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Soirée inaugurale de l'association MICELA

Patricia Conflon Gros-Désirs
Soirée inaugurale de l'association MICELA

Présentation d’ouvrage : Du Morne-des-Esses au Djebel, 2020.

Monsieur Raphaël Confiant,

Madame Nicole Cage,

Madame la Proviseure,

Chers membres, chers invités,

Cette soirée, placée sous l’égide de la présentation du dernier roman de Raphael Confiant, Du Morne-des-Esses au Djebel, marque aussi le lancement des activités de MICELA. L’association que j’ai l’honneur de présider regroupe près d’une quinzaine de co-fondateurs, ayant un lien affectif plus ou moins vivace avec la lecture, le livre, l’écriture. Ils ont accepté de me soutenir dans la création de MICELA et de son projet de reconquérir les lettres de noblesse de la littérature en Améri-caraibe.

 

Cette région du monde ne cesse de s’illustrer depuis près d’un siècle par sa vitalité littéraire, et par l’accession d’éminents écrivains et écrivaines à des récompenses prestigieuses dont vous faites partie, Raphaël Confiant et Nicole Cage, avec notamment le Prix Casa de las América.

 

En Améri-caraïbe, un grand nombre de femmes et d’hommes se sont nourris de littérature pour exister, penser, créer, s’inspirer, occuper leur temps à une époque où il n’existait ni télévision, ni cinéma, ni téléphone, ni smartphone, ni réseaux sociaux, mais la lettre. S’abreuvant de livres, et grâce à eux, nombre de personnalités se sont forgé une identité, une idéologie, un territoire de pensée qu’ils pouvaient construire dans l’intimité de la lecture ou dans l’univers du partage collectif.

 

J’ai choisi Nicole Cage et Raphael Confiant pour être, respectivement la marraine et le parrain de l’association.

 

Pourquoi eux ?

 

D’abord, Nicole Cage est l’auteur de l’œuvre que j’ai exploré à l’aune de l’Antillanité, de la Créolité et de la Relation qui sont des concepts d’une caribéanité en construction. L’écrivaine possède une œuvre qui impose la relecture du passé douloureux de l’esclavage en la confrontant à des théories critiques eurocentrées, selon moi, peu idoines à comprendre les problématiques historiques caribéennes. C’est le caractère labile de son œuvre qui m’a poussée à partir en quête d’une autre façon de concevoir les littératures d’Améri-caraïbe hors des cloisonnements universitaires.

Merci Nicole.

 

Raphaël Confiant, pour sa part, m’a projetée dans l’action et m’a permis d’inventer une autre approche du livre. Alors Doyen à la Faculté des Lettres et sciences humaines, Raphael Confiant me confiait la co-animation des Jeudis du livre de la Faculté des Lettres. Ces rencontres avaient pour but de permettre au grand public de rencontrer, à l’université, des écrivains, mais aussi des acteurs de l’édition, de tout horizon, de toutes cultures. Cette mission m’a beaucoup plu. Je travaillais concrètement à rendre plus visibles et accessibles l’écrivain, son livre et son travail. L’écrivain a autant besoin de son public que ce dernier a besoin parfois de voir, d’entendre l’auteur des mots qu’il lui donne à lire et fait habiter en lui. Sans le savoir encore, ma vocation était née.  

 

Merci Raphaël.

 

Revenons au livre qui nous intéresse : celui à l’honneur s’intitule Du Morne-des-Esses au Djebel. Publié aux éditions Écritures, fin 2020 ce roman dernier en date d’une longue liste d’ouvrages déjà publiés par Raphael Confiant depuis sa jeunesse, prolonge un cycle d’écriture de l’histoire et une volonté de Raphaël Confiant de restituer à la mémoire martiniquaise les événements historiques inconnus, oubliés ou occultés.

 

Né au Lorrain en 1951, Raphael Confiant est écrivain, Professeur émérite en LCR à l’Université des Antilles, co-fondateur du GEREC avec Jean Bernabé, co-auteur de plusieurs ouvrages dont le plus connu, le plus cité et le plus étudié, est sans conteste Éloge de la Créolité (1989) co-écrit avec Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau. Avec près d’une centaine de publications, Raphaël Confiant apparaît comme un écrivain prolifique et un inlassable chercheur des mots pour dire l’histoire de son pays.

