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LOI DUVALIER

Suisse: Une Nouvelle Loi Contre les Dictateurs
LOI DUVALIER

Par Patrick Eric Mampouya

La restitution à Haïti des avoirs bloqués en Suisse de l'ancien dictateur Jean-Claude DUVALIER, revenu dans son pays après 25 ans d'exil, devrait être bientôt possible grâce à l'entrée en vigueur le 1er février d'une nouvelle loi, a indiqué mardi l'avocat des autorités haïtiennes.

"La loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LRAI) entrera en vigueur au 1er février 2011", a expliqué le Département des Affaires étrangères (ministère).

Le nouveau texte permet au gouvernement helvétique de rendre aux populations spoliées des fonds illicites bloqués dans la Confédération même si l'entraide judiciaire avec l'État concerné ne peut aboutir, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent.

La loi a été surnommée "Lex Duvalier" dans la Confédération car elle a été initiée pour palier à ce manque apparu dans la longue bataille judiciaire sur la restitution au peuple Haïtien de quelque 5,7 millions de dollars, soit 4,2 millions d'euros, déposés par la famille Duvalier sur des comptes suisses.

Elle devrait permettre d'accélérer le processus paralysé depuis des mois, selon Enrico MONFRINI, avocat en Suisse pour les autorités Haïtiennes.

"La lex Duvalier entrera en vigueur le mois prochain et je ne vois pas de raison qu'elle ne soit pas appliquée, que M. DUVALIER soit en Haïti ou non", a-t-il expliqué.

Le ministère suisse des Affaires étrangères n'a pas voulu se prononce sur ses intentions tant que la loi n'est pas effective. Mais, selon les experts, il ne fait pas de doute que Berne l'utilisera pour mettre un terme à une affaire jonchée de moult rebondissements.

Le dernier en date remonte à mars 2010 quand l'ex-dictateur haïtien Jean-Claude DUVALIER, dit "Bébé Doc", a introduit un nouveau recours devant la justice suisse pour récupérer des millions de dollars gelés sur des comptes en Suisse depuis vingt-quatre ans sur décision du gouvernement helvétique. Il contestait la décision de Berne de bloquer à nouveau les fonds après un jugement de la plus haute instance judiciaire helvétique, le Tribunal fédéral.

Ce dernier avait annulé en février 2010 la restitution prévue à Haïti d'une partie des avoirs de M. Jean-Claude DUVALIER.

Le Tribunal avait confirmé un jugement antérieur de la justice helvétique selon lequel ces avoirs avaient été obtenus de manière criminelle. Mais puisque le droit suisse prévalait dans cette affaire en raison de l'absence d'un traité d'entraide judiciaire entre Haïti et la Suisse, il avait relevé que les crimes commis étaient prescrits depuis 2001, conformément au code pénal helvétique.

Il a en conséquence conclu que Berne ne pouvait s'appuyer sur cet argument pour restituer les fonds au peuple haïtien, comme il avait prévu.

La nouvelle loi devrait permettre une révision de ce jugement. Haïti estime que plus de 100 millions de dollars ont été détournés sous le couvert d'œuvres sociales avant la chute du dictateur, qui avait succédé en 1971 à son père François, élu président en 1957.

* * *

Section 1 Objet

Article 1

La présente loi fixe les modalités du blocage, de la confiscation et de la restitution de valeurs patrimoniales de personnes politiquement exposées ou de leur entourage lorsqu’une demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale ne peut aboutir en raison de la situation de défaillance au sein de l’État requérant dans lequel la personne politiquement exposée exerce ou a exercé sa fonction publique (État d’origine).

Section 2 Blocage

Article 2 Conditions

Le Conseil fédéral peut décider le blocage de valeurs patrimoniales en Suisse, en vue de l’ouverture d’une procédure en confiscation selon la présente loi, aux conditions suivantes:

 

a. les valeurs patrimoniales font l’objet d’une mesure provisoire de saisie dans le cadre d’une procédure d’entraide judiciaire internationale en matière pénale ouverte à la demande de l’État d’origine;

b. le pouvoir de disposition sur ces valeurs patrimoniales appartient à:

  1. des personnes qui occupent ou ont occupé des fonctions publiques importantes à l’étranger (personnes politiquement exposées), soit notamment: les chefs d’État ou de gouvernement, les politiciens de haut rang, les hauts fonctionnaires de l’administration, de la justice, de l’armée et des partis au niveau national, ainsi que les membres des plus hauts organes des entreprises étatiques d’importance nationale;
     
  2. des personnes physiques ou morales qui sont proches de personnes politiquement exposées pour des raisons familiales ou personnelles ou pour des raisons d’affaires (entourage).

c. l’État d’origine n’est pas en mesure de répondre aux exigences de la procédure d’entraide du fait de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son appareil judiciaire ou du dysfonctionnement de celui-ci (situation de défaillance), et

d. la sauvegarde des intérêts de la Suisse exige le blocage de ces valeurs patrimoniales.

Article 3 Durée

  1. Les valeurs patrimoniales sont bloquées jusqu’à décision entrée en force sur leur confiscation.
     
  2. Si une action en confiscation n’est pas ouverte dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en force de la décision de blocage, le blocage des valeurs patrimoniales est caduc.

Article 4 Solution transactionnelle

  1. Le Conseil fédéral peut charger le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de rechercher, durant le blocage des valeurs patrimoniales, une solution transactionnelle en vue d’en permettre la restitution intégrale ou partielle. Les art. 8 à 10 s’appliquent par analogie à cette restitution.
     
