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Route du rhum, 40 ans de passion sportive

Michel Girdary
Route du rhum, 40 ans de passion sportive

   Lorsque la décision de consacrer un dossier au sujet la route du rhum a été prise, j’étais loin de me douter qu’une riche et complète documentation était disponible et de nature à faciliter le travail en vue d’une restitution publique.

 
   J’aurais pu céder, comme certains confrères à la facilité de reprendre à mon compte les principaux éléments de communication présentés par les organisateurs pour justifier une mise de plusieurs millions d’euros sur la table, à chaque nouvelle édition de la route du rhum.
 
   En réalité, ces débats ne datent pas d’aujourd’hui et soulèvent encore et toujours, une seule et même question, « les millions d’euros investis par la région dans la route du rhum sont-ils bénéfiques ou non à l’économie Guadeloupéenne » ?
 
   Chacun y va de son commentaire, les uns, convaincus de la qualité de l’investissement, arguant en faveur du maintien de l’effort financier, alors que les autres, plus dubitatifs seraient d’avis de fermer le robinet de la dépense sans une réelle contrepartie. Entre les pros et les antis, se trouve les indécis, ceux qui ne se prononcent ni en faveur, ni contre la course transatlantique  en solitaire à la voile, courue tous les quatre ans, entre Saint-Malo et la Guadeloupe.
 
   Des deux camps qui s’opposent, parfois de manière virulente, aussi passionnée qu’irrationnelle, il devient de plus en plus urgent de définir des critères normatifs fondés sur une approche intrinsèquement économique, mathématiques et scientifique, en excluant de fait, tout ce qui relève de la catégorie des simples avis, des opinions et autres sensibilités qui ne correspondent à aucune démarche objective opposable.
 
   L’expression « le diable est dans le détail » prend ici tout son sens, car il signifie littéralement « il ne faut jamais négliger les détails car ils peuvent être source de désagréments importants ».
 
   C’est finalement l’unique alternative qui permettra de déterminer de la pertinence de l’investissement et de raisonner sous l’angle d’une véritable analyse coût-bénéfice.
 
   Mais avant d’aller plus loin, il est capital de revenir en arrière, de remonter précisément en 1975, l’année ou l’aventure de la route du rhum a réellement commencé. Bernard Hass, alors secrétaire général du Syndicat des producteurs de sucre du rhum des Antilles et Florent de Kersauson (frère cadet d’Olivier de Kersauson) déjeunaient ensemble rue Arsene Houssaye à Paris. Bernard Hass cherchait une idée pour relancer la filière du Rhum, c’est alors que Florent de Kersauson lui répondit « Mais il faut faire une course à la voile ! Bien sûr et qui va vers les Antilles »
 
   La route du rhum a été créée historiquement pour relancer la filière du rhum, alors en grande difficulté dans les années 1970.
 
   S’impose alors la question de savoir « Quelle est en 2018 la part de marché des rhums Guadeloupéens » ? Mieux, quel est l’impact économique du secteur sucre, rhum tiré de la route du rhum ?
 
   En 2003, l’impact sur le secteur « Sucre, rhum et autres alcools était de seulement 1,40%. Ces 1,40% sont donc à mettre en corrélation directe entre l’objectif, les moyens financiers dépensés et le faible rapport.
 
   Après avoir rappelé ce point déterminant, nous pouvons maintenant construire, pas à pas notre raisonnement à la lumière de données essentiellement mathématiques. Je me focaliserai dans le présent document à ne retenir que les éléments les plus significatifs afin de ne pas être trop long et ne pas courir le risque que vous ne détachiez votre attention. On a, en effet vite de se lasser d’un document fastidieux et indigeste.
 
   De mon avis personnel, les décideurs politiques devraient davantage élaborer des choix d’avenir en se référant à des études sérieuses et beaucoup moins à leurs desiderata, du moins s’ils sont véritablement animés de l’ambition d’adopter des règles rigoureuses de gestion destinées à optimiser l’argent des contribuables avec une notion renforcée de la responsabilité et la crainte de devoir rendre des comptes pour chaque euro dépensé.
 
   Les politiques de tous poils s’accordent à répéter, à qui veut bien l’entendre que la route du rhum est un investissement sûr et rentable, profitable au développement de l’économie Guadeloupéenne. Pour ce faire, ils s’appuient sur des hypothèses sans toutefois préciser les méthodes qui ont permis de les former, en dehors de quelques sondages réalisés çà et là. Les personnes interrogées étant invitées à répondre à une série de questions de type, motivations, dépenses, lieux de visite etc ...
 
