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«À GAZA, LES MUSULMANS ET LES CHRETIENS SONT DES FRERES»

Arnaud Aubry avec Laurent Grzybowski http://www.lavie.fr/
«À GAZA, LES MUSULMANS ET LES CHRETIENS SONT DES FRERES»

L'opération israélienne dans la bande de Gaza a déjà fait côté palestinien près de 600 morts, 4000 blessés et plus de 100000 déplacés. Un drame que partagent chrétiens et musulmans palestiniens.

La bande de Gaza, cette mince langue de terre côtière coincée entre Israël et l'Egypte, d'un périmètre de 360 kilomètres carré et où vivent environ 1,7 million de gazaouis, est depuis le 8 juillet dernier la cible de l'opération militaire «Bordure protectrice» lancée par l'armée israélienne. Parmi ces habitants, on trouve une infime minorité de chrétiens : ils sont environ 1300 selon Caritas Jérusalem, l'organisation du Secours catholique en Terre Sainte. La majorité d'entre eux sont des chrétiens orthodoxes même s'il y a aussi une toute petite communauté catholique, de moins de 300 personnes.

Noyés au sein de la population musulmane, les chrétiens de Gaza partagent donc les conditions de vie de leurs voisins et ils en témoignent. Pour Evette Azzam et son mari Jiryes, habitants de Gaza joints par téléphone : «Les chrétiens ne vivent pas une situation différente de celle des musulmans.» Ce que confirme le chanteur soliste de l'église Saint-Porphyre (orthodoxe), Ibrahim Jahshan : «À Gaza, les musulmans et les chrétiens sont des frères. D'ailleurs les relations entre les deux communautés sont très bonnes.» Selon lui, la communauté chrétienne était plus nombreuse avant la Seconde intifada : «Nous étions 3 300. Beaucoup sont partis en Cisjordanie, en Suède, en Hollande, à Dubaï etc. pour trouver un travail et pour des questions de sécurité.»

D'ailleurs, le nombre de chrétiens sur place pourrait encore baisser. L'un d'entre eux, qui a préféré rester anonyme car «il ne veut pas de problèmes» confie que, selon lui, «il n'y a pas d'avenir pour [les chrétiens] sur cette terre. Ne peuvent rester que ceux qui supportent les coupures d'eaux et d'électricité, les bombardements incessants et qui sont prêts à aller au combat...»

Depuis le début de l'offensive israélienne, au moins 593 Palestiniens ont été tués, et plus de 4 000 autres ont été blessés. Côté israélien, le bilan serait de 29 décès, dont 2 civils. L'opération militaire entraîne également un déplacement de population. Selon le père Raed, directeur de Caritas Jérusalem, l'école catholique située à côté de l'église de la Sainte Famille (la seule église catholique de toute la bande de Gaza) accueille actuellement 800 déplacés. Une école grecque orthodoxe en accueille 1000. Ceci en plus de ceux abrités par les établissements de l'Unrwa (l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) où se réfugient également de nombreux déplacés. Selon l'ONU, plus de 100 000 Palestiniens ont déjà fuit leur maison.

Peu avant les bombardements, les habitants de Gaza reçoivent des messages de l'armée israélienne sur leur téléphone portable les invitant à quitter d'urgence leur maison. Manuel Musallam, l'ancien prêtre de l'église de la Sainte famille à Gaza qui habite désormais en Cisjordanie a lui-même reçu ces messages. Pour lui : «C'est une guerre psychologique. C'est la même politique qu'au temps de la création de l'Etat d'Israël en 1948 : une politique de la terre brûlée.»

Malgré les bombardements, certains habitants choisissent pourtant de rester chez eux. C'est le cas de Brahim Jahshan : «On reste dans notre maison (il habite dans la ville de Gaza). Où voulez-vous que l'on aille ? A l'est, à l'ouest, au nord ou au sud c'est la même situation.» Le père Raed confirme : «Ils ne peuvent se réfugier nulle part : ils ne peuvent pas sortir de la Bande de Gaza ! Les frontières sont fermées du côté israélien, mais aussi au point de passage de Rafah (au sud, à la frontière avec l'Egypte, ndlr).» Selon lui, il faudrait que l'Egypte ouvre ses frontières «pour évacuer les blessés, et pour amener des médicaments. Depuis le début de l'opération militaire israélienne, le silence des pays arabes est terrible ! Surtout celui des Egyptiens, c'est un crime de guerre !»

Chrétien palestinien, né à Gaza, Khalil Zakharia, 30 ans, est étudiant à Paris en master solidarité et action internationale. Après avoir réussi à fuir son pays, il est arrivé en France il y a deux ans pour poursuivre ses études, laissant là-bas sa mère et ses deux sœurs, Leïla, 20 ans, et Marianne, 17 ans. «Depuis le début de la guerre, je parle avec elles tous les jours au téléphone. Elles sont terrorisées et n'arrêtent pas de pleurer. Elles vivent dans la peur et dans l'angoisse permanente. Quand je demande à mes sœurs de quoi elles auraient le plus besoin, elle me répondent : « d'un sophrologue » . » Recluses dans le fond d'une chambre, loin des fenêtres, elles n'osent plus sortir à cause des bombes qui tombent jour et nuit. Certes, il y a bien deux ou trois heures de calme aux alentours de midi, mais la trêve n'est jamais garantie. Dans le quartier, il n'y a ni eau, ni électricité, et les gens ont du mal à trouver de quoi se nourrir.

«Gaza est une immense prison à ciel ouvert» poursuit Khalil. «Les missiles envoyées par des avions F16 creusent d'immenses cratères Personne n'est à l'abri. Le bruit des explosions est permanent, insupportable, et contribue à créer un climat d'insécurité. Le cimetière attenant à l'église orthodoxe a été détruit et toutes les tombes ont été retournées. Même les morts ne peuvent plus dormir tranquille ! Mes sœurs, qui sont totalement traumatisées, me disent qu'elles n'ont plus qu'une chose à faire : prier.»

Et pourtant, même aller à la messe devient dangereux. «Il n'y a pas eu de célébration dimanche dernier» témoigne Brahum Jahshan. «Le prêtre nous a envoyé un message nous disant qu'il ne fallait pas venir à l'église (orthodoxe) car les Israéliens avaient tiré tout près, dans la zone de al-Zaytoun.» L'église catholique de la Sainte Famille est située dans la même zone, à côté du quartier de Chadjaiya. Ce faubourg à l'Est de la ville de Gaza a été le cadre d'une offensive israélienne particulièrement meurtrière pour les deux camps. Rien que dans la journée de dimanche 20 juillet, 72 Palestiniens ont été tués dans ce seul quartier tandis que 13 soldats d'élite israéliens trouvaient la mort aux abords du quartier.

Pour le père Raed, dont l'organisation travaille à Gaza depuis 1990 : «Il faut arrêter cette guerre le plus tôt possible, mais ça ne suffit pas !» Pour lui, la seule solution est de «lever le blocus, et de faire en sorte que ce ne soit plus le Hamas mais l'Autorité palestinienne qui soit en charge de la bande de Gaza.» Manuel Musallam conclut : «Je connais un enfant de 8 ans qui a déjà connu 4 guerres. Que va-t-il devenir ? En se comportant de la sorte, les Israéliens sont en train de créer toute une génération de futurs terroristes.»

 

Post-scriptum: 
© Mohammed Asad/Apaimages/SIPA

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