Une douzaine de langues meurent tous les dix ans, balayant à chaque fois une grammaire, mais aussi une façon de voir le monde.
Angela est l’une des dernières villageoises de Bangkukuk, au Nicaragua, à parler rama, une langue qui appartient à la famille des langues chibchan d’Amérique centrale et de Colombie.
Deux grammaires, quelques heures d’enregistrement et une poignée d’ouvrages, voilà tout ce qu’il reste de l’oubykh, une langue des bords de la mer Noire. Ce parler a disparu aux débuts des années 1990, avec la mort de son dernier locuteur. Comme l’oubykh, une douzaine de langues ne sont plus jamais prononcées et meurent chaque décennie, à un rythme qui s’accélère d’après les linguistes.
Selon l’atlas des langues en danger, publié en 2010 par l’Unesco, environ 2 500 langues sur les 7 000 recensées étaient en train de disparaître. Depuis, ce chiffre a sans doute encore progressé, les langues s’éteignant en même temps que leurs derniers émetteurs faute d’être transmises à une nouvelle génération.
« En 2005, quand je me suis rendu à Vanikoro, dans l’archipel des Salomon, deux des trois langues de l’île n’étaient parlées respectivement plus que par six et douze personnes, se souvient Alexandre François, directeur de recherche au CNRS et spécialistes des langues océaniennes. En 2012, il ne restait plus qu’un locuteur du tanéma et quatre locuteurs du lovono. » La troisième langue de Vanikoro, le teanu, s’est peu à peu imposée auprès de tous les habitants, grignotant les deux autres.
« À l’échelle d’un territoire aussi petit que celui-là,…