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SWARE POEZI ET RAKONT ZISTWAR

VAGUES DE MOTS À L’ÂME CRÉOLE
SWARE POEZI ET RAKONT ZISTWAR

{ {{Autres temps forts du second Festival International Kreol de Maurice, les soirées Sware poezi, mercredi à La Citadelle de Port-Louis et Rakont zistwar, vendredi sur la plage du Village du Morne. Deux scènes pour un public, des artistes, une ambiance fondamentalement différents et pourtant la meme nécessité d’exprimer, de reconnaître, de valoriser l’âme créole mauricienne.}} }

Durant plus de deux heures, poètes mauriciens, seychellois, rodriguais, se sont succédé sur la scène dressée au coeur de La Citadelle lors du “Sware poezi” de mercredi, dîner spectacle réservé à un public trié sur le volet. Pas besoin par contre de carte d’invitation pour, deux jours plus tard, « fe en tamassa » (faire la fete) avec les habitants du Village du Morne, dans le sud-ouest de l’ile, pour un Rakont zistwar placé sous le signe de la fête et du partage créoles.

« On est obligé d’aller de l’avant »

Dabord, la soirée poésie : 29 artistes pour deux heures de spectacle, fonnkèr et musique en alternance. « En politique, tout le monde critique tout le monde, la poésie est elle un joker », avancera Gaetan Beerjimohun, citant un extrait de son traité philosophique sur la langue créole, Laboratwar Liniver. « Les faux prophètes existent depuis longtemps mais pas les faux poètes. » Quelle était donc la vérité des poètes présents à cette soirée ? Elle est plurielle comme l’expression poétique. Beaucoup se sont rejoints en signifiant en substance que les stigmates du passé colonial, encore perceptibles aujourd’hui, doivent être dépassés. Que si le chabouk ne claque plus, « lo maleze kreol » (discriminations, précarité), héritage de l’histoire qui touche les afro-mauriciens, doit être aboli par les consciences. « Revey somey to konsians », dira ainsi la poétesse mauricienne, Lindsay Mootien, s’adressant à ses frères créoles. C’est étrange de voir que c’est aux afro-mauriciens, stigmatisés comme les descendants d’esclaves, accusés d’être coupables de l’histoire, que l’on demande de ne pas s’enfermer dans le passé ! On a souvent retrouvé aussi cet appel à être fier de ses origines, des valeurs de sa culture, à reconnaître et favoriser l’expression du métissage mauricien. « On est obligé d’aller de l’avant », signifiera encore Gaetan Beerjimohun. Avancer sans tourner le dos à l’histoire, sans avoir peur : un questionnement que l’on retrouve dans toutes les anciennes colonies et qui, selon les sociétés, est plus ou moins abouti, intégré.

« Il est temps de casser les clichés »

Pour Alex Macca, prêtre mauricien, « il est temps d’arrêter de vendre la culture et la fierté créole », « temps de casser les clichés : chapeau de paille, chemise à fleur et robe sega. » Il est temps que les créoles ou afro-mauriciens ne soient plus exclus selon lui du développement du pays, de son avenir. Une poésie éminemment politique à l’image du Festival. Un moment fort : le texte à deux voix de Dev Virahsawmy et de la guadeloupéenne Patricia Chatenay-Rivauday. Un échange de créole à créole, de langue à langue, de frère à soeur, l’expression d’une fraternité, d’une envie d’apprendre, de comprendre cet autre créole. Et en touche finale, de nouveau Eric Triton, omniprésent lors de ce Festival, qui clôturera la soirée par un nouvelle appel à l’unité, repris par le public. Certains auront apprécié le divertissement, d’autres se seront nourris d’émotions, d’autres encore déploreront que l’on retrouve toujours les mêmes artistes mauriciens sur scène, au détriment des talents encore en mal de reconnaissance. Du côté des officiels, on regrettera cette redondance des références aux douleurs passés qui ont eu pour effet de marquer cette soirée d’une certaine “tristesse”, alors que le Festival se veut ouvert vers l’avenir. Cela procède d’un cheminement : il faut déjà bénéficier d’une écoute pour, comme le veut le principe de résilience de Boris Cérulnick, ensuite avancer. Il faut du temps.

Au pied du Morne : le gouté kréol

Du côté de la plage du Morne, au pied de la montagne éponyme, symbole de l’esclavage et de la résistance marronne à Maurice, c’était bien la fête et non la tristesse qui était au rendez-vous de la soirée Rakont zistwar. Un lieu emblématique au pied duquel la population des quartiers créoles côtoie les hôtels cinq étoiles. Dev Virahsawmy dira d’ailleurs lors de la soirée poésie que cette montagne n’est pas juste un symbole mais « le lien entre nous et l’avenir », « le lien entre le ciel et la terre », « le gardien de l’Océan Indien » et qu’il convient de se préserver du bétonnage à tous crins qui détruit une part de l’identité et du patrimoine mauricien. Zistoir lontan, sirandanes, chansons dont, commune aux deux soirées, “La Rivière taniers” berceuse mauricienne centenaire, reconnue par tous les Mauriciens : plus de 200 spectateurs n’ont pas gâché leur plaisir pour cette fête autour d’un grand feu de joie, trop courte à notre goût. Serge Lebrasse, l’incontournable ségatier mauricien a fait danser les foules, Pierre Cangy et ses devinettes ont fait participé l’assistance, Zanann Lolo, Georges Armelle, Marclaine Antoine mais aussi Micheline Virahsawmy, Michel Savy des Seychelles, le Groupe Tambours Chagos... rire, danse, partage ont marqué cette soirée, peut-être la plus réussie du Festival car en immersion avec la population créole.

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Polysémiques, les mots créoles et créolité sont à (re)définir pour affranchir les barrières communalistes qui segmentent le peuple mauricien et parvenir à cette unité nationale à laquelle aspire l’île Soeur. Loin de toute considération sémantique, la poésie et le patrimoine oral mauricien ont cette force, ce pouvoir de rassembler le peuple autour d’émotions, de traditions, d’une langue communes, d’exalter l’âme créole.

Stéphanie LONGERAS

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Article paru dans [{{Témoignages}}->http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=26549 ] le lundi 10 décembre 2007 (page 8)}}

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