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UNE HISTOIRE BELGE AU TEMPS DE L’APARTHEID

UNE HISTOIRE BELGE AU TEMPS DE L’APARTHEID

Voici une courte anecdote qui fera sourire en ces temps moroses où l'on s'époumone partout à propos de racisme, une vermine qu'on ne parviendra pas à éradiquer si facilement. Nous sommes au début des années 80. Christine Tillieux, pour ne pas la nommer est une jeune et jolie femme d'une vingtaine d'années issue d'un milieu aisé, porteur de valeurs morales classiques et convenables. Christine, étudiante, aurait pu devenir mannequin ou épouser quelque riche homme d'affaires. Pour l'instant, elle est seule et choisit de devenir hôtesse de l'air pour la compagnie belge Sabena, depuis rachetée par la Swissair et qui a aujourd'hui coulé. Elle voyage à travers le monde.

Elle exerce donc son travail un jour de 1982 sur le vol Johannesbourg-Bruxelles. Rappelons que l'apartheid n'a cessé que fin 1991 environ et que nous sommes en Afrique du Sud pour l'embarquement.

Monte dans l'avion un grand homme noir, beau et élégant, discret. Elle lui indique sa place. Puis d'autres passagers et enfin un individu de race blanche, probablement un industriel, qui doit justement occuper la place à côté de l'homme noir. Eclats de voix, il est hors de question pour lui de s'asseoir à côté d'un sale nègre, qui pue de surcroit. L'hôtesse essaie de le raisonner, en vain, l'homme blanc s'entête, fait scandale. La chef de cabine est appelée. Malgré toutes les politesses du personnel de bord, le blanc refuse catégoriquement de s'asseoir à côté d'un sale nègre, l'élégant homme noir qui est médecin. On lui propose de prendre un autre vol mais l'homme d'affaires est pressé, doit se rendre dans les meilleurs délais à Bruxelles puis à Paris. Il a de plus payé fort cher son billet d'avion. Alors après de nombreuses palabres, un arrangement est trouvé. Un autre passager de race noire également cède la sienne et vient s'asseoir à côté du médecin laissant à l'industriel blanc une place éloignée où il n'aura pas à côtoyer un passager noir.

Le vol peut avoir lieu, l'avion décolle. Ces bruits sont rapportés au commandant de bord qui convoque la jeune hôtesse. Celle-ci, courroucée et au bord des larmes, lui raconte le détail de l'histoire et lui fait surtout part de son indignation. On survole la République Démocratique du Congo. Le commandant de bord prend l'initiative d'appeler la tour de contrôle de Kinshasa. On lui répond avec cet inénarrable et comique accent africain. Que se passe-t-il commandant ? Pouvez vous s'il vous plait, demande laconique le commandant, à l'escale, m'envoyer trois policiers à bord, nous avons un problème avec un passager.

L'avion fait l'escale prévue à Kinshasa et montent dans l'appareil, trois mastars nègres, trois policiers congolais en tenue avec matraque et menottes. Le commandant de bord envoie la jeune hôtesse les recevoir. Qu'y a-t-il m'dam ? demandent les malabars. Christine leur indique l'homme d'affaires blanc. Cet individu a refusé de s'asseoir à côté d'un homme de couleur enfreignant l'éthique de notre compagnie. Pas de problème m'dam ! L'homme est menotté, et extirpé sans ménagement de son siège puis emmené par les policiers. Passant devant l'hôtesse celle-ci lui déclare avec un franc sourire : voilà vous restez à Kinshasa, nous espérons que vous avez fait un agréable voyage avec notre compagnie et nous comptons vous revoir bientôt sur nos lignes.

La suite je ne la connais pas. Mais j'imagine au poste de police congolais les explications qu'a dû fournir le sud africain blanc. J'imagine le temps qu'il a dû passer à Kinshasa, lui qui était si pressé de rejoindre Bruxelles puis Paris, sans compter l'achat d'un nouveau billet d'avion pour un vol où il aurait certainement à côtoyer des passagers congolais que l'on sait tous de race blanche.

Cette petite anecdote m'a été racontée longtemps après par cette hôtesse de l'air belge, de bonne famille mais possédant quelques principes. Les faits ne sont pourtant pas si anciens, juste 25 ans. On pourrait la rapprocher de la pièce de théâtre de Jean Paul Sartre, la putain respectueuse, adaptée pour le cinéma en 1952, avec la délicieuse Barbara Laage. Ce n'est plus l'Afrique du Sud mais l'Amérique des années cinquante.

Le cancer du racisme ignore les époques et n'a pas de frontières.

{{Thierry CAILLE}}

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