des nègres, des noirs, des hommes de couleurs, des mulâtres (selon la terminologie de l’époque) venus principalement d’Haïti, vont servir dans les armées françaises comme volontaires. 

Dès la Révolution, et plus encore en 1848, dans l’effervescence abolitionniste, le désir des révolutionnaires d’égalité pour tous, eux qui veulent faire appliquer les lois militaires existant en France dans les colonies, se heurte à une opposition viscérale des colons pour lesquels la survie passe par le maintien absolu de l’ordre existant et qui ne peuvent accepter, en aucun cas, que des hommes de couleurs, des esclaves affranchis puissent être formés au maniement des armes et donc posséder la puissance qu'il confère.

Le premier élément, par lequel s'affirme cette volonté égalitaire et qui peut être identifié comme contributeur de ce sentiment patriotique, est le décret du 3 mai 1848 de  : «  Le gouvernement provisoire, considérant que les colonies sont une partie intégrante du territoire de la république, qu’en les régénérant par l’abolition de l’esclavage, on ne saurait trop y détruire les lois exceptionnelles, les faire entrer dans le droit commun et les assimiler complètement à la mère patrie, décrète :

Article 1 : La loi du 21 mars 1832 sur le recrutement de l’armée est appliquée au Colonies où elle sera immédiatement promulguée et mise en valeur

Art. 2. Les jeunes soldais appelés au service militaire en vertu élu présent décret seront de préférence affectés au service des colonies.

Art. 3 Toutes les instructions qui régissent le mode de recrutement en France; seront suivies aux colonies… »

Le second est la période de l’aventure de Napoléon III au Mexique, excellemment documentée par Sabine Andrivon-Milton dans son « La Martinique, base navale dans le rêve mexicain de Napoléon III (1862-1867) » - 1996.

Pour la première fois, les martiniquais, en tant que tel, apparaissent dans l’histoire militaire de la France. Recrutés au départ comme muletiers, ouvriers, gardiens, à la faveur de ce que l’histoire à retenu sous le nom de l’Affaire de Tejeria, ils vont pouvoir montrer leur valeur militaire au contact de l’ennemi. Ces premiers soldats martiniquais  ne pourront pourtant servir qu'au sein d'unités de tirailleurs sénégalais et ailleurs que dans la colonie.

La situation économique et financière devenue florissante dans une Martinique où la moitié de tout de ce qui va au Mexique ou qui en sort passe par Fort-de-France, les investissements structurels réalisés (construction du bassin de radoub …), le surplus monétaire injecté par des milliers d’hommes en transit et le discours assimilationniste enflammé diffusé par la  presse constitue donc ce deuxième élément.

La question du désir sans cesse proclamée des Martiniquais de verser l’impôt du sang, d’aller vers le sacrifice suprême est la grande question en filigrane dans le roman. Cette volonté sacrificielle de développe juste avant la Grande guerre et atteint un paroxysme durant cette période ainsi que le montre Raphaël Confiant.

Ce sentiment va être renforcé durant la guerre elle-même par deux décisions assez incroyables. La première est que le Ministre de la Guerre demande expressément que les créoles, comme on se met à les appeler, bénéficient d’un traitement spécial en matière d’alimentation, de soin, d’hygiène et d’affectation. L’institution militaire veut qu’ils puissent s’acclimater avant de les affecter à des unités combattantes.

La seconde décision, plus extravagante encore, est que par décision de la plus haute autorité militaire, chaque année à partir du mois d’octobre, les créoles sont retirés de leurs unités du front pour être repliés vers des zones au climat plus clément surtout dans le sud de la France et même en jusqu’en Tunisie et en Algérie. Ce sont des décisions dont on n'a pas pu évaluer l'exécution comme le souligne Mme Andrivon-Mlton. Elles demeurent extraordinaires car dans le même temps des milliers, des centaines de milliers de poilus tombent. Ce sont des mesures qui vont sans doute fortifier cette reconnaissance envers la France des générations de cette époque.

Pour conclure, le vocable « Bataillon-Créole » de Confiant est une allégorie puissante, une conception idéalisée, elle procède du mythe. Il n’y a jamais eu de bataillon créole à proprement parler. Le Bataillon Créole est l’entité abstraite que la population imagine, où elle veut croire que se retrouvaient des soldats martiniquais partant en France, à la guerre, vers l’inconnu, le front, la mort. A cette époque, peu d’habitants ont pu accéder à une représentation visuelle de la France, sauf à avoir vu quelques chromos… et encore…

Alors, ceux qui restaient ne pouvaient pas les imaginer isolés, dans le gris et le froid, disséminés, éparpillés-perdus dans des unités mixtes donc majoritairement blanches. Pour supporter, pour survivre à la déchirure, l’idée d’un Bataillon Créole, d’un bataillon martiniquais où ils se retrouvent tous émerge et apaise le vertige de l’inconnu où sont partis les enfants, les frères, les pères, les maris ou les amants.

Plus loin et au-delà du monument aux morts du Lorrain, ce livre parle également des 600.000 poilus venus des colonies françaises, partout dans le monde, combattre et souvent mourir en Europe durant la Grande Guerre.

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