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Rentrée littéraire 2021 : la justice française interdit la vente d'un roman

Rentrée littéraire 2021 : la justice française interdit la vente d'un roman

La rentrée littéraire s’ouvrira donc sous des auspices judiciaires : selon les informations de ActuaLitté, le roman de Pascal Herlem, Fatum (Ed. Bouquins), vient d’être interdit à la vente. Une ordonnance du tribunal, du 9 août, contraint la maison à suspendre la mise en vente, et bien plus encore. Coup dur pour un ouvrage de fiction, qui aurait été le sixième de l’auteur.

Psychanalyste, Pascal Herlem devait faire paraître ce livre, évoquant des relations incestueuses, mettant «des mots sur le poids et la fatalité d’un récit familial, dont l’écriture semble l’unique issue». Mais selon le jugement de l’ordonnance de référé de la 17e Chambre du tribunal de Paris, tombé ce 9 août dans les mains de l’auteur et de son éditeur, il est «fait interdiction aux Éditions Bouquins ainsi qu’à tout ayant droit de diffuser, de commercialiser et de promouvoir le roman Fatum de Pascal Herlem».

Et ce «sous astreinte d’une pénalité par manquement constaté à compter de la signification de la présente ordonnance, l’astreinte courant sur un délai de trois mois». Autrement dit, même les médias se trouvent interdits de publier la moindre chronique, sous peine d'infliger à l'éditeur 500 € pour l'infraction. 

Une famille sous l’œil psychanalytique

Fatum devait poursuivre une œuvre entamée en 2015 chez Gallimard, avec le roman Françoise, un titre qui évoquait la sœur de l’auteur/narrateur «qu’en croyant bien faire on a lobotomisée», indiquait L’Arbalète. Focalisé sur la vie de cette enfant, le livre était suivi, toujours chez Gallimard/L’Arbalète en octobre 2017 par Limoges, cette fois avec le regard du narrateur sur sa propre enfance. 

Des ouvrages qui n’ont pas vraiment rencontré leur public, puisque, selon les données Edistat, ils se sont vendus à respectivement 939 et 1490 exemplaires. Avec ce nouveau roman, c’était la vie du frère du narrateur qui était prise en compte : «Didier est fasciné par sa sœur aînée, Françoise, dont l’extravagance sature le cocon familial. Ses crises de folie, ses jeux malsains et ses accès de démence se multiplient, et Didier devient la victime de ses délires glaçants.»

Comme on peut le lire : «Leur relation fraternelle était devenue étroite, une sorte de petite folie à deux, assez discrète pour ne pas attirer l’attention d’un parent, pour durer, donc.»

Ou encore : « Le bain avait lieu une fois par semaine au moins, pendant des années, le temps pour Didier d’entrer en connivence particulière, en intelligence profonde et durable avec sa sœur de sept ans son aînée à l’influence confirmée, de s’imprégner de l’amour passionnel sous l’emprise duquel il se trouvait. » Pour la cour, il en va autrement.

« Sont relatés les faits d’attouchements sexuels dont Didier Herlem a été la victime de la part de sa grande soeur, Françoise Herlem, lors de son enfance, le résultat traumatique de ces attouchements sur sa vie d’enfant, les autres atteintes sexuelles, agressions et/ou viols dont il aurait été victime par la suite entre son enfance et son adolescence », note le jugement.

Une matière familiale

Trois romans, ou plutôt deux, évoquant une histoire connue de la famille, qui puisaient ainsi dans un passé pour nourrir la fiction. Entre-temps, la sœur est décédée, les parents également, le frère Didier est toujours vivant. Or, l’assignation en référé obtenue le 29 juillet découle de l’ex-femme du frère, ainsi que de deux des enfants. Le tout dénonçant une atteinte à la vie privée, dans des circonstances judiciaires étonnantes de vélocité, autant que dans les conclusions.

D’abord, parce qu’aucune procédure n’avait été entamée après la parution des deux premiers livres. Ensuite, parce que la démarche pointe une atteinte à la vie privée pour une personne n’étant pas dans la procédure. La juge considérera pourtant que l’atteinte est réelle, «en ce qu’elle se rapporte à l’intimité de la vie familiale qu’ils ont partagée ou partagent encore», indique l’ordonnance, consultée par ActuaLitté.

Ensuite, c’est en l’absence de la partie adverse que les avocats des plaignants ont été entendus par la cour. En effet, l’accusé n’aura pris connaissance que trop tard de l’assignation : le principe du contradictoire, par lequel chaque partie est garantie de pouvoir être entendue, semble ici avoir été mis de côté. Lors de la convocation de ce 6 août, ni l’auteur ni l’éditeur n’étaient présents — par défaut d’information.

Ni roman ni fiction

« Il est également établi une atteinte vraisemblable à la vie privée des demandeurs à titre personnel, en ce que chacun d’eux est dépeint dans son histoire et ses interactions plus ou moins conflictuelles ou douloureuses avec les autres membres de la famille », peut-on lire.

La dimension de roman psychanalytique n’a d’ailleurs pas été retenue, et la cour d’invoquer alors l’article 835 du Code de procédure civile, pour aboutir à une triple interdiction : diffusion, commercialisation et promotion. Il est en effet « vraisemblable qu’il existe des liens étroits entre les personnages de l’ouvrage Fatume avec la réalité de la vie des demandeurs ».

Et la cour de noter : « Le dommage imminent qu’entraînerait la diffusion et la commercialisation de l’ouvrage […] est donc caractérisé […]. S’agissant de la divulgation des détails les plus intimes de la vie des demandeurs, un tel dommage serait irréparable et justifie qu’il soit fait droit à la demande d’interdiction sous astreinte qu’ils ont formée. »

Notons à ce titre que la maison d’édition pas plus que son conseil n’ont souhaité apporter de commentaire, considérant que toute intervention tomberait de fait sous le coup de l’ordonnance. L’auteur et l’éditeur, la SAS Éditions Robert Laffont, sont condamnés chacun à 1000 € au titre de frais irrépétibles, ainsi que d’une astreinte de 500 € « par manquement constaté ».

Reste désormais à l’éditeur et son distributeur, Interforum, à rappeler les quelque 2000 ouvrages mis en vente pour le 19 août…

Mise à jour 14/08 - 16 h 50 :

Depuis l’annonce de la maison d’édition Bouquins, le déréférencement de l’ouvrage intervient massivement sur les plateformes de vente. La mention du livre a déjà été supprimée sur le site Lisez.com, qui sert au groupe Editis à référencer l’ensemble des parutions de ses maisons, avec une jolie page 404 indiquant la suppression des éléments, bien que l’on en trouve encore trave à quelques endroits du site.

En revanche, les librairies en ligne voient les flux de données s’actualiser progressivement : les principaux vendeurs, comme Amazon, Rakuten ou le service de vente de livres d’occasion Momox ont supprimé les données liées au roman. « D’ici à 24, voire 48 heures, l’ouvrage aura totalement disparu de la toile, pour ce qui est des précommandes », assure un libraire.   

crédit photo : Tingey Injury Law Firm/ Unsplash

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