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Tribune

MANUEL VALLS A DIT « APARTHEID ».

Yves-Léopold Monthieux
MANUEL VALLS A DIT « APARTHEID ».

Le premier ministre a raison de mettre en évidence la réalité de la situation des français issus de l’immigration. Certes, il utilise le mot apartheid dans une acception qui s’éloigne de la définition des dictionnaires. Selon le Larousse, apartheid est un mot afrikaans qui signifie "Ségrégation systématique des populations de couleur, en Afrique du Sud". Cette ségrégation est codifiée au sein d’institutions régies par des lois et règlements.  En prononçant le mot sulfureux, Manuel Valls a volontairement poussé le bouchon vers le degré maximum d’horreur. Il a réveillé les Français de leur torpeur, provoqué le tollé, puis recentré son propos le lendemain au cours d’une conférence de presse : « voilà ce que j’ai voulu dire ». Le problème a donc été identifié et mis sur le tapis.

Il est ridicule de ne retenir que l’approximation sémantique de M. Valls ? Nicolas Sarkozy en devient inaudible. Le problème a donc été identifié et le débat national est lancé. C’était l’objectif. Mais la volonté de convaincre conduit parfois à prendre sans discernement des libertés quant au sens des mots. L’historien Pascal Blanchard reçoit au premier degré l’image provocatrice du premier ministre et croit devoir aller au-delà. Il délaisse  le langage scientifique pour tenter de fixer dans la réalité d’audacieuses supputations. Ainsi, affirme-t-il, "la situation d’apartheid décrite par Valls correspond tout particulièrement aux Outre-mer" - tout est dans le « tout particulièrement » - et que « l’une des caractéristiques de l’apartheid, c’est de se sentir exclu au sein de son propre pays ». « En prononçant ces mots, ajoute-t-il, je suis sûr (sic) qu’inconsciemment (re-sic), il [Manuel Valls] pensait aussi aux Outre-mer ».  Et s’emballe : « Pour parfaire la comparaison avec l’Afrique du Sud, on pourrait dire que les quartiers populaires français correspondent à Soweto (banlieue noire historique de Johannesburg), tandis que les Outre-mer correspondent aux bantoustans (enclaves territoriales réservées aux Noirs pendant l’apartheid) ». Bref, M. Blanchard se fait plaisir.

La mise en évidence par certains d’une trop forte minorité de blancs dans les DOM ainsi que la crainte d’un apport trop nombreux de ressortissants étrangers signifieraient plutôt que les populations autochtones se sentent bien chez elles. Elles n’y seraient pas parquées par une lointaine métropole, mais plutôt dérangées par la venue des autres, si l’on s’en tient au cri de l’OJAM, « La Martinique aux Martiniquais ». Par ailleurs on ne peut pas, à la fois, considérer les DOM comme des bantoustans et parler d’exil lorsque des habitants de ces prétendus bantoustans partent en France. Cette comparaison déraisonnable enlève de la consistance à l’image que veut donner l’historien du quartier populaire français, tel que l’appréhende le chef du gouvernement et que j’ai pu le toucher du doigt au cours de récentes vacances laborieuses en France.

En quittant le métro au terminus de St Denis c’est bien ce que l’on a pressenti dans le train. On arrive dans un monde particulier où l’homme blanc ne refait timidement surface qu’aux heures d’entrée et de sortie de l’université d’en face. En dehors des étudiants qui arrivent de Paris et qui y retournent, on voit peu de citoyens que l’on dit « de souche » sur l’espace qui sépare la gare de l’Université.  Au cours de mes deux kilomètres quotidiens, à pied, sac au dos, j’en ai rarement croisés sur mon chemin où les affichettes collées sur des poteaux indicateurs sont écrites en arabe, la langue dans laquelle j’ai été plus d’une fois abordé. Eh oui ! M. Valls a aussi prononcé l’expression « relégation périurbaine ».

Je n’ai pas rencontré le plombier polonais, mais l’ouvrier bulgare et le djobeur malien. J’ai travaillé pendant un mois, avec eux, dans l’un des quartiers du nord de Paris. C’est peu dire que çà a parlé, notamment pendant les casse-croûtes. Je n’étendrai pas à l’ensemble des communautés dont ils relèvent les réflexions de ceux qui m’ont considéré, venant de la Martinique, un peu comme l’un des leurs. Leur position commune : les Français ne veulent plus travailler, de sorte qu’ils font face au racisme et à la xénophobie sans inquiétude exagérée. Pour les slaves, indéniables bosseurs, ce sont souvent les paresseux qui occupent les emplois normés, tandis que les noirs ont bonne conscience : la France s’est enrichie en Afrique. Invité par les premiers chez eux, dans leur famille, en Bulgarie, j’ai bien relu leur carte de visite. Ils  s’appellent  Kalachnikov.

Yves-Léopold Monthieux , le 24 janvier 2015

 

 

 

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