  2. La solution transactionnelle doit être approuvée par le Conseil fédéral.
     
  3. Si le Conseil fédéral approuve la solution transactionnelle, il lève le blocage des valeurs patrimoniales.

Section 3 Confiscation

Article 5 Procédure

  1. Le Conseil fédéral peut charger le Département fédéral des finances (DFF) d’ouvrir devant le Tribunal administratif fédéral une action en confiscation des valeurs patrimoniales bloquées.
     
  2. Le Tribunal administratif fédéral prononce la confiscation des valeurs patrimoniales:
     
    a. dont le pouvoir de disposition appartient à une personne politiquement exposée ou à son entourage;
    b. qui sont d’origine illicite, et
    c. qui ont été bloquées en vertu de la présente loi par le Conseil fédéral.
     
  3. La prescription de l’action pénale ou de la peine ne peut pas être invoquée.
     
  4. En cas de reprise de la procédure d’entraide judiciaire internationale en matière pénale, la procédure en confiscation est suspendue jusqu’à droit connu.

Article 6 Présomption d’illicéité

  1. L’origine illicite des valeurs patrimoniales est présumée lorsque les conditions suivantes sont remplies:
     
    a. le patrimoine de la personne qui a le pouvoir de disposition sur les valeurs patrimoniales a fait l’objet d’un accroissement exorbitant en relation avec l’exercice de la fonction publique de la personne politiquement exposée, et
     
    b. le degré de corruption de l’État d’origine ou de la personne politiquement exposée en cause était notoirement élevé durant la période d’exercice de la fonction publique de celle-ci.
     
  2. La présomption est renversée si la licéité de l’acquisition des valeurs patrimoniales est démontrée avec une vraisemblance prépondérante.

Article 7 Droit des tiers

Sont exclues de la confiscation les valeurs patrimoniales sur lesquelles:

 

a.  une autorité suisse fait valoir des droits;

b. une personne qui n’est pas membre de l’entourage de la personne politiquement exposée a acquis de bonne foi des droits réels

  1. en Suisse, ou
     
  2. à l’étranger, s’ils font l’objet d’une décision judiciaire susceptible d’être reconnue en Suisse.

Section 4 Restitution

Article 8 Principe

Les objectifs de la restitution des valeurs patrimoniales confisquées sont les suivants:

 

a. améliorer les conditions de vie de la population du pays d’origine;
 
b. renforcer l’Etat de droit dans le pays d’origine et lutter contre l’impunité des
criminels.

Article 9 Procédure

  1. La restitution des valeurs patrimoniales confisquées s’effectue par le financement de programmes d’intérêt public.
     
  2. Les modalités de la restitution peuvent faire l’objet d’un accord entre la Suisse et l’État d’origine.
     
  3. Un tel accord peut porter notamment sur:
     
    a. le type de programmes d’intérêt public visé par les valeurs patrimoniales restituées;
     
    b. l’utilisation des valeurs patrimoniales restituées;
     
    c. les partenaires impliqués dans la restitution;
     
    d. le contrôle et le suivi de l’utilisation des valeurs patrimoniales restituées.
     
  4. Le Conseil fédéral a la compétence pour conclure un tel accord.
     
  5. À défaut d’accord avec l’État d’origine, le Conseil fédéral fixe les modalités de la restitution. Il peut notamment restituer les valeurs patrimoniales confisquées par l’entremise d’organismes internationaux ou nationaux et prévoir la supervision par le DFAE.

Article 10 Frais de procédure

  1. Un montant forfaitaire correspondant à 2,5 % au plus des valeurs patrimoniales confisquées peut être attribué à la Confédération ou aux cantons pour couvrir les frais de blocage et de restitution.
     
  2. Le Conseil fédéral fixe au cas par cas le montant du forfait.

Section 5 Voies de droit et collaboration entre autorités

Article 11 Recours

  1. La décision de blocage du Conseil fédéral peut faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif fédéral.
     
  2. Le recours n’a pas d’effet suspensif. L’art. 55, al. 2, de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative n’est pas applicable.
     
  3. Le grief de l’inopportunité ne peut être invoqué.
     
  4. La procédure et les voies de droit sont par ailleurs régies par les dispositions générales de la procédure fédérale.

Article 12 Collaboration entre autorités

  1. L’Office fédéral de la Justice informe le DFAE lorsqu’une demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale concernant des valeurs patrimoniales bloquées en Suisse de personnes politiquement exposées ou de leur entourage ne peut aboutir.
     
  2. Sur demande du DFAE ou du DFF, les autorités de la Confédération et des cantons communiquent toutes les données nécessaires à l’exécution de la présente loi.

Section 6 Dispositions finales

Article 13 Modification du droit en vigueur

La modification du droit en vigueur est réglée en annexe.

Article 14 Dispositions transitoires

  1. Les valeurs patrimoniales qui, lors de l’entrée en vigueur de la présente loi, sont bloquées par le Conseil fédéral sur la base de l’article 184, alinéa 3, de la Constitution parce que la demande d’entraide pénale internationale n’a pas abouti restent bloquées jusqu’à décision entrée en force sur leur confiscation conformément à la présente loi.
     
  2. Le blocage est caduc si une action en confiscation n’est pas ouverte dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 15 Référendum et entrée en vigueur

  1. La présente loi est sujette au référendum.
     
  2. Le Conseil fédéral fixe la date de l’entrée en vigueur.

Conseil des États, 1er octobre 2010

La présidente: Erika Forster-Vannini
Le secrétaire: Philippe Schwab

Conseil national, 1er octobre 2010

La présidente: Pascale Bruderer Wyss
Le secrétaire: Pierre-Hervé Freléchoz

Date de publication: 12 octobre 2010
Délai référendaire: 20 janvier 2011

La loi en pdf ici.

Photo du logo: Fabio et Franco Biaggi, 1983.

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