   Ainsi donc, la région Guadeloupe, premier financeur de la route du rhum comptabilise, pour sa part quelques 6 millions d’euros d’investissement et table sur un impact en deux temps, immédiatement à hauteur de 5,5 millions d’euros et de 7 millions d’euros supplémentaires dans les trois suivants mois l’arrivée des skippers, soit un impact global évalué entre 10 et 12 millions d’euros.
 
   A cette étape, est-il encore nécessaire de préciser qu’il ne s’agit ici que de simples estimations et projections liées à des enquêtes d’opinion et non, à l’exigence de produire un vrai bilan économique a posteriori de la route du rhum ! Après 40 années d’existence, il serait attendu que nous puissions fonder nos analyses sur des bilans réels et non plus sur de simples prévisionnels, ces derniers étant plus parlant pour des évènements nouveaux alors que la route du rhum, elle,  fête en grande pompe ses 40 années d’existence.
 
   Durant les dernières années pourtant, de nombreux hôtels (de 10 à 15) ont été liquidés, démembrés en Guadeloupe et des centaines d’emplois détruits dans le secteur hôtelier. Il paraitrait légitime de conclure que, si la route du rhum avait eu l’impact économique qu’on voudrait bien, jusque-là mettre à son actif, que les différents hôtels concernés n’auraient pas déposés le bilan avec l’afflux des touristes présumés, apportés dans la vague de la route du rhum.
 
   Faut-il être, à ce point déconnecté de la réalité locale pour faire un tel déni des problématiques économiques du territoire ?   Ou serait-ce plutôt, une totale méconnaissance de l’ensemble de la classe politique sur les questions fondamentales qui touchent à l’économie ? Et enfin, troisième possibilité et pas la moindre, sommes-nous en panne d’idées novatrices pour amorcer enfin le développement économique de la Guadeloupe ? Et ce faisant, cette logique passéiste nous pousserait-elle, à choisir de nous accrocher aux gloires passées, même quand celles-ci ont démontré leurs totales inefficacités à relancer l’économie et l’emploi qui nous font tant défaut malgré les millions d’euros misés ???
 
   Vu les faibles résultats obtenus jusqu’à ce jour, il serait beaucoup plus logique de parler de mise, tel qu’on le ferait dans le cadre d’une loterie aléatoire que de véritables investissements productifs.
 
   Je laisse à chacun l’opportunité de répondre individuellement aux  interrogations posées avec aplomb et, non pas de se contenter d’avaler les propos flatteurs relayés par les politiques généralistes, non spécialistes et certains médias indélicats face aux exigences et à l’orthodoxie de la science économique.
 
   Toutefois, face aux arguties qui sont avancées et récitées comme une rengaine pour maintenir la perfusion et faire vivre l’idée que la route du rhum reste un investissement rentable pour irriguer l’économie Guadeloupéenne, il paraitrait nécessaire d’appeler à la rescousse les résultats d’une vraie étude économique.  
 
   Le 19 Août 2011, Louis Dupont a publié une étude des plus sérieuses, que les décideurs politiques auraient ignorés à l’insu de leur gré.
 
      Pourtant cette étude « Essai d’évaluation des effets économiques de grandes manifestations sportives : le cas de la Route du Rhum en Guadeloupe » est une bible.
 
I   l serait difficile de reprendre l’étude dans sa globalité dans ce document, toutefois, je vais prendre des extraits afin que le lecteur puisse définitivement être convaincu de la réalité et sortir du fantasme.
 
   « L’objectif prioritaire de cette étude est de proposer dans le cas de la Guadeloupe, à partir d’un cadre conceptuel précis et d’une méthodologie partagée et éprouvée, une évaluation territoriale de l’impact économique et social de la Route du rhum, en retenant deux approches: l’une en niveau, déterminant successivement les valeurs du multiplicateur input-output à l’aide d’un tableau entrées-sorties (TES) de l’économie guadeloupéenne, et du multiplicateur de la base qui s’appuie sur les résultats d’une méta-analyse; l’autre , dynamique, spécifie par un modèle économétrique l’influence de la Route du rhum et d’autres variables sur la croissance économique de la Guadeloupe. L’enjeu consiste à se doter collectivement de points de repère afin que les différents acteurs de ce sport puissent situer les effets de leurs actions par rapport à d’autres pratiques, d’autres territoires, et à clarifier le niveau de contribution économique de cette activité sportive sur le territoire de Guadeloupe. Les résultats obtenus convergent et montrent qu’en dépit d’un succès indéniable au plan sportif et médiatique, la Route du rhum, évènement sportif de voile de haut niveau reliant tous les quatre ans St Malo à Pointe-à-Pitre, enregistre au plan économique des résultats modestes si l’on en juge à la fois par les médiocres retombées induites en matière de fréquentation touristique, par les faibles coefficients multiplicateurs de revenu affichés, par un ratio coût-bénéfice défavorable et par les incidences mineures que provoque cet évènement sur la croissance économique régionale ».
 
