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QUAND UN JEUNE BEKE SE MET A REFLECHIR...

QUAND UN JEUNE BEKE SE MET A REFLECHIR...

Suite à la réunion organisée à Paris par le délégué interministériel Patrick Karam sur la question békée, à Paris, un jeune membre de cette communauté, au patronyme très représentatif, Guillaume Hayot, se livre à une véritable introspection et à une analyse fort intéressante du conflit Békés/Non-Békés. Hormis ses sorties contre les "extrémistes indépendantistes", somme toute attendues, sa parole mérite d'être entendue avant d'être analysée et critiquée...

Bonjour Papa et Patrick,

Je ne vais pas vous faire un compte-rendu du « débat » (vous pourrez en lire sur Internet ou via les emails qui circulent déjà). En revanche, je vais tenter de vous donner mon avis par rapport à ce que j’ai vécu et essayer de traduire avec des mots les émotions et les ressentis très marqués des Antillais qui étaient assis à côté de moi dans la salle. Selon moi, nous sommes depuis toujours, passés à côté du véritable problème de fond. En effet, il y a une Profonde Souffrance des Martiniquais et la « nier » en leur disant qu’il faut « aller de l’avant » et « arrêter de regarder dans le rétroviseur » ne résoudra pas leur mal-être.

Pour avancer, nous (nègres et békés) devons d’abord apprendre à accepter et à comprendre notre passé commun et douloureux. Les noirs Antillais ont un devoir de mémoire vis-à-vis de leurs ancêtres. Pour cela, ils demandent simplement qu’on les entende enfin (nous les békés), pour qu’ils puissent nous dire les yeux dans les yeux, d’égal à égal, et ce, sans tabou ni retenue, ce qu’ils ont sur le cœur depuis des siècles. Il faut crever l’abcès car pour nos compatriotes, il n’y a jamais eu de « réconciliation officielle ». Toutes ces frustrations et ces douleurs enfouies au plus profond de leur âme, avaient besoin de sortir.

Or nous avons (nègres et békés) toujours refusé d’en parler par honte, par crainte de l’autre ou pire encore par bêtise. Aujourd’hui le temps est venu de réapprendre à vire ensemble car nos destins sont intimement liés. Qu’on le veuille ou non, nous sommes pour eux les représentants vivants des « colons esclavagistes », même s’ils sont bien conscients au fond d’eux-mêmes, que nous ne sommes pas directement responsables de cet état de fait. Nous avons le devoir de « mouiller nos chemises » et de les accompagner dans cette recherche identitaire et d’acceptation de soi. Elle est « là » la réparation qu’ils attendent depuis toujours. Pour faire simple (et sans caricaturer), ils ont besoin qu’on les aime (et je pèse mes mots). Ils veulent simplement pouvoir nous parler et qu’on les écoute. Ils ont également un profond besoin de reconnaissance et de respect. Prenons l’exemple récurrent du mariage.

Ce n’est pas tant le fait de se marier avec un (ou une) béké qui les intéressent. Dans le fond, c’est simplement le fait qu’on leur dise que c’est possible, que c’est envisageable. Or, au fil des années, ils nous ont « attaqués » de façon virulente pour nous faire réagir. Mais au lieu d’en profiter pour ouvrir le dialogue, nous nous sommes murés dans notre silence. En effet, nous nous sommes complètement absentés du débat public de la Martinique (notamment sur les questions politiques et sociales) et nous nous sommes focalisés sur l’entreprenariat et l’expansion économique de l’île. Notre attitude, perçue comme élitiste, hautaine et méprisante, a eu des effets dévastateurs sur nos relations avec la communauté Antillaise qui s’est sentie totalement rejetée et délaissée par les békés. Exacerbée par la crise, il a été facile pour les leaders des différents collectifs (relayés par les médias complices) de détourner cette peine et ce mal-être, pour les faire se transformer petit à petit en haine, afin de nous stigmatiser et nous rendre seuls et uniques responsables de l’état catastrophique dans lequel se trouve la Martinique aujourd’hui (Chômage, échec scolaire, délinquance, racisme…).

Les antillais ont un profond sentiment d’injustice vis-à-vis des békés, fondé sur des idées reçues erronées véhiculées par les médias locaux et nationaux et surtout une réelle méconnaissance de qui nous sommes au fond. Nous devons bien évidement rétablir la vérité, mais nous devons également faire en sorte de sortir de ce dialogue de sourd en changent notre approche du problème. En effet, nous essayons de répondre de façon pragmatique et rationnelle en avançant des chiffres et des faits, alors que le problème de fond ne l’est pas (rationnel). Il est tout simplement de l’ordre du « ressenti » (humain, affectif, psychologique, …). Dans cette histoire, les békés ne doivent surtout pas se « victimiser » (par exemple ne pas faire de comparaisons malheureuse avec les juifs). Nous devons également descendre de notre piédestal et aller vers la population. Aucun expert en communication de l’Elysée ne peut résoudre ce problème à notre place. C’est un travail de très longue haleine qui sera extrêmement éprouvant, car nous devrons faire fasse à des vérités et à des rancœurs amplifiées par des métropolitains et des syndicalistes extrémistes/indépendantistes/communistes/révolutionnaires qui mettront tous en œuvre pour cette réconciliation échoue. Soit nous nous mettons au travail tout de suite, soit nous leur donnons dès aujourd’hui les « clés du magasin et de la maison ».

PS : Après cette réunion, je sais que le combat sera rude, mais je suis sorti de là « gonflé à bloc ».

{{Guillaume HAYOT}}

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