Dans l'étonnante lignée de ces "visiteurs lumineux" qui, à un moment donné de leur existence, ont traversé la Martinique et en ont recherché l'éclat, tels le folkloriste et écrivain Lafcadio HEARN, le peintre Paul GAUGUIN, le géographe Eugène REVERT, le poète André BRETON, les anthropologues Jean BENOIST et Francis AFFERGAN ainsi que tant d'autres, le romancier Salvat ETCHARD (1924-1985) est un cas à part. Cet écorché vif d'origine basque débarque, en effet, à la Martinique en 1955 et se fait embaucher comme palefrenier sur une propriété de Békés, les Lacour-Grandmaison, située à la frontière des communes du Marin et de Saint-Anne, l'Habitation Maison Rouge. C'est pourtant déjà un homme de lettres puisqu'il a publié une pièce de théâtre d'une férocité anti-bourgeoise digne d'un Jean GENET qu'il a d'ailleurs connu et fréquenté quelque temps. Le titre de cette pièce en dit long : Une bonne à six. Mais c'est un homme de lettres qui fuit le milieu littéraire (son seul vrai ami est l'écrivain REZVANI), ses mondanités et ses futilités, son mépris du peuple. C'est aussi un homme qui à l'instar de RIMBAUD (lequel, soit dit en passant, fut le premier à déclarer, avant Aimé CESAIRE, "Je suis un Nègre !"), fuit la vieille Europe et est à la recherche non pas vraiment d'un paradis, mais d'un lieu où l'homme ne considérerait pas son prochain comme une marchandise. Les îles ont toujours fait rêver ces êtres en délicatesse avec leur patrie et si GAUGUIN a pu assouvir son rêve en Polynésie, ETCHARD était vraiment mal tombé avec la Martinique, cette "version absurdement ratée du paradis" comme l'écrit CESAIRE.