Quiconque a pu voyager aux Etats-Unis ou au Canada a pu se rendre compte, non sans stupéfaction, que malgré des routes et des autoroutes très larges et souvent en ligne droite sur des centaines de kilomètres, l'automobiliste étasunien moyen roule comme un être en possession de toutes ses facultés mentales et ne fait pas l'imbécile au volant. La répression policière, elle, est d'ailleurs immédiate : il suffit que vous dépassiez la limite autorisée ne serait-ce que de 20 miles, sur une route que vous vous imaginez déserte, pour que dans les cinq minutes qui suivent une voiture de police, gyrophares allumés et toutes sirènes hurlantes, surgisse quasiment de nulle part et vous intime l'ordre de vous arrêter sur le bas-côté. Pas étonnant que proportionnellement parlant, l'Amérique du Nord ait le taux d'accidents de la route le plus bas du monde. On pourrait donc en conclure que l'équation "vitesse raisonnable + vigilance policière" est la formule magique permettant de réduire la délinquance routière.
Ceci est vrai, mais pas entièrement...
Ainsi, en Allemagne, pays dix fois moins vaste que les Etats-Unis, la vitesse n'est pas limitée sur certaines autoroutes et pourtant le nombre d'accidents et de morts n'y est pas plus élevé qu'en France, par exemple, où, pourtant, presque partout la vitesse est limitée et où existe un réseau serré de radars. Cela oblige à corriger l'équation comme suit : "conducteur normal + vitesse limitée ou pas + vigilance policière". Ce qui nous conduit à nous interroger sur la "normalité" du conducteur martiniquais moyen même si cela peut fâcher et cela fâchera, mais on s'en fout.
Dire que ledit conducteur est un chauffard en puissance va aussi faire hurler, mais on s'en contrefout. D'ailleurs, il faudrait créer un mot nouveau, un néologisme, pour pouvoir caractériser le conducteur martiniquais moyen, "chauffard" n'étant pas exact. En effet, un chauffard, en bon français de France et de Navarre, est quelqu'un qui est habitué à rouler dangereusement, cela sans respecter le code de la route, et qui se moque de mettre la vie d'autrui en danger. Il existe des chauffards à la Martinique à n'en pas douter, mais dans la majorité des accidents de la route, ce ne sont pas eux qui sont concernés, mais bien l'automobiliste dit...normal. Autrement dit la personne qui a un travail, une famille, qui est inséré socialement et qui n'a strictement aucune raison valable de rouler à 100kms/h juste pour aller faire une course ou déposer quelqu'un entre Lorrain et Morne-Rouge ou François et Marin.
Cet automobiliste, dit "normal", est donc pressé. Pressé par quoi ? Pressé pourquoi ? Dans un pays minuscule où même si vous roulez comme sur une autoroute allemande, vous ne gagnerez que 10 minutes sur celui qui va au même endroit que vous mais à une vitesse raisonnable. 10 minutes de gain ! Qu'un type qui doit faire les 800kms entre Paris et Marseille se laisse aller à appuyer sur le champignon sur son parcours est compréhensible ; qu'un type qui doit faire les 80kms entre St-Anne et Grand-Rivière en fasse de même, relève d'un problème grave.
Psychologues et sociologues, au boulot !...