La restitution à Haïti des avoirs bloqués en Suisse de l'ancien dictateur Jean-Claude DUVALIER, revenu dans son pays après 25 ans d'exil, devrait être bientôt possible grâce à l'entrée en vigueur le 1er février d'une nouvelle loi, a indiqué mardi l'avocat des autorités haïtiennes.
"La loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LRAI) entrera en vigueur au 1er février 2011", a expliqué le Département des Affaires étrangères (ministère).
Le nouveau texte permet au gouvernement helvétique de rendre aux populations spoliées des fonds illicites bloqués dans la Confédération même si l'entraide judiciaire avec l'État concerné ne peut aboutir, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent.
La loi a été surnommée "Lex Duvalier" dans la Confédération car elle a été initiée pour palier à ce manque apparu dans la longue bataille judiciaire sur la restitution au peuple Haïtien de quelque 5,7 millions de dollars, soit 4,2 millions d'euros, déposés par la famille Duvalier sur des comptes suisses.
Elle devrait permettre d'accélérer le processus paralysé depuis des mois, selon Enrico MONFRINI, avocat en Suisse pour les autorités Haïtiennes.
"La lex Duvalier entrera en vigueur le mois prochain et je ne vois pas de raison qu'elle ne soit pas appliquée, que M. DUVALIER soit en Haïti ou non", a-t-il expliqué.
Le ministère suisse des Affaires étrangères n'a pas voulu se prononce sur ses intentions tant que la loi n'est pas effective. Mais, selon les experts, il ne fait pas de doute que Berne l'utilisera pour mettre un terme à une affaire jonchée de moult rebondissements.
Le dernier en date remonte à mars 2010 quand l'ex-dictateur haïtien Jean-Claude DUVALIER, dit "Bébé Doc", a introduit un nouveau recours devant la justice suisse pour récupérer des millions de dollars gelés sur des comptes en Suisse depuis vingt-quatre ans sur décision du gouvernement helvétique. Il contestait la décision de Berne de bloquer à nouveau les fonds après un jugement de la plus haute instance judiciaire helvétique, le Tribunal fédéral.
Ce dernier avait annulé en février 2010 la restitution prévue à Haïti d'une partie des avoirs de M. Jean-Claude DUVALIER.
Le Tribunal avait confirmé un jugement antérieur de la justice helvétique selon lequel ces avoirs avaient été obtenus de manière criminelle. Mais puisque le droit suisse prévalait dans cette affaire en raison de l'absence d'un traité d'entraide judiciaire entre Haïti et la Suisse, il avait relevé que les crimes commis étaient prescrits depuis 2001, conformément au code pénal helvétique.
Il a en conséquence conclu que Berne ne pouvait s'appuyer sur cet argument pour restituer les fonds au peuple haïtien, comme il avait prévu.
La nouvelle loi devrait permettre une révision de ce jugement. Haïti estime que plus de 100 millions de dollars ont été détournés sous le couvert d'œuvres sociales avant la chute du dictateur, qui avait succédé en 1971 à son père François, élu président en 1957.
* * *
La présente loi fixe les modalités du blocage, de la confiscation et de la restitution de valeurs patrimoniales de personnes politiquement exposées ou de leur entourage lorsqu’une demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale ne peut aboutir en raison de la situation de défaillance au sein de l’État requérant dans lequel la personne politiquement exposée exerce ou a exercé sa fonction publique (État d’origine).
Le Conseil fédéral peut décider le blocage de valeurs patrimoniales en Suisse, en vue de l’ouverture d’une procédure en confiscation selon la présente loi, aux conditions suivantes:
a. les valeurs patrimoniales font l’objet d’une mesure provisoire de saisie dans le cadre d’une procédure d’entraide judiciaire internationale en matière pénale ouverte à la demande de l’État d’origine;
b. le pouvoir de disposition sur ces valeurs patrimoniales appartient à:
- des personnes qui occupent ou ont occupé des fonctions publiques importantes à l’étranger (personnes politiquement exposées), soit notamment: les chefs d’État ou de gouvernement, les politiciens de haut rang, les hauts fonctionnaires de l’administration, de la justice, de l’armée et des partis au niveau national, ainsi que les membres des plus hauts organes des entreprises étatiques d’importance nationale;
- des personnes physiques ou morales qui sont proches de personnes politiquement exposées pour des raisons familiales ou personnelles ou pour des raisons d’affaires (entourage).
c. l’État d’origine n’est pas en mesure de répondre aux exigences de la procédure d’entraide du fait de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son appareil judiciaire ou du dysfonctionnement de celui-ci (situation de défaillance), et
d. la sauvegarde des intérêts de la Suisse exige le blocage de ces valeurs patrimoniales.
Sont exclues de la confiscation les valeurs patrimoniales sur lesquelles:
a. une autorité suisse fait valoir des droits;
b. une personne qui n’est pas membre de l’entourage de la personne politiquement exposée a acquis de bonne foi des droits réels
- en Suisse, ou
- à l’étranger, s’ils font l’objet d’une décision judiciaire susceptible d’être reconnue en Suisse.
Les objectifs de la restitution des valeurs patrimoniales confisquées sont les suivants:
a. améliorer les conditions de vie de la population du pays d’origine;
b. renforcer l’Etat de droit dans le pays d’origine et lutter contre l’impunité des
criminels.
La modification du droit en vigueur est réglée en annexe.
Conseil des États, 1er octobre 2010 La présidente: Erika Forster-Vannini |
Conseil national, 1er octobre 2010 La présidente: Pascale Bruderer Wyss |
Date de publication: 12 octobre 2010
Délai référendaire: 20 janvier 2011
Photo du logo: Fabio et Franco Biaggi, 1983.