« Dolor Banidol victime "désignée" du crash de 1969 ». C’est le titre de l’article de Guadeloupe-la-1ère, suite à l’interview vidéo qui a été accordée à l’un de ses journalistes par l’ancien secrétaire général du Parti communiste martiniquais (PCM), historien, père de l’Histoire martiniquaise et du 22 mai. Martinique-la-1ère a partiellement retransmis cet entretien le 9 juin 2019.
Le billet du 28 mai dernier de Montraykréyol à propos des résultats des élections européennes m’avait échappé. Davantage qu’un commentaire, j’y vois l’expression d’une réalité politique et d’une naïveté inquiétante de la part d’universitaires. Ceux-ci se sont dit « médusés » d’entendre de la bouche d’une ministre la déclaration suivante :
Je viens de prendre connaissance de l’article de Jean-Marc PARTY en date du 20 octobre 2018 qui nous apprend qu’« en 1958, à la veille du référendum, la Martinique, tout comme les trois autres départements d’outre-mer, est au bord de l’indépendance ». Ce qui signifie que la population martiniquaise était prête à voter NON au référendum et à de GAULLE. En s’appuyant sur des données incertaines (« certains chercheurs », « certains auteurs », lesquels ?), le journaliste en arrive à l’affirmation énoncée sous le mode de l’évidence : « c’est ainsi, dit-il, que les "quatre vieilles colonies" ont échappé à l’indépendance, voici 60 ans ».
A l’échelon national, Emmanuel MACRON a perdu de peu son pari, mais il paraît être le vrai vainqueur des élections européennes. Il a su résister au Rassemblement national qui fait moins bien qu’en 2014 et avec lequel il fait jeu égal. Plus important, après des décisions difficiles et plus de six mois de jacqueries des Gilets jaunes et d’annonces quasi hebdomadaires de fin de quinquennat imminent, le mouvement En Marche fait mieux que tirer son épingle du jeu. Emmanuel MACRON se retrouve face à une opposition classique quasi inexistante.
Selon le philosophe Erasme il est plus facile de convaincre l’homme de cent mensonges que d’une vérité. Alors que la grande faiblesse de la vérité est d’être une, l’histoire affichée du BUMIDOM a été fabriquée dans le bruit des mensonges et la négation de la vérité. L’instrumentalisation du BUMIDOM à des fins politiques est sans aucun doute l’escroquerie intellectuelle et politique la plus grave qu’ait connu la Martinique, de la part de compatriotes à l’endroit d’autres compatriotes.
La dimension régalienne des attributions de l’Etat est souvent perçue comme un obstacle à la valorisation de l’identité martiniquaise. Aussi, la tentation est forte de s’affranchir de cette souveraineté, du moins dans les formes, par toutes initiatives susceptibles d’exorciser la réalité et de donner une couleur à l’identité. Cela passe par la sémantique qui conduit à exclure des mots comme métropole ou outre-mer, à en utiliser d’autres, et par des symboles comme le drapeau national ou nationaliste. En évoquant dans un récent article les attributions de l’Etat concernant l’Outre-Mer, Raphaël CONFIANT fait inconsciemment le constat que la manifestation de cette prérogative est devenue insupportable à la classe politique martiniquaise et que le pouvoir régalien s’est délité. Il convient de souligner dans de nombreux domaines l’application parcimonieuse de la règle de droit. Dans plusieurs tribunes j’ai essayé de montrer en quoi, en Martinique, le pouvoir régalien était devenu un leurre. Sauf que, loin de jeter le bébé avec l’eau du bain, on se soucie d’en conserver les dividendes.
Raphaël CONFIANT a publié ma tribune sur l’Université. On la dit décapante, mais la vérité l’est souvent. Il en coûte toujours aux auteurs de tels papiers et à ceux qui les propagent. Connaissant l’engagement du professeur dans la défense de l’université des Antilles (UA) et craignant que la parution de mon papier puisse ne pas être appréciée par ses amis, je lui avais proposé de ne pas le publier, s’il le souhaitait. Il m’a aussitôt fait connaître qu’il le publierait au motif qu’il ne censure jamais. En effet, il ne m’a jamais censuré, même s’il n’hésite pas à me faire connaître ses critiques par mail. Avec le ton qu’on lui connaît. La réciproque est vraie, même si c’est aussi s’attaquer à une montagne que de se heurter à ce Chaben, comme à l’Autre... Venant d’un homme aussi « difficile » je mesure à sa juste valeur l’attention qu’il porte à mes écrits, même lorsque ceux-ci s’opposent à ses idées. Pour moi, c’était une montagne à franchir que de pouvoir écrire sur Montraykréyol, organe de qualité, mais tenu par un indépendantiste.
Dans la concurrence que se font en divers domaines la Guadeloupe et la Martinique, le département-région sait se faire aider par le gouvernement grâce à ses parlementaires et son lobby d’anciens ministres, de gauche et de droite. De ce fait, la mésestime de la collectivité martiniquaise pour les partis nationaux ainsi que son dédain pour les fonctions ministérielles sont perçus par Gwada comme des reproches en creux pour sa propre participation à des gouvernements français. Celle-ci se tait mais n’en pense pas moins. En tout cas, les postures de rupture du pouvoir local martiniquais ont un coût politique. La plupart des arbitrages gouvernementaux effectués entre les deux territoires se font au détriment de la Martinique.
