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Mon arbre "Génial en logique"

Jocelyne Mouriesse
Mon arbre "Génial en logique"

J'ai parmi mes ancêtres, comme nombre de martiniquais, des ancêtres blancs et noirs.

Une cousine, qui fait souvent des recherches généalogiques m'a fait part des pratiques et subterfuges visant à dissimuler les quelques traces de café mêlées à leur lait familial.

Au regard de l'histoire de ma grand-mère maternelle qui, dans le sillage de son veuvage, s'est trouvée tenue à l'écart de sa famille en raison de son remariage avec un mulâtre, je n'ai pas été en contact avec les membres de cette branche de la famille et j'ai gardé au cœur un sentiment de ressentiment à l'encontre de l'ensemble de cette communauté. La vie m'a fort heureusement démontré qu'on ne devait pas mettre tout le monde dans le même sac et appris progressivement l'art de l'analyse et de la nuance.

D'une sensibilité à fleur de peau j'ai décidé, parvenue à l'âge mur, de me prêter à une séance pour le moins cathartique dans l'objectif de me réconcilier avec tous mes ascendants, guidée dans cette entreprise par une spécialiste formée à l'accompagnement au pardon et à la résilience.

J'en suis sortie réconfortée et régénérée!!! C'est un vrai cadeau que je me suis fait à moi-même! En effet il m'était douloureux de vivre ainsi dans la non acceptation et le rejet d'une partie de mes ancêtres dont je me demandais quels méfaits ils avaient pu commettre par ailleurs.

Cela me perturbait à tel point qu'adolescente je gardais les yeux fixement sur mes signes de beauté pensant que peut-être ils finiraient par s'étendre et gagner tout le terrain, m'offrant ainsi l'opportunité de me fondre parmi les miens, sans qu'aucune vague ne vienne "froisser" la clarté de leur regard à mon endroit. Devant mon impuissance manifeste je pleurais de dépit, en cachette.

Aujourd'hui libérée de ce que j'ai choisi de nommer mon syndrome de "feuille bois canon" je défends les valeurs auxquelles je crois et non la couleur de l'équipe à laquelle un dossard ou passeport épidermique me serat fatalement attribué.

J'ai réuni mes défunts aïeux. Je les ai pris à bras-le-corps, et leur ai dit tout ce que j'avais sur le cœur en recevant leurs tremblements, souffrances, instincts de survie, bonnes et mauvaises actions, débordements, peurs, rejets, exactions, mensonges et contradictions.

Je les ai pris pour des humains à réconcilier en moi. J'ai pris cette victoire à mon compte, dans mon urgence d'avancer contre vents et marées voire à contre-courant. Au conte de tous ceux qui arrivèrent ici, sur ce nombril de terre, d'une manière ou une autre.

Concernant le déboulonnage des statues qui défraie actuellement la chronique, Schœlcher, l'un des rares qui se soient dressés pour affirmer que l'esclavage devait être aboli, me paraît, de mon point de vue subjectif, l'une des victimes collatérales, à titre posthume, du paradigme colonialiste. Nous assistons en ce moment à l'effet à retardement de l'attitude inique des décideurs de l'époque qui ont voulu mettre en lumière l'acte de dominants bienfaiteurs, paternalistes, posant symboliquement le point final du processus d'abolition de l'esclavage, spoliant dans le même élan l'honneur, la fierté et la dignité qui auraient autrement pu éclore, s'exprimer et s'inscrire dans la durée chez celles combattants pour leur libération. Grave erreur!

Des hommes vraiment désireux d'établir le socle d'une vraie harmonie auraient opté pour l'érection de monuments aux profils variés et représentatifs de notre diversité, plantant ainsi les conditions permettant d'assurer la dignité l'épanouissement de tous.

S'il faut le regretter il ne faut pas me semble t-il s'étonner que, de la cause plantée par le passé il demeure encore souterrainement quelques mines prêtes à exploser.

Esclavage, chlordécone, invasion de sargasses, conséquences économiques de la pandémie qui sévit encore et laissera des cicatrices profondes, incessantes coupures d'eau, font partie de la longue liste de couleuvres avalées. Cette accumulation est insoutenable pour les plus jeunes et les plus vulnérables qui ne parviennent pas encore ou plus à force à gérer leurs émotions. Sont-ils responsables ou victimes, au même titre que Celui qu'elles ont fait descendre du trône où d'autres n'avaient placé que lui, le sanctionnant pour avoir osé mener ce combat, l'isolant en le rendant antipathiques aux yeux de ceux restés dans l'ombre, qui avaient mené cette lutte parallèle.

Reconnaissons-le collectivement!

A l'époque, une vraie connaissance de l'histoire et un dialogue franc auraient évité à l'élève que j'étais alors de patauger dans le flou artistique de l'histoire du sol natal. J'ai dû entreprendre la recherche d'ouvrages qui permettraient d'éclairer ma lanterne et d'affronter la redoutable réalité. L'éducation et le dialogue sont les clefs d'une société saine et créative..

Fort heureusement au lycée, quelques professeurs avaientceu à coeur de nous faire découvrir un ou deux livres d'écrivains ne faisant pas partie du programme et qui traitaient de la question de l'esclavage et des soubresauts de révolte récurrents jusqu'à son abolition et l'espoir d'unexvictoire de l'humain sur l'avidité et l'exploitation. Ces aspirations sont encore d'actualité! La pandémie a créé chez les jeunes un élan de changement, une envie de rééquilibrage et d'ajustement de notre société. Ces jeunes activistes se sont fourvoyées et trompé d'adversaire; mais les vrais responsables sont à chercher ailleurs.

Dans le déséquilibre de figures d'hommes et de femmes auxquels d'identifier.

Une complète ignorance de l'histoire eût décuplé mon sentiment d'être mal dans ma peau. Personne ne peut souhaiter ça à ses enfants et petits-enfants.

C'est la raison qui me pousse, aujourd'hui que j'ai le recul et que les mots passent mes lèvres sans m'étrangler, à partager mon expérience.

Après plus d'un demi-siècle d'existence j'ai digéré mon histoire et je voyage le cœur plus léger, m'acceptant avec l'enveloppe que je n'ai pas choisie mais dans laquelle je vis ma vie. Je ne défends pas de couleur je les aime toutes sans exception.

Pour le bien-être de nous tous, laissons les rancoeurs se dissiper, protégeons becs et ongles notre patrimoine, notre environnement et socle commun, dans le respect de valeurs HUMAINES pour l'instauration, la préservation et le maintien de L'HARMONIE RELATIONNELLE.

Dans chaque actes et pensée que nous posons, dans nos journées engageons-nous à faire éclore cette société que nous appelons de nos vœux, avec une bienveillante rectitude.

Le passé est le passé mais de l'avenir nous sommes responsables.

Jocelyne Mouriesse
26.05.2020

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