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MARIE-ALICE ANDRE-JACCOULET : UNE GRANDE DAME S’EN VA…

MARIE-ALICE ANDRE-JACCOULET : UNE GRANDE DAME S’EN VA…

Je ne me souviens pas que nous ayons, elle et moi, échangé plus de trois phrases, mais je peux témoigner que chaque fois que le hasard faisait se croiser nos pas, Marie-Alice André Jaccoulet s’est toujours montrée d’une très grande courtoisie à mon endroit, elle qui est pourtant à des années-lumière de l’idéologie nationalo-indépendantiste, elle qui fut, un temps, l’égérie de la Droite départementaliste martiniquaise. Avec son sourire lumineux, elle me reprochait, sur un ton presque maternel, mes excès de plume (tel article publié dans « Antilla », par exemple) et nous en riions tous les deux. Toujours très brièvement.

Je l’admirais en secret. Parce que le monde politique martiniquais, comme le monde économique ou littéraire d’ailleurs, est essentiellement un monde d’hommes. La Martinique est quasiment la seule île de la Caraïbe à n’avoir jamais été bouleversée par la moindre révolution, l’Insurrection du Sud ayant été sauvagement réprimée, et nous avons de ce fait gardé une structure coloniale presque intacte. Une structure à la fois socio-ethnique (Béké/Mulâtre/Nègre/Indien) et masculiniste (Papa Béké). Alors qu’en Guadeloupe, les femmes__depuis l’époque de la Mulâtresse Solitude sans doute__ont réussi à se forger une place sur le plan politique (Micheaux-Chevry, Carabin etc.), culturel (Maryse Condé, S. Schwarz-Bart, Gisèle Pineau etc.) voire économique (Colette Koury), force est de reconnaître qu’en Martinique, c’est très loin d’être le cas.

La société martiniquaise est une société éminemment machiste et c’est ce que je m’efforce de montrer à travers mes romans qui presque tous se déroulent avant 1960. Et c’est pourquoi des ignares, qui ne savent pas ce que ce qu’est la littérature, m’accusent de partager cette idéologie née au sein de l’Habitation. Mais bref…Marie-Alice André-Jaccoulet a donc du batailler contre cela au barreau de Fort-de-France dont elle est vite devenue l’un des ténors, mais aussi au sein du monde politique martiniquais et de son propre parti, la Droite.

Il m’est souvent arrivé de l’écouter à la radio ou à la télévision, attentivement je veux dire, chose que je fais rarement pour nos autres hommes politiques et chaque fois j’ai été frappé par sa clarté d’esprit et sa détermination, légèrement teintée de cette arrogance naturelle des belles négresses. Son assimilationnisme m’irritait, mais j’étais obligé de reconnaître qu’il y avait là une vraie conviction, une totale sincérité.

Le souvenir que je garderai d’elle est singulier. Nous étions au mois d’octobre 1992. Patrick Chamoiseau, le plus éminent écrivain de sa génération, venait de se voir attribuer le Prix Goncourt à Paris. Une foule d’amis et d’admirateurs s’était massée à l’aéroport du Lamentin afin de l’accueillir. A l’époque, il n’y avait pas encore de passerelles et les passagers descendaient sur la piste. Très vite, au grand dam des policiers, cette foule a envahi la piste afin d’aller accueillir le héros. J’en faisais partie. Malheureusement pour moi, j’avais un drapeau rouge-vert-noir à la main et un gendarme-petit-bâton bien de chez nous (pas un Métro !) prétendit m’interdire l’accès à la piste si je ne me débarrassais pas de cet emblème à ses yeux infamant. Evidemment, le ton est vite monté et nous avons échangé des « coups de manman » comme on dit en créole sous le regard médusé de la foule. Au moment où je tentais de forcer le barrage de policiers, Marie-Alice André Jaccoulet s’est alors avancé de son pas tranquille de reine Ashanti et leur a parlé. Je ne me souviens plus de ses mots tellement j’étais en colère, mais immédiatement, les pandores ont abaissé leurs matraques et m’ont ouvert le passage. J’ai couru sur la piste, déjà envahie par les supporters de Chamoiseau et j’ai tendu à ce dernier notre drapeau rouge-vert-noir qu’il n’a plus lâché durant tout son passage dans l’aéroport.

Merci, madame Jaccoulet ! Maître Jaccoulet !

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