Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

L'HISTOIRE DES AFROARGENTINS(II)

source : Par guyzoducamer, mercredi 26 décembre 2007, Traduction de Guy Everard Mbarga
L'HISTOIRE DES AFROARGENTINS(II)

{{Être Afrodescendant}}

Définir le concept d’"afrodescendant" n’est pas une tâche simple. Après des débats ardus autour des années 2003 et 2004 entre les représentants des organisations afro et les membres de l’INDEC, il a été déterminé que les aspects qui définissent une personne afrodescendante sont les suivants :

·Être descendant des africains emmenés en tant qu’esclaves en Argentine.

·Être africain ou descendant d’africain.

·Avoir des ancêtres noirs.

·Être ou se considérer comme noir ou afroargentin.

·Être africain dans la diaspora

{{Les noirs dans la formation de l’Argentine}}

Malgré leur réduction à l’esclavage, des témoignages de l’époque soutiennent qu’à Buenos Aires et à Montevideo, les esclaves étaient traités avec moins de cruauté qu’à d’autres endroits. José Antonio Wilde, à Buenos Aires depuis 70 ans (1810-1880) disait ceci:

{{Citation:}}

Les esclaves avaient été traités avec beaucoup d’affection par leurs maîtres, et ça n’a rien à voir avec le traitement donné dans d’autres colonies.

Cela ne l’empêchait cependant pas de reconnaitre que :

{{Citation:}}

''Les maîtresses tourmentaient plus ou moins cette portion malheureuse du genre humain (et qu’ils) étaient entre nous en général mal habillés.

Les étrangers qui venaient ont laissé la même opinion quant aux meilleurs traitements. Par exemple, Alexander Gillespie, capitaine de l’armée britannique durant les invasions anglaises écrivit dans ses mémoires qu’il fut surpris par le bon traitement qu’ils recevaient contrairement à leurs planteurs et ceux d’Amérique du Sud et poursuivait ainsi :''

{{Citation:}}

"Ces malheureux arrachés à leur terre, lorsqu’ils sont achetés Buenos Aires, le premier soin du maître est d’instruire son esclave dans la langue maternelle de l’endroit, ainsi que dans les principes généraux et sur le credo de sa foi "...."Les maîtres, d’après ce qu’on peut voir, s’occupaient également de leur morale domestique. Tous les matins avant le départ de la maîtresse à la messe, elle les femmes noires en cercle sur le sol, jeunes et vieilles, leur distribuant pour leur tâche aiguille et tissu selon leurs capacités. Toutes semblaient joviales et je ne doute pas que la réprimande pénétrait également dans leur cercle. Avant et après le souper de même qu’au dîner, un de ces derniers se présentaient pour demander le bénédicité et remercier, ce qu’on leur enseignait à considérer comme des devoirs importants et ils les accomplissaient toujours avec solennité ". Mémoires d’Alexander Gillespie, Capitaine de l’Armée Britannique

En 1801 les premières milices de noirs s’organisèrent et réglementèrent la Compañía de Granaderos de Pardos y Morenos comme un corps militaire discriminé séparé du reste.

Pendant les Invasions Anglaises (1806), s’organisa à Buenos Aires un soulèvement d’esclaves noirs encouragés par la montée de l’abolition de l’esclavage en Angleterre. Ils pensaient que l’expédition anglaise venait principalement pour leur donner leur indépendance. Mais le général anglais William Carr Beresford ne considéra pas ce mouvement avec sympathie: le porte-parole des habitants créoles de Buenos Aires Juan Martín de Pueyrredón (qui organisa la reconquêtes quelques jours plus tard), affirmait que la ruine menaçait le pays si on n’enlevait pas l’illusion des esclaves, il lui réclama des mesures en faveur de leurs haciendas et le général émit par conséquent un arrêté dans lequel il ordonnait que l’on fasse comprendre aux noirs que leurs conditions ne changerait pas (“On les a arrêté à temps se los atajó a tiempo”, écrivait Pueyrredón en juillet 1806 dans une lettre à son beau-père à Cádiz). Cette mesure contribua à la déroute des anglais, car elle incita les esclaves à combattre contre eux.