Les rapports sociaux développés dans les anciennes colonies françaises ont du mal à s’extirper de pratiques empruntées à une autre époque, entre maîtres et esclaves.
Ainsi donc, après la simagrée institutionnelle, voilà donc venue l’heure du drapeau. Un drapeau national, en attendant la nation. Un drapeau national et l’idéologie dont il est le porteur. Pourtant, le temps n’est plus où une idée minoritaire pouvait s’imposer, même si une pratique appliquée pendant un certain temps peut finir nolens volens par se faire adopter.
Le référendum est un procédé de consultation avec effet exécutoire et c’est ce caractère décisionnel qui le distingue de la consultation populaire du type de celles qui ont été organisées en Martinique en décembre 2003 et février 2010. De même qu’avait été finalement annulé le référendum envisagé par le général de Gaulle en 1968, il y a lieu de penser qu’il n’en sera pas proposé un pour résoudre la crise que connaît aujourd’hui la France. En échange, les analystes s’orientent en meute, comme pour le referendum délaissé, en faveur de la dissolution de l’assemblée nationale.
Le renoncement de la Guadeloupe et de la Guyane à s’unir pour quoi que ce soit à la Martinique a connu sa première expression dans leur refus caractérisé de participer à la Grande région Antilles-Guyane envisagée il y a environ 50 ans. La Martinique y était seule favorable et elle avait raison, selon moi. La création de plusieurs institutions ou organismes régionaux pouvait paraître aller en ce sens. Mais il est évident que les autres collectivités craignaient que le statut de chef de file de la Martinique ne se prolonge dans la Grande région. Ce qui était d’autant plus insupportable que la conscience d’être des « pays » s’opposait à toute perte de souveraineté d’un DFA par rapport à l’autre. On a retrouvé le même réflexe quand se sont présentées les dissensions à l’égard de l’académie et de l’université.
Les analyses faites autour d’un possible référendum au terme du Grand débat ne paraissent pas relever d’un usage normal de ce mode de consultation. La nature du referendum est son caractère exécutoire. Le lendemain du vote, lorsqu’il est favorable, il doit entrer en vigueur. Il ne doit pas ressembler à un vote de confiance, sans effet décisionnel, suivant une déclaration de politique générale du gouvernement devant l’assemblée nationale.
En supprimant l’emblème aux 4 serpents, le président de la République n’a pas entendu invalider un drapeau et encore moins un drapeau national. L’objectif avéré de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) est de faire reconnaître la Martinique lors des rencontres sportives dans les Caraïbes, autrement que par le fanion retiré ou le drapeau français
L’insatisfaction institutionnelle de la France étant permanente, on parle de plus en plus de la venue de la 6ème République. C’est même une curiosité française, après le béret, le pain et la bouteille de vin. Mais personne ne dit ce qu'il faudra mettre à l’intérieur de la nouvelle constitution. Sans doute par crainte que sitôt fait le projet ne soit soumis à la critique.
Les référendums ne sont pas organisés, comme les autres élections, à des échéances fixées d’avance par la loi. Par ailleurs, le texte soumis à référendum, comme l’opportunité de la saisine, expriment l’expertise politique de celui qui pose la question et suppose la compréhension du citoyen qui doit y répondre.
La présente tribune peut être regardée comme un complément de mon précédent article : Emmanuel MACRON a-t-il été élu trop tôt ? Au moment où tout le monde se veut adepte des Gilets jaunes et que les opportunistes se défilent : « moi je n’ai pas voté MACRON ». La France a besoin de coups de pieds au cul est un aphorisme que j’ai souvent utilisé, notamment avant l’élection de Nicolas SARKOZY.
Ainsi donc, à force de vouloir déboulonner les statues on en arrive à des situations inattendues qui, par effet boomerang, explosent parfois aux visages. Au moment où la controverse autour de Mahatma GANDHI prend en Afrique un tour particulier, je vous propose de republier ma tribune parue sur le sujet dans Montraykréyol, en octobre 2018 : « L’icone GANDHI va-t-elle trébucher ? » C’était peu après la pose d’une stèle à FORT-DE-FRANCE en l’honneur de cet homme.
Au moment où l’initiative de la CTM, que j’avais pressentie, est prise de proposer l’adoption d’un drapeau martiniquais, je soumets à une nouvelle lecture la tribune que j’avais publiée le 30 août 2017. Elle a été suivie par deux articles : Un drapeau-emblème régional ou un drapeau national martiniquais (1er juillet 2018) et La fin du roman des 4 serpents (19 octobre 2018).
Une opinion piquée sur l’internet m’amène à faire plusieurs observations. L’internaute déclare : « Nos politiciens veulent se retirer du cadre français en se camouflant dans des partis bô caye ; personne ne veut s’intégrer dans les partis nationaux pour afficher le territoire au sein du gouvernement. On se replie sans arrêt et le résultat est devant nos yeux ». Ces mots s’appliquent bien au rapport au gouvernement de la classe politique martiniquaise.