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MARTINIQUE, TERRE ECHOUÉE

MARTINIQUE, TERRE ECHOUÉE


...condamnés à vivre en tête-à-tête avec la stupidité empuantie sans
autre chose qui vous tienne chaud au sang que de egarder ciller jusqu'à mi-verre
votre rhum antillais...

âmes de morue

A. Césaire

 

Elle, un jardin de géants perdu en mer

arraché d'une terre reniée, oubliée

cette lourde Afrique, aux battements sourds

étouffante de ses puissantes racines entrelacées.

L'obstination d'infatigables alizés, t'a poussée, Martinique

vers un marais marin aux vagues métissées de calme salé.

Te voici échoué, jardin étrange abandonné de tes dieux

ancestraux, avec pour mémoire leur antique semence. Elle irrigue

toute vie, tout être jusqu'à l'exubérance.

Pas de repos à cette inexorable sève.

Dans la moiteur des jours répétés, ton soleil

se hâte de disparaître, tant le feu des verdures

use son regard borgne. Lente sueur du temps aussi,

les heures circulaires ne peuvent échapper à ce feu soutenu,

porter une saison, la mélancolie de la nudité, enfermer

un frisson de fraîcheur, exploser un matin dans un fracas de bourgeons.

Non, rien, l'obsédante luxure, la fleur, impudique courtisane,

les frondaisons éternelles, narquoises.

Parfois, rare, parvient la neige d'un fromager, éphémère et blanche

ou neigent aussi les champs de canne brûlés, sueur des nègres.

Indigènes indécis, enivrés de cette sève

vous qui avez troqué le fouet de cuir contre un fouet d'or,

cette langueur est-elle l'orgueil de votre naissance ?

Le lointain souvenir de vos ancêtres titanesques ?

L'élégance de vos femmes, yoles doucement bercées,

est-elle l'arrogance des cruelles divinités qui régnaient en des temps obscurs ?

Mais vrai l'esprit vous manque, hommes-lianes, femmes-fleurs.

Entendre couler ce chant antique et puissant dans vos veines, repris

par vos rythmes martelés, vous épargne l'effort d'un fruit.

Pleurez, pleurez, nègres de là et d'ailleurs.

De plus en plus désastreux sont vos retours de Miquelon,

vos pêches corrompues. Et le monde

jaloux de la vigueur toujours nouvelle de ces sèves infinies,

souillera la source de votre majesté, par un immense déluge de cendre.

Brûlez, brûlez de rhum vos yeux, nègres de là et d'ailleurs ; alors,

rendus aveugles aux lumières des cités, aimez le fouet de cuir.

Déséchouez votre île de cette maudite lagune. Souffrez, suez,

le souffle de vos géants vous conduira vers un océan vierge et inconnu.

Mais quel homme peut vous parler ?

Thierry CAILLE



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