Le vieillissement de la population martiniquaise et les désordres sociaux, politiques et économiques qui pourraient en découler ont suscité la réaction de Raphaël Confiant dans sa dernière tribune, « L’illusion de la Sylver économie ». Il estime qu’il ne pourrait se développer une économie fondée sur le vieillissement de la population que dans le cadre d’une économie globale. Or, selon lui, cette économie n’existe pas en Martinique.
Ainsi donc, l’affaire du Green Parrot a été dépaysée à la demande du procureur général de la Martinique. N’est-ce pas un succès des partisans d’AMJ et de ses défenseurs ? En effet, la défense ne s’était pas privée de fournir les arguments qui auraient pu manquer à la Cour de Cassation pour prendre cette décision. Pour preuve la plainte déposée contre le procureur de la République, « Maitre Corbeaux », ainsi moqué par le chef de file des avocats. On aurait pu s’attendre à une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux et dans la presse, les uns favorables, les autres hostiles, comme celles qui ont fusé au lendemain de phénomènes récents. Tout le monde est prudent car aucun parti politique ne se croit en situation de pouvoir tirer profit d’une éventuelle inéligibilité du président de l’exécutif de la CTM.
On ne triche pas avec l’histoire. Elle est pathétique cette volonté d’ignorer la part assimilationniste de la revendication départementaliste exprimée par les deux députés communistes, Aimé Césaire et Léopold Bissol. Qu’ils aient changé d’avis, soit, mais dire que Césaire et les communistes ne voulaient pas l’assimilation est ridicule. Il suffit de relire le discours de ce dernier à l’assemblée nationale au moment du vote de la loi de 1946 pour y voir que l’assimilation était le premier objectif de nos deux élus. Le discours du rapporteur communiste contient plus de 20 fois le mot « assimilation », à l’exclusion de toute réserve et de tout manquement. Mieux, le rapport est présenté avec les accents de ce lyrisme qu’on a connu au député-maire de Fort-de-France, à ses meilleurs moments. D’où ma vieille tribune Le Chant assimilationniste d’Aimé Césaire reprise sur l’internet. Mais tant qu’à consulter ce media, relisez directement le chant, lui-même : le discours de 1946.
Le moment approche où les Martiniquais se lasseront de la chronique permanente qui met en scène les rapports entre les hommes politiques et les békés. Il est de règle pour les partis politiques de gauche d’afficher leur détestation de ces Martiniquais, lesquels sont porteurs, selon eux, de la triple tare de descendants d’esclavagistes, de patrons capitalistes et de Blancs pays. Il y a peu de martiniquais qui, à l’un de ces titres ou aux 3 à la fois, ne pourraient pas trouver matière à poursuivre cette aversion qui instille le discours de la société martiniquaise. Sauf que tout le monde se fatigue et qu’au moment où chaque citoyen tient en permanence à la main un appareil photo enregistreur, il devient impossible de camoufler les contradictions. Les instruments qui ont trahi le vieil homme sont les mêmes qui trahissent ceux qui le condamnent. Il ne suffira plus de posséder en douce, honteusement, son « bon béké » ou son « bon métro » tout en stipendiant la gente des békés et celle des métropolitains. Halte à l’hypocrisie : les hommes publics se verront de plus en plus obligés de parler vrai.
Depuis Montaigne, on sait que la vérité d’un pays s’arrête à ses frontières et que ce qui est interdit en deçà des Pyrénées peut être admis au-delà. C’est ce que m’inspire une tribune parue dans la presse sous la signature d’un militant indépendantiste et intitulée Turquie, Union européenne et peine de mort. Les réactions en cours du président de la Turquie à la tentative de coup d’Etat visant son pays inquiètent en ce qu’elles pourraient conduire, sur fond de migrations et de conflits divers, à l’installation d’une dictature aux portes de l’Europe. Aussi, le rétablissement envisagé de la peine de mort en Turquie devrait susciter un écho différent de celui que rapporte sans sa tribune, Robert Saé.
Dans une société où la fonction publique continue d’avoir plus d’attrait que le secteur productif, j’apprécie peu les assurés-de-fins-de-mois qui, placés en embuscade au coin de la rue, sont prompts à porter des jugements péremptoires sur les erreurs réelles ou supposées de ceux qui entreprennent et créent la richesse. Lorsqu’elle est saisie, qu’on ait l’humilité de laisser agir la justice. Aussi cette chronique n’a pas pour objet de porter un jugement sur des professionnels qui s’engagent dans un milieu qui suscite peu de vocations. En revanche, les erreurs enregistrées, y compris dans d’autres secteurs, invitent au devoir de vigilance. Notre statut de citoyen français en outre-mer ne nous confère pas un droit imprescriptible à l’erreur. Il s’agit de porter un regard citoyen sur un aspect préoccupant de l’organisation du transport public.
Ainsi donc, l’identité martiniquaise n’existe pas, et pas davantage la citoyenneté martiniquaise. Ces affirmations ne sont pas celles d’assimilationnistes nostalgiques ou de colonialistes d’un autre temps, mais bien les fortes pensées de deux mèt a maniok de l’intelligentsia martiniquaise. Doit-on s’attendre à de pareilles dénégations en direction de ceux qui se décernent des certificats de patriotisme martiniquais ? « Nous sommes des patriotes » : aucun grand clerc n’a songé, en effet, à dénoncer cette expression dont on se rengorge dans une société où la révolution n’est jamais qu’une affaire de mots et de postures. Le cafouillage observé lors de cérémonies officielles, entre le drapeau tricolore, le fanion aux quatre serpents, l’enseigne de la collectivité et la bannière noir-rouge-vert, sont à l’image du bégaiement de la pensée politique.