Le Sénat avait largement modifié le projet initial du gouvernement. Ensuite, à l’Assemblée, la commission des Affaires culturelles n’avait rien trouvé à redire à ces modifications : elle avait ainsi validé à l’unanimité le texte issu du Sénat.
La séance publique, que nous avions racontée ici, avait donc été assez mouvementée. Le gouvernement n’étant pas du tout d’accord avec ces modifications, il avait tenté de rétablir sa version… ce qu’il n’avait réussi qu’à moitié. Le rapporteur socialiste de la commission des Affaires culturelles, Christophe Premat, fidèle à la position de sa commission, avait donné un avis négatif à ces amendements gouvernementaux, soutenu en cela par l’opposition et par certains députés antillais de gauche. En gros, le gouvernement et certains députés Antillais souhaitent donner du poids aux pôles locaux (Martinique et Guadeloupe), quand le Sénat et le rapporteur souhaitent au contraire s’assurer une gouvernance forte pour éviter une nouvelle implosion de l’université (à l’heure où partout ailleurs on essaie de les regrouper).
Il s’en était fallu de peu pour que le texte ne soit pas modifié et adopté définitivement. La secrétaire d’Etat d’alors, Geneviève Fioraso, avait pu compter sur 1) le rameutage en dernière minute de députés socialistes d’autres commissions, 2) le soutien (volte-face) du Président de celle des Affaires culturelles Patrick Bloche (mais à demi-mot quand même), et surtout 3) un allié de poids : Victorin Lurel, ancien ministre des Outre-mer, avec qui le gouvernement semble avoir conclu un arrangement depuis le début.
Le désaccord entre l’Assemblée et le Sénat ayant été acté, il a fallu passer par une commission mixte paritaire pour tenter d’élaborer un compromis (CMP – 7 députés et 7 sénateurs). Et là, surprise : le rapporteur Christophe Premat a été opportunément évincé au profit d’Yves Durand, un socialiste visiblement plus docile et favorable au gouvernement. Dans le compte-rendu, le second prend soin de « rendre hommage » au premier (c’est trop gentil). Chacun pourra apprécier l’éviction d’un rapporteur qui avait travaillé le texte jusqu’à présent… uniquement à cause de son soutien au texte du Sénat (il ne faisait en cela que traduire fidèlement le soutien exprimé par sa commission).
Précision importante : les ministres n’ont pas le droit d’assister aux CMP pour délivrer la position du gouvernement… d’où le besoin de trouver des porte-parole dévoués.
Reste que la CMP était majoritairement favorable au texte du Sénat. Ceci dit, avec l’acharnement du gouvernement et la nomination d’un rapporteur « loyaliste », celui-ci aurait été rejeté par l’Assemblée. Afin d’éviter cela, il a donc été décidé de conclure à l’échec de la CMP. Le gouvernement va maintenant sans doute demander à l’Assemblée nationale de donner le dernier mot, après avoir utilisé le joker « changement de rapporteur », bien utile et très politique.