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A propos des nouveaux statuts de l' Université des Antilles

Marie-Joseph Aglaé
A propos des nouveaux statuts de l' Université des Antilles

La crise qui secoue actuellement l’Université des Antilles trouve ses origines dans la mauvaise gouvernance de l’établissement et dans la violation, sur des aspects importants de la vie de l’établissement, des textes (dispositions législatives et statuts) qui en gouvernent l’organisation et le fonctionnement.

Je ne reviendrai pas sur les graves problèmes de mal gouvernance dénoncés par mes anciens collègues auxquels j’apporte tout mon soutien.

Je me bornerai à revenir, une fois de plus, sur quelques points qui affectent directement le pôle universitaire de Martinique.

Il ne s’agit nullement d’opposer le pôle Guadeloupe au pôle Martinique. Mais il faut bien en convenir la gouvernance de l’autorité universitaire, sur des points cruciaux, et les conséquences qui en résultent, mettent en péril l’avenir même de l’université en Martinique  

C’est le cas de la suppression de l’autonomie des pôles engagée par le président de l’université. Contrairement à ce qui est parfois cru, le principe d’autonomie ne figure pas dans le préambule des statuts de notre université, mais au Titre I du texte statutaire, autrement dit dans le corps même du texte. Il n’est donc pas dépourvu de portée juridique. A la manière d’une constitution qui définit la forme et l’organisation de l’Etat, les statuts précisent la forme de notre université et les principes qui en gouvernent l’organisation. Supprimer le principe d’autonomie des pôles c’est tout simplement tenter de remettre en cause l’organisation de notre université telle qu’elle résulte de la loi. Dans celle-ci figure en effet un faisceau d’indices (adoption et préparation par les conseils de pôle d’un projet stratégique de pôle, approbation d’accords et de conventions par le conseil de pôle, le statut d’ordonnateur des recettes et des dépenses du pôle des vice-présidents de pôle qui ont de surcroît autorité sur le personnel du pôle etc., v. art. L 781-3 du code de l’éducation) témoignant de la volonté du législateur de conférer de réelles compétences de proximité aux pôles.

Mais l’atteinte à l’autonomie des pôles n’a pas les mêmes répercussions sur le pôle Martinique que sur le pôle Guadeloupe où sont implantées les structures dirigeantes de l’établissement.  

Conçue par Madame Mence-Caster et son équipe à l’occasion la création de l’Université des Antilles, l’autonomie a une double fonction, un double intérêt.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître l’autonomie devait consolider les relations entre les deux pôles universitaires. Alors que des forces centrifuges en Martinique et en Guadeloupe travaillaient à la scission de l’université, en fondant l’organisation de l’établissement sur le principe d’autonomie on garantissait aux deux pôles universitaires une liberté de manœuvre suffisante de nature à limiter les tensions. L’uniformisation et la centralisation excessives brident en effet les initiatives propres aux territoires et engendrent inévitablement des conflits.

Mais l’autonomie devait également favoriser la territorialisation des stratégies universitaires décidées par l’établissement, c’est-à-dire leur adaptation aux réalités des territoires. Les besoins en matière de formation, les orientations en matière de recherche, les sensibilités à tel ou tel aspect de la vie universitaire ne sont pas nécessairement identiques en Guadeloupe et en Martinique.

En bafouant l’autonomie des pôles universitaires depuis le début de sa mandature, et en tentant de supprimer cette notion des statuts de l’université, l’actuelle gouvernance se donne les moyens de contenir le pôle Martinique.

La question des pouvoirs budgétaires des vice-présidents de pôles se trouve indissociablement associée à celle de l’autonomie. En prévoyant que « le vice-président de pôle est ordonnateur des recettes et des dépenses du pôle » le code de l’éducation (art. L 781-3) lui confère un pouvoir financier autonome distinct de celui du président de l’université pour les budgets des pôles. Ce dispositif spécifique à l’Université des Antilles déroge au texte plus général du même code qui prévoit que « le président de l’université est ordonnateur des recettes et des dépenses de l’université » (art. L712-2). C’est bien connu, la loi spéciale déroge à la loi générale. Il en résulte que les budgets des pôles doivent être exécutés par les vice-présidents de pôle après avoir été votés par le conseil d’administration de l’établissement.

Pourtant, depuis le début de sa mandature l’autorité universitaire ne respecte pas la délégation de pouvoir que confère le code de l’éducation aux vice-présidents de pôles. L’atteinte aux pouvoirs budgétaires des pôles a pour conséquence de réduire considérablement leur marge de manœuvre et de nuire à l’autonomie polaire.

Il y a de surcroît délibérément une violation de la loi. Les risques juridiques et financiers sont évidents pour l’université. Les autorités de tutelle de l’établissement (le ministère de l’enseignement et de la recherche) et leurs représentants s’abstiennent d’intervenir alors qu’ils sont parfaitement informés de cette situation. L’Etat en est par conséquent lui aussi responsable.

 L’autorité universitaire a également été tentée de supprimer la référence à la notion d’équilibre entre les pôles universitaires dans les statuts de l’établissement. Elle semble y avoir renoncé. Mais le seul fait d’y avoir songé est lourd de menaces pour le pôle Martinique qui se trouve d’ores et déjà engagé dans un engrenage mortifère.  