 

A peine Raphaël Confiant vient-il de publier Moun an déwo, traduction en créole de L’étranger d’Albert  Camus, qu’il revient aussitôt avec le récit : Du Morne-des-Esses au Djebel dont l’histoire résumée sous ce titre ne peut laisser indifférent. Ce livre nous interpelle d’emblée par son titre à double onomastique toponymique : Du Morne-des-Esses au Djebel. Deux toponymes sans véritable lien en apparence entre eux, mais le titre fait souffler un vent qui mêle les sables du Sahara aux vent frais de la Rivière Romanette. Deux espaces dont l’assemblage titrologique sonne peu habituellement à nos oreilles, nous fracasse de leur dichotomique spatialité. Pourtant, cet axe géographique qui fait écho à un retour au pays natal à rebours, nous impose sa loi de lire, pour résolument saisir le sens de ce voyage transatlantique peu commun, car de la Martinique vers l’Algérie.  

 

Du Morne-des-Esses au Djebel, au titre se superpose l’image d’une première de couverture à la palette chromatique champêtre, touchante, mais surprenante. En effet, si l’on y regarde de plus près, l’image fait sourdre une tension dramatique à travers la scène horrible qui laisse voir des soldats s’apprêtant à abattre deux autres hommes agenouillés, les mains posées derrière la tête.

 

La première de couverture est considérée comme la façade qui pousse à l’exaltation, le lecteur qui la regarde. Elle porte la tension d’une invitation au franchissement d’un avant-goût ou d’une curiosité jusqu’à l’assouvissement. L’ensemble : titre et image aiguise l’indiscrétion du lecteur confronté à la dérive du jeu et de l’enjeu.

Ainsi, avançons, et ouvrons le livre et feuilletons jusqu’à nous arrêter sur le texte, quelle que soit la page, au hasard… page 19 : voici un tissu de mots, le tout emmêlé dans un espace où tout le blanc s’efface à mesure que s’étalent les mots dans un discontinu linéaire jusqu’au sens.

Les yeux défilent, roulent, avancent jusqu’à buter parfois sur des mots : guerre, soldats, gégenne, armes… qui ne prennent sens que dans l’imagination du lecteur s’autorisant à inventer lui-même le premier scénario que lui livre l’écrivain : une histoire de guerre en Algérie où se trouvent des Martiniquais… plus loin, la mort, la guerre, des femmes coupées, découpées, et ce, dans tous les sens du terme, en français comme en créole. Quelques scènes se racontent comme si l’écrivain n’avait trouvé pour archives que la douleur sécrétée par des mémoires de corps martyrisés. Les mots de la mort et de la violence jonchent partout les pages… mais souvent, une romance, un parfum des campagnes du nord-Atlantique martiniquais, d’un Morne-des-Esses ou d’un Bezaudin d’autrefois, viennent interrompre l’incandescence de la brutalité humaine et créer un contraste saisissant avec les impacts de fusils. Ces épisodes intrusifs, aux tonalités pittoresques et aux accents « créolistiques » ont de quoi surprendre agréablement et submerger l’habitant du nord, saisi alors par les bruits de rivière, la vision bucolique des ombrages végétales et les sensations de fraîcheur des terres odoriférantes.

 

De l’histoire ! Mais quelle histoire ? La guerre d’Algérie ? Mais nous ne la connaissons pas ! Non, cette guerre n’a pas eu lieu chez nous, nous n’avons rien entendu, ni rien vu de tel dans notre si belle et petite Martinique ! La guerre d’Algérie ? Nenni de connaissance. Personne ne nous en a parlé. A l’école, hmmm, ou sinon, un petit peu, pour nous dire que les Français avaient sans doute gagné ! Et que les Algériens étaient des indigènes qui n’avaient absolument rien compris de ce qu’il perdaient en demandant l’indépendance... Ben oui, quelques fois, quelques bribes, cà et là, mais la guerre d’Algérie, hmmm, n’est pas une guerre qui nous a marqué, qui a marqué notre chair, notre mémoire, notre histoire… Cette guerre, nous n’avons rien à voir avec elle ! Tout ça, c’était avant, il y a très longtemps et surtout… c’était de l’autre côté, pa lot bò…

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