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« Nul ne sait ce que peut un corps » : La puissance du corps au service de la libération du peuple martiniquais !

Roland Davidas
« Nul ne sait ce que peut un corps » : La puissance du corps au service de la libération du peuple martiniquais  !

   Le pessimisme est de rigueur en Martinique en ce moment : Les Martiniquais sont en effet de plus en plus inquiets par rapport à la montée de l'insécurité, la contamination des terres agricoles et l'explosion du nombre de cancers. 

   D'autres facteurs inquiétants alimentent la peur et la désespérance : baisse inexorable de la démographie, taux de chômage élevé, fuite des cerveaux, tensions sociales exacerbées, corruption de certaines élites, nombre élevé de dépressions et de suicides, sans compter la pollution de l'air et l'invasion chronique des sargasses qui empoisonnent notre vie au quotidien. La tristesse s'installe et les martiniquais perdent ce qu'il y a de plus précieux, à savoir le sens de la joie.  

   Mais cette situation dramatique n'est pas une fatalité : La Martinique a les ressources humaines et spirituelles suffisantes pour s'en sortir. Comme le dit ce très beau proverbe créole, «  Tout kod ni kouto-yo !» autrement dit, tout problème à sa solution.

   La crise que nous traversons actuellement est un obstacle, elle n'est pas une essence : L'essence est constructive, la crise n'est acceptée que pour être dépassée. Nous pouvons la surmonter, à partir de ce qui constitue le droit naturel, c'est-à-dire la puissance du corps, car un individu se définit d'abord par la puissance de son corps et celui-ci par la complexité de sa structure. Cette complexité rend le corps humain apte à affecter le monde extérieur et à être affecté par lui d'une infinité de manières. C'est pourquoi, Baruch Spinoza (1632-1677) a cette admirable formule : « Nul ne sait ce que peut un corps ». (Il n'y a que les tyrans qui prétendent savoir à l'avance ce que peut un corps, pour mieux l'opprimer et l'exploiter). Mais en réalité, « Personne n'a jusqu'à présent déterminé ce que peut le corps ».

   Cette idée capitale révèle la puissance corporelle et spirituelle insoupçonnée du peuple martiniquais. Pour Spinoza en effet, le Corps et l'Esprit sont « une seule et même chose mais qui s'exprime de deux manières » : « Le corps est l'objet de l'esprit et l'esprit n'est rien d'autre que l'idée du corps ». Autrement dit, la puissance corporelle et la puissance mentale vont de pair. On n'acquiert pas son salut contre son corps, ni même sans lui, on se sauve toujours corps et âme à la fois.

   C'est sur la base de la puissance indéfinie du corps humain que les martiniquais peuvent « introduire l'invention dans l'existence », selon la belle formule de Frantz Fanon ; c'est sur la base de la très grande puissance du corps, que la force libératrice de l'imagination peut produire des effets déterminants, quant au devenir actif des martiniquais.  

   « On ne sait pas ce que peut un corps » : Cette idée subversive révèle que le peuple martiniquais est en mesure de produire une infinité de choses utiles à sa conservation et à sa persévérance dans l'être ; elle révèle qu'il est apte à surmonter tous les défis et tous les obstacles présents et futurs, à partir de la puissance collective des corps qui le composent. Cette composition physique du peuple  constitue ce que Spinoza appelle la « puissance de la multitude » ( multitudinis potentia), cet « être infini » qui est au cœur de la politique et de l'histoire. Le problème politique est par excellence, celui de l'affirmation absolue d'un corps ou la façon dont il se constitue adéquatement.

   La question « Qu'est-ce que peut un corps » a donc une dimension juridique et éthique : Si nous rencontrons un corps qui compose avec le notre sous un rapport favorable, nous cherchons à nous unir avec lui. Si par contre, nous rencontrons un corps dont le rapport ne se compose pas avec le notre, un corps qui nous affecte de tristesse, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour écarter la tristesse ou détruire ce corps, c'est-à-dire pour imposer aux parties de ce corps un nouveau rapport qui convient avec notre propre nature.

   « Que peut le corps humain ? » : C'est la question fondamentale posée par Spinoza dans son « Ethique ». C'est la question la plus importante de toute l'histoire de la philosophie. C'est à partir de cette question essentielle, que le peuple martiniquais pourra trouver les réponses adéquates pour sortir de l'impasse et vaincre les passions tristes. Car, l'exploration de la puissance du corps est l'arme la plus puissante pour résister face à la peur et à la désespérance : C'est l'expérience qu'ont vécue tous les « Nègres-marrons » et tous les Juifs « marranes » du monde entier.

                                             Roland DAVIDAS ( admirateur de Spinoza)

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