Car dans les faits depuis 2018 une nouvelle clé de répartition conduit à accorder progressivement 66, 36 % des moyens financiers et humains au pôle Guadeloupe et 33,64 % au pôle Martinique.

On accroît le déséquilibre au lieu de tendre à un équilibre d’ensemble entre les deux pôles comme le prévoient pourtant le code de l’éducation (art. L 781-2) et les statuts de l’université (Titre 1).

C’est dire que l’avenir de l’université en Martinique est très mal engagé et se trouvera fort compromis sans réaction forte et immédiate de tous ceux qui ont à cœur de préserver un outil universitaire de qualité sur notre territoire.

Qu’il me soit enfin permis de tordre le cou à quelques approximations lues sur les réseaux sociaux.

Une opinion isolée soutient en effet que « quand on réintroduit le ticket à trois renforcé par la notion d’équilibre entre les pôles, l’autonomie n’a plus de sens au regard de la loi ».

On observera d’abord que l’équilibre (équilibre d’ensemble et non stricte égalité entre les pôles) n’est pas respecté en dépit des dispositions du code de l’éducation et des statuts de l’établissement.

En outre « ticket à trois » et autonomie des pôles visent des objectifs différents.

Le « ticket à trois » tend à la stabilité de l’équipe de gouvernance de l’établissement en prévoyant qu’un candidat à la présidence de l’université se présente aux élections avec deux candidats à la vice-présidence de pôle (un candidat à la vice-présidence du pôle Guadeloupe et un candidat à la vice-présidence du pôle Martinique).

L’autonomie est en revanche un instrument de territorialisation des politiques universitaires.

Il est curieux qu’un membre du conseil d’administration de l’établissement s’égare à ce point dans la compréhension des institutions et du fonctionnement de sa propre université.    

On rappellera que le « ticket à trois » était une proposition de l’équipe Mencé-Caster reprise par le Sénat. En 2015 Le député V. Lurel s’y était farouchement opposé et déclarait « Certains de nos collègues voudraient enfermer, ex ante, l’élection dans un trio, dans un triangle. Quelque part, c’est avoir peur de la liberté […] c’est une erreur politique gravissime » (v. Assemblée nationale, XIVe législature, compte rendu intégral, première séance du jeudi 19 fév. 2015). En 2020, V. Lurel, désormais sénateur, revient sur sa position et se prononce en faveur du « ticket à trois ». Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir changé d’avis alors que les bénéfices du « ticket à trois » étaient déjà évidents il y a cinq ans. Soit. On attendra la suite de l’histoire. Chateaubriand observait qu’ « Il y a des mystères de politique comme il existe des mystères de religion ».

Quoi qu’il en soit, il est heureux qu’aujourd’hui, universitaires, personnel administratif, étudiants et responsables politiques se rassemblent afin de mettre fin aux dérives qui affectent le fonctionnement de l’établissement.

L’enjeu est fondamental. Il y va de l’avenir de notre jeunesse et du développement de notre territoire.

 

M.-J. AGLAÉ, retraité de l’enseignement supérieur, ancien vice-président délégué aux affaires juridiques et contentieuses de l’Université des Antilles (sous la mandature de Mme Mencé-Caster).

Commentaires

GIRIER-DUFOURNI... | 09/03/2021 - 16:06 :
A la lecture de cette tribune , je constate qu'aux Antilles ,les problèmes ne peuvent se régler. Pourtant , il y a des lois qui encadrent la création d'une université , son fonctionnement er son organisation ..Lorsque l'on constate qu' elles ne sont pas respectées , l'autorité de tutelle doit prendre ses responsabilités .Pourquoi laisser les choses se détériorer? N'y a t-il pas une sorte de peur de ne pas mettre de l'huile sur le feu ? Cependant , le gouvernement si prompt à réagir quand des antillais donnent leur avis ou lance un appel à la jeunesse sont jetés au pilori en les faisant passer pour des hors la loi? Existe t-il une loi qui empêche une intervention des autorités ? L'approche des élections ne doit pas les empêcher de faire leur travail et appeler certains dirigeants à un peu plus de modération! Au lieu de les laisser agir comme s'ils étaient les maîtres de l'habitation ?. Et penser qu' ils sont au dessus des lois ? Pourtant , certains ont prouvé qu'avec la volonté, l'intelligence , ils ont su gérer à l'époque de l'UA.? Même si c'était avant ? Il serait judicieux que les autorités , nos politiques oublient les élections qui arrivent et prouvent leur envie de prendre en compte les problèmes , tous les problèmes du pays ! Ce qui désolent , c'est de constater que tout le monde s'offusque de certaines décisions injustes prises à l'encontre de citoyens , et voir que celles ci augmentent de plus en plus . Et, malgré les lois à leur disposition , ils n'obtiennent pas" gain de cause" . Le pire , c'est de constater que ces lois sont bafouées par ceux qui devraient les faire respecter et par ceux chargés de mettre de l'ordre et qui ne le font pas ....
Véyative | 10/03/2021 - 18:06 :
S'il y a violation de la loi , à savoir le code de l'Education, il y a donc matière à saisir les tribunaux. Est-ce l'affaire du Ceregmia qui aurait créé un tel traumatisme que cela empêche toute initiative?

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