   Conclusion
 
   Cette étude s’est attachée à saisir l’impact de la Route du rhum sur l’économie de la Guadeloupe en ayant recours à trois approches: deux en niveau, dont l’une détermine les multiplicateurs input-output par application d’un TES de l’économie guadeloupéenne, et l’autre, les valeurs du multiplicateur de la base, par utilisation des résultats d’une méta-analyse.
 
   La troisième approche qui est dynamique, spécifie à l’aide d’un modèle économétrique, l’influence d’un certain nombre de variables (dont celle relative à la Route du rhum) sur la croissance économique de la Guadeloupe. Les résultats obtenus convergent et montrent que malgré la forte couverture médiatique de l’évènement, la ferveur sportive suscitée, et l’importance des sommes consacrées à son organisation , globalement les retombées économiques de la manifestation, et plus particulièrement ses effets d’entraînement sur le tissu productif local sont faibles, en raison notamment du faible degré d’intégration du territoire autour de sa structure productive (plus le degré d’intégration est fort et plus les fuites sont faibles).
 
   L’analyse révèle également qu’au plan touristique, cet évènement est avant tout perçu comme un vecteur de communication et de notoriété, or la Route du rhum, manifestation franco-française par excellence subit en termes de fréquentation touristique un effet de débordement ou de contagion négatif (spillover effect) résultant du déficit d’image qu’accuse depuis plusieurs années la destination Guadeloupe sur le marché du tourisme international en général et sur celui de la France en particulier. A cela, ajoutons que les ménages Français dont plus de 30% constituent une clientèle ‘affinitaire’, séjournant aux Antilles en famille et chez des amis ne considèrent plus la Guadeloupe et la Martinique comme des destinations élitistes, préférant pour des raisons tenant à de meilleurs rapports qualité/prix affichés dans d’autres pays, orienter leur choix de vacances sur d’autres lieux et d’autres évènements. De plus, le développement touristique du territoire n’est pas la priorité de l’organisateur, l’impact touristique de l’évènement est alors considéré comme un effet induit, marginal par rapport à sa finalité première qui est avant tout sportive. Aussi, le 9ème anniversaire de la Route du rhum (2010) devrait être l’occasion pour les autorités nationales et locales d’envisager une nouvelle manière de gérer cet évènement afin d’aborder avec franchise les véritables enjeux de cette manifestation. Dans ces conditions, il est nécessaire de disposer à l’avenir d’une meilleure visibilité sur la valeur ajoutée touristique de l’évènement, de mieux évaluer au plan local ses retombées touristiques et économiques, et de sortir définitivement du seul schéma: médiatisation – fréquentation – consommation proposé jusqu’ici.
 
   Enfin, étant donné les rares opportunités et possibilités de diversification de l’économie guadeloupéenne, nous recommandons d’entreprendre dans le cadre de l’activité touristique, une stratégie de diversification verticale, visant à regrouper en grappes (clusters) les principales entreprises de ce secteur, de manière à maximiser l’ensemble de la chaîne de valeur les concernant. Ainsi, l’impact économique d’évènements comme celui de la Route du rhum serait élargi à un plus grand nombre d’acteurs, améliorant en même temps les retombées économiques de cette attraction ainsi que les multiplicateurs de production, de revenu, de valeur ajoutée et d’emploi qui y sont attachés.
 
   Cette étude est suffisante à elle-même pour évaluer les impacts économiques de la route du rhum sans qu’il ne soit nécessaire de la commenter à outrance.
 
   Toutefois, pour conclure, la ville de Saint-Malo est la grande bénéficiaire avec plus de 2 millions de visiteurs sur son village, précisons que Saint-Malo investit 2 fois moins d’argent dans l’évènement que la Guadeloupe.
 
   J’invite par ailleurs chaque lecteur à lire les dossiers de sponsorings des skippers et vous serez surpris de découvrir que seuls les impacts économiques apportés par la ville de Saint-Malo sont mis en avant, la Guadeloupe étant le plus souvent juste citée comme ville d’arrivée sans jamais faire ressortir le moindre bénéfice économique, ni même l’image et la notoriété que les sponsors pourraient en tirer 
  
   Michel GIRDARY 

 

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