Après la défaite anglaise, le Conseil Municipal de Buenos Aires déclara comme principal objectif“de trouver le moyen de bannir l’esclavage sur notre sol ”. L’Assemblée de l’An XIII, le premier corps constituant d’Argentine décréta la liberté des ventres, mais ne reconnut pas le droit à la liberté des esclaves existants. Beaucoup d’entre eux intégrèrent les milices et les troupes irrégulières qui constitueraient possiblement l’Armée Argentine, toujours dans des escadrons séparés. Ils pouvaient, s’ils n’étaient pas bien avec leur maître, solliciter d’être vendus et même chercher eux-mêmes un acheteur.

Jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1853, la Ley de Rescate (Loi de Rachat) obligeait les propriétaires d’esclaves à céder 40% d’entre eux pour faire le service militaire. Ceux qui faisaient cinq années complètes de service obtiendraient la liberté, mais ce fut rarement le cas.

Dans l’Armée du Nord, commandée par José de San Martín et Manuel Belgrano, les noirs affranchis représentèrent jusqu’à 65% des troupes. San Martín considéra même qu’il y avait 400.000 afroamércains qui pouvaient être recrutés dans les armées de la patrie.

Les armées de l’indépendance recrutèrent la grande majorité des esclaves qui se trouvaient sur les territoires conquis aux royalistes, en leur offrant la liberté en échanges. Beaucoup d’entre eux intégrèrent le Bataillon Nº8, qui faisait partie de la ligne de choc lors de la bataille de Chacabuco au cours de laquelle ils subirent de nombreuses pertes.

Sous le gouvernement de Juan Manuel de Rosas, la population noire de Buenos Aires allait atteignait 30%. De cette époque date la célébration des carnavals sous leur forme américaine, et le développement de rythmes comme le candombe et la milonga qui deviendront des parties intégrantes du folklore argentin. On raconte que De Rosas appréciait beaucoup la population noire et qu’il assistait fréquemment aux candombes. De nombreux gaucho qui travaillaient à cette époque étaient afroargentins.

En 1837 Rosas approuva une loi qui interdisait de manière explicite l’achat et la vente des esclaves sur le territoire national et en 1840, il rendit public sa déclaration d’abolition des esclaves du Río de la Plata dans toutes ses formes. La Constitution Nationale de 1853 abolit l’esclavage, mais c’est seulement avec la réforme de la Constitution en 1860 que l’abolition sera légalement totale avec l’établissement de la liberté des esclaves des étrangers introduits par leurs maîtres sur le territoire argentin.

Domingo F. Sarmiento, défendit des idées racistes et était président durant la période à laquelle on attribue la mort massive des afroargentins

Pendant la présidence de Domingo F. Sarmiento (1866-1872) allaient se produire des faits que l’histoire traditionnelle indique avoir causé la mort massive des afroargentins: la Guerre du Paraguay (1865-1870) et l’épidémie de la fièvre jaune (1871). Sarmiento avait exprimé de fortes idées racistes et pris clairement position quant à la nécessité d’éliminer la composante afroargentine de la population.

L’un des passages fondamentaux du Martín Fierro, écrit en 1872 et considéré comme le livre national de l’Argentine se résume à deux rencontres de l’acteur avec des gauchos noirs: il assassine le premier avec un évident dédain raciste dans la première partie du livre et il engage plusieurs années plus tard une célèbre payada (joute verbale) avec l’autre qui s’avère être le fils du premier, plusieurs années plus tard soutient une fameuse.

Après l’abolition de l’esclavage, les afroargentins vécurent dans des conditions misérables et discriminés. Une preuve de cela est que, parmi les quatorze collèges existants à Buenos Aires en 1857 seuls deux admettaient des enfants noirs, malgré le fait que 15% des élèves cette année là étaient de couleur. De même, 1829 à Córdoba, seuls deux afrodescendants pouvaient intégrer les collèges secondaires chaque année; et ils n’ont eu accès à l’université qu’en 1853.

