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« L’HÔTEL DU BON PLAISIR » : DERNIER ROMAN DE RAPHAËL CONFIANT

Par MAURICE BELROSE (Journal Justice)
« L’HÔTEL DU BON PLAISIR » : DERNIER ROMAN DE RAPHAËL CONFIANT

Raphaël Confiant vient de publier chez Mercure de France un dernier roman intitulé « L’Hôtel du Bon Plaisir » où il recrée la société martiniquaise de la période 1922-1959, en privilégiant le petit monde du quartier des Terres-Sainville situé, on le sait, à Fort-de-France.

Cette œuvre, comme la plupart des romans et récits de Confiant se lit avec plaisir, et ce pour plusieurs raisons. La première en est l’écriture elle-même, qui charme par son humour__parfois caustique et irrespectueux__, son dosage subtil de français et de créole, son mélange original d’archaïsmes et de néologismes, ses personnages hauts en couleur, représentatifs de toutes les classes sociales et de toutes les ethnies (Nègres, Békés, Mulâtres, Syriens, Indiens, Chinois, Békés-France, Chabins et autres métis). La seconde raison, à mes yeux, est le travail d’historien, d’ethnologue et de sociologue auquel se livre l’auteur, lequel dans ce roman comme dans les précédents, construit son univers de fiction sur la base de l’observation attentive de la réalité martiniquaise et après s’être consciencieusement documenté sur le passé, qu’il s’agisse du passé récent ou de l’époque coloniale et esclavagiste. Le traitement du temps chez Confiant est parfois déroutant, à cause de la rupture de la linéarité du récit. En effet, le lecteur est invité à faire des sauts dans le temps, à passer d’une époque à une autre, pour ensuite revenir à l’époque initiale. Le statut du narrateur__cet « être de papier » qui est censé raconter l’histoire__est variable dans « L’HOTEL DU BON PLAISIR », comme dans d’autres œuvres de Raphaël Confiant : tantôt il s’exprime « à la troisième personne », comme on dit couramment, et alors on a l’impression d’entendre la voix de l’écrivain lui-même ; tantot c’est l’un des personnages qui assume la narration, parlant « à la première personne » ; il arrive aussi qu’on ait l’impression que le narrateur s’adresse à l’un des personnages en le tutoyant, mais en fait c’est ce personnage qui, se dédoublant, se parle à soi-même. Confiant affectionne également les personnages récurents, c’est-à-dire qui reviennent dans plusieurs romans successivement, ce qui contribue à accroitre « l’illusion référentielle », à donner au lecteur l’impression de se retrouver dans un univers familier et « vrai ». Même si le recours à ces divers procédés__au demeurant courants dans la littérature occidentale contemporaine__peut finir par lasser le lecteur, qui les retrouve d’une œuvre à l’autre et même si on peut reprocher à Raphaël Confiant de chercher à séduire le lecteur non antillais en lui offrant de la Martinique une représentation exotique, il n’en demeure pas moins vrai que cet écrivain continue de porter haut l’étandard de la Créolité, ce courant littéraire qu’il a créé avec Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau, lequel maintenant est plutôt proche d’Edouard Glissant.

« L’HOTEL DU BON PLAISIR » est l’histoire de l’Hôtel de la Charité Saint-François de Sales construit en 1922 par trois sœurs békées pour secourir les nécessiteux, nombreux à cette époque à Fort-de-France, puis transformé en bordel à l’époque de l’Amiral Robert, avant de redevenir un « hôtel » normal, mais singulier par la faune pittoresque de ratés et de laissés-pour-compte qu’il abrite…jusqu’à ce que, à l’occasion des émeutes de décembre 59, l’un des locataires, Etienne Beauvallon, étudiant à la fois fou et lucide, y mette le feu.

Ceux qui ont connu les Terres Sainville de cette époque sauront gré à Raphaël Confiant de l’avoir fait revivre avec une telle dextérité. Il y a dans ce roman des personnages qui sont des personnes ayant réellement existé, tels les fameux Grand Z’Ongles et Bec en or. D’autres ressemblent terriblement à des personnes connues non seulement à Fort-de-France mais encore dans toute la Martinique, tel l’instituteur Victorin Helvéticus, qui fait penser par maints détails à Hector Saé, ou le journaliste Romule Casoar, rédacteur de la « feuille de chou » LE RENOVATEUR, qui rappelle Roland Casimir, surnommé Cazo. Confiant ne manque pas de rendre hommage aux communistes martiniquais, dont le siège se trouvait aux Terres Sainville, Place Abbé Grégoire, ainsi qu’à la CGT (Confédération Générale du Travail), qu’il invite à ne pas confondre avec l’autre CGT de l’époque : la Compagnie Générale Transatlantique. Il commet cependant un anachronisme à propos de la principale artère des Terres Sainville, qui à cette époque s’appelait Rue Brithmer et non pas Avenue Jean Jaurès. De même, il situe la ville de Carthagène des Indes au Venezuela (Bénézuèle dans le roman) alors que c’est une ville de la côte caraïbe de la Colombie.

Pour conclure, précisons que « L’HOTEL DU BON PLAISIR », où le sexe tient une place non négligeable (quoique bien moindre que dans « BLACK IS BLACK », roman pornographique sans grand intérêt esthétique) se présente comme une « comédie créole » en six actes suivis d’un épilogue. L’auteur, qui dit l’avoir rédigé entre mazrs 2007 et février 2009, a manifestement pris plaisir à le faire. Gageons que le public en éprouvera autant à le lire.

{{MAURICE BELROSE}}

(« JUSTICE », n° 20, jeudi 14 mai 2009)

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