Max Rippon (1944-) est le fils spirituel de Guy Tirolien (1917-1988). Il a d’ailleurs il y a plus de trente ans effectué la traduction en kreyol de quelques-uns des 33 poèmes de ce dernier publiés à Présence Africaine en 1961 et assemblés sous le vocable Balles d’or. A l’intérieur de ce recueil figure la fameuse « Prière d’un petit enfant nègre » qui date elle de 1943. Mais moi j’ai surtout mémorisé une ligne de son poème « Redécouverte » où comme dans le Cahier d’un Retour au pays natal de Césaire en 1939 il constate avec effroi que
« … rien n’a changé.
Les mouches sont toujours lourdes de vesou,
Et l’air chargé de sueur »
En 1977 Guy Tirolien publiera Feuilles Vivantes au Matin. dont le titre est tiré du dernier vers d’un poème de Saint-John Perse du livre Anabase écrit en 1924 et intitulé « Chanson » qui dit
Feuilles vivantes au matin sont à l’image de la gloire
Il y a entre Rippon et Tirolien des vases communicants étranges car Rippon est né à Grand-Bourg, Marie-Galante tandis que Tirolien est mort au même endroit. Tirolien est né à Pointe-à-Pitre tandis que Rippon a quitté Grand-Bourg à l’âge de 11 ans pour s’installer à Pointe-à-Pitre. Les deux parcours galantais se complètent. L’un prend le français au collet tandis que l’autre fait la part belle au kreyol.
D’autres influences sont celles qu’il a reçues de poètes radicaux comme Sonny Rupaire et Hector Poulet, partisans d’une poésie créolophone et engagée que Rippon a longtemps pratiquée et surtout déclamée. Il se démarque des autres par son style, son créole basilectal marie-galantais et sa préciosité, son raffinement, sa recherche qui rendent parfois son texte hermétique mais qui font résonner en nous sans que l’on sache bien pourquoi les flux et reflux de la singularité créole.
Rippon commence en fait quand Tirolien finit. Il publie en 1987 dans la propre maison d’édition Aicha son premier ouvrage Pawol Naïf suivi en 1989 par Feuille de Mots aux Editions Jasor.
Voici ainsi son poème extrait de : Débris de silence (2004)
Débouya sé péché ou sav
Débouya pa péché
yo fè-w akwè
konplo a nèg sé konplo a chyen
yo fè-w akwè
palé kréyol sé pawol a nèg-dalo
yo fè-w akwè
nèg ni mové mannyè
nèg ka kaka an tou
nèg sé dènyé nasyon apwé krapo
yo fè-w akwè
é ou kwè tousa dépasé kwè
ou kwè lanmè sèk
ou kwè ravèt pani rézon douvan poul
ou woufizé mèt lèspwi a-w
égal pat égal mòdan
pou péyi-la pran lèv an avan
é flangé lanm kon penn-kanno cho défouné
ou woufizé bwaré lang a manman-w
ou wounonsé tété an manmèl
ou woufizé triyé diri é pach an tré
ou lésé van vanné pawòl ki di-w
débouya sé péché
kokangé sé honté
prangad
ou woufizé tann lokans hélé an koulé
prangad
fwè gadé kò a-w an fas
kenbon
fouwé zotèy a-w an fon tè gras
pou rédé péyi-la vansé
ti-tak douvan
Max RIPPON
Max Rippon vient de commettre un ouvrage à trois mains autour d’une graminée. A lui le texte poétique, à Alain Darré les photos sur support d’aluminium (subligraphie) faites à Marie-Galante, à Michel Gravil la composition musicale. Quant aux prises de son qui nous immergent dans les flèches de canne, les machettes, le vesou, la mélasse et le clairin, elles sont de Ludovic Sadjan.
Tout cela pour retracer l’odyssée du rhum, ou plutôt la route du rhum intime de chacun qui est d’abord la route de la canne à sucre (Saccharum officinarum) en prenant pour héroïne l’île aux cent moulins. L’ouvrage s’appelle Saccharhum. L’exposition a été présentée à Saint-Malo avant le départ de la Route du Rhum du 6 octobre au 4 novembre 2018 et sera présentée à Pointe-à-Pitre du 9 au 30 novembre.