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Arrêté légitime devant une légalité défaillante.

Léo URSULET
Arrêté légitime devant une légalité défaillante.

Stasnilas Cazelles, vous n’êtes pas préfet du département de la Drôme, mais préfet de la Région Martinique. Et en grand commis  obéissant et zélé de l’Etat, vous vous avez tenu à rétablir l’autorité compétente du ministre de l’Agriculture, en sollicitant le rejet judiciaire de l’arrêté antipesticide du maire du Prêcheur.

 Alors que le chloredécone a été interdit à la fin des années 1970 aux USA, son usage a été autorisé en Martinique et en Guadeloupe entre 1972 et 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Bien qu’interdit en France dès 1990, il fut utilisé aux Antilles jusqu’en 1993, par dérogation précisément du ministre de l’Agriculture, sur la pression du looby béké appuyé par un député martiniquais irresponsable, malgré une avalanche de rapports défavorables. Ce ministère se trouve aujourd’hui comme l’autorité devant laquelle un maire de la Martinique doit s’incliner quand il veut protéger sa population contre l’usage des pesticides !

Le chloredécone est un produit organochloré ultra-toxique avec des effets durables de plusieurs siècles sur l’environnement et particulièrement dangereux pour la santé humaine. La population martiniquaise en subit actuellement gravement les effets.

Deux Martiniquais, Raphaël Confiant et Louis Boutrin, faisant  œuvre de journalisme d’investigation, nous ont livré en 2007 à ce sujet le brûlot, Chronique d’un empoisonnement annoncé, en s’appuyant sur des documents, dossiers, études ou rapports inconnus du grand public, pour briser la chape de plomb que l’on semblait vouloir  installer sur cette situation en Martinique.

En 2018,  devant ce « scandale environnemental » (mots du président de la République), la commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation du chloredécone et du paraquat aux Antilles françaises, présidée par le député Serge Letchimy, après 6 mois d’auditions, va juger à son tour que « l’Etat  français est le premier responsable » de ce scandale. Son rapport déposé en décembre 2019 a prévu la mise en oeuvre d’un plan Chloredécone IV qui devait être validé en fin 2020. Ainsi depuis 2008, quatre plans chloredécone auront été proposés aux Martiniquais.  

 Quasiment personne en Martinique et en Guadeloupe n’a entendu parler du plan III qui portait sur 2014-2020. Et pour cause ! La SYNTHESE DU RAPPORT D’EVALUATION de ce PLAN ET PROPOSITIONS, révèle que le comité de pilotage présidé par votre prédécesseur à la préfecture de Martinique bien que jugé comme « un réel pivot » de ce comité, ne s’est pas réuni de 2015 à 2018 (p.25) ! Et nous apprend encore :

En point 1 :

C’est seulement le 28 mars 2019 que les cinq ministres en charge du plan III ont demandé à de hautes instances publiques comme le  conseil général de l’alimentation, d’évaluer ce plan alors qu’il allait sur sa dernière année ! 

en point 6 :

« l’organisation du comité de pilotage du plan III confiée à la direction générale de la sante  (DGS) et à la direction générale des outre-mer (DGOM) s’est avérée peu efficace.

En point 7 :

 le financement du plan III était prévu à 30 Millions d’euros, mais les collectivités territoriales de Martinique et de Guadeloupe gestionnaires des fonds structurels européens ne se sont pas senties engagées par un plan auquel elles n’avaient pas été associées. Ce qui donne à penser que le Conseil européen n’est pas au fait de l’ampleur du drame actuel qui se joue en Martinique et en Guadeloupe.

En point 8 :

« Des actions aussi essentielles que la surveillance médicale des professionnels de la banane et la cartographie des sols en Guadeloupe et Martinique ont été insuffisamment réalisées. »

             Et ce rapport recommande en premier point qu’« aux plans d’Etat doit succéder une action publique élargie aux collectivités dans les domaines de leur compétence et à la participation active du corps social. »

Un maire de la Martinique, dans ces conditions,  était donc plus que jamais légitimé à s’impliquer dans la protection des populations martiniquaises contre l’usage inconsidéré de pesticides dans les voisinages de leur zone d’habitation. Le maire du Prêcheur n’a rien fait d’autre par son arrêté sur sa commune, en interdisant «la pulvérisation, les traitements de sols ou l’ensemencement de graines enrobées avec des produits phytopharmaceutiques à bas de néonicotinoïdes, ainsi que l’usage de tous autres pesticides néfastes à l’environnement et à la santé », sur les zones de Morne Folie et Case Rolland. Et situation idéale, le maire a pris cette mesure en accord avec les agriculteurs de sa commune, qui ont compris la nécessité de protéger les gens fragiles de l’Ehpad de Case Rolland, et de ne pas entraver par des pesticides les expériences bio-alternatives conduites à Morne Folie.

Une centaine de maires de France hexagonale en ont fait autant ces mois derniers dans leur commune, le gouvernement ayant été condamné le 26 juin 2019, à la demande d’associations de protection de l’environnement, par le Conseil d’Etat à revoir son dispositif sur l’utilisation des pesticides. Et ses mesures prises depuis, sont actuellement fortement combattues en France par les riverains à cause des distances trop réduites entre zones d’épandage de pesticides et habitations. 

Et vous, préfet de région de la Martinique, Stasnislas Cazelles, nonobstant les circonstances précédentes, avez demandé d’abord au maire du Prêcheur de retirer son arrêté, en soutenant qu’un tel arrêté n’est pas de la compétence d’un maire, mais du ministre de l’Agriculture. Vous alléguez toutefois qu’un maire pourrait obtenir ce pouvoir par dérogation, mais sans jamais proposer votre médiation à cet égard. Devant le ferme refus du maire du Prêcheur de retirer son arrêté, vous avez attaqué sa décision devant le tribunal Administratif, lequel a finalement, ce vendredi 23 octobre, suspendu cet arrêté pendant 4 mois. 

 Mais, monsieur le Préfet, dans votre opposition à cet arrêté, vous n’avez pas, un seul instant, tenu compte de la situation dramatique actuelle de la Martinique, à cause précisément des récentes démissions de l’Etat quant à l’introduction et l’usage du chloredécone dans ce pays. Ainsi l’Etat continue de faire fi des exigences de la santé publique en Martinique.

Il y a particulièrement lieu d’exhorter tous les maires de la Martinique à suivre l’exemple de leur collègue Marcelin Nadeau du Prêcheur. Messieurs, vous ne seriez pas les premiers à vous engager dans cette voie ; vos collègues de l’hexagone sont chaque jour actuellement plus nombreux à l’emprunter. Ce faisant, vous associeriez même « résolument » les collectivités locales à la protection de l’environnement et des populations martiniquaises, idée formulée du reste dans le rapport d’évaluation du plan III d’action chloredécone aux Antilles (tome 1 page 86/99), mais jusque-là sans suite.

 

Léo Ursulet, historien

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