Les afroargentins commencèrent à publier des journaux et à s’organiser pour la défense commune. Un des journaux, “El Unionista”, publia en 1877 une déclaration d’égalité des droits et de justice à toutes les personnes sans importer la couleur de la peau. Dans un de ses numéros, il était écrit:

{{Citation:}}

...la Constitution est lettre morte et les comtes et les marquises abondent, suivant l’ancien et odieux régime colonial essayent de traiter leurs subalternes comme des esclaves; sans comprendre que parmi les hommes qu’ils humilient, il y en a beaucoup qui cachent sous leurs grossiers vêtements une intelligence supérieure à celle de celui qui offense.

D’autres journaux furent “La raza africana, o sea el demócrata negro” et “El proletario” (tous de 1858). Jusqu’en 1880 dans la ville, il y avait environ vingt journaux de ce type.

Du fait cette activité organisationnelle, certains chercheurs spécialistes des mouvements sociaux ont considéré que afroargentins furent ceux qui introduisirent le socialisme et l’idée de justice sociale dans la culture argentine.

{{Le Génocide Noir en Argentine}}

Ils ont également fait une incursion dans la politique. Par exemple José M. Morales, un colonel mitriste actif a réussi à devenir député provincial, membre de l’assemblée constituante et par la suite sénateur provincial en 1880, tandis que le lieutenant colonel parvint à devenir député à deux occasions et membre de l’assemblée constituante en 1853.

{{Catégories raciales coloniales}}
Pendant la Colonie, les autorités espagnoles qualifièrent comme "variétés" de "croisements" différentes les dérivations de l’union de personnes noires africaines avec des personnes d’autres origines ethniques. Les noms utilisés étaient les suivants:

Mulato (provient de “mula” : mule): croisement d’un(e) noir/e et d’un(e) blanc/he. Tercerón: croisement blanc/he et mulata/o.

Cuarterón: croisement blanc/he et tercerona/o.

Quinterón: croisement blanc/he et carterona/o

Zambos: croisement noir/e et indien/ne

Zambos prietos: qui avaient une peu noire foncée.

Salto atrás (Saut en arrière littéralement): quand un enfant était plus noir que ses parents.

Avoir un "croisement" dans son arbre généalogique était du point de vue social une tache. Ces classifications, de même que d’autres fréquentes dans la culture coloniale comme "mestizo" ou cholo, étaient utilisées pour stigmatiser les gens et empêcher leur ascension sociale. Dans certains cas, des personnalités historiques connues se retrouvèrent dans cette situation, comme Bernardo de Monteagudo et Bernardino Rivadavia, furent qualifiés de "mulatos".

{{Qu’est-il arrivé à la population afroargentine?}}

On a traditionnellement affirmé que la population noire en Argentine a diminué dès le début du XIXème siècle jusqu’à disparaitre complètement. Cependant, le recensement pilote réalisé dans deux quartiers argentins en 2006 sur la connaissance des ancêtres en provenance d’Afrique Noire a permis de vérifier que 5% de la population sait qu’elle descend d’africains et un autre 20% pense qu’elle pourrait descendre, mais le sait pas avec certitude. Si l’on prend en compte le fait que l’immigration européenne expliquait plus de la moitié de la croissance de la population argentine en 1960, certains chercheurs soutiennent que avant leur diminution, il y eut un processus d’ "invisibilisation" de la population afroargentine et des ses racines culturelles. D’autres chercheurs ont soutenu qu’il a existé une politique délibérée de génocide des afroargentins, exprimée ouvertement par le Domingo F. Sarmiento, et qui s’est exécutée par le biais de politiques répressives en utilisant les épidémies et les guerres comme outils d’extermination de masse. Les théories qui soutiennent le génocide, de même que celles qui soutiennent la diminution de la population utilisent les mêmes arguments, mais ils se différencient par l’attribution d’intentionnalité que la première attribue aux classes dirigeantes. Parmi les causes exprimées se distinguent: On a attribué à la sanglante Guerre du Paraguay (1865-1870) la diminution drastique de la population afroargentine

·les nombreuses pertes causées par les combats: les noirs faisaient partie de manière disproportionnée de l’armée argentine dans la longue et sanglante Guerre du Paraguay (1865-1870), au cours de laquelle les pertes des deux côtés durent élevées. L’historiographie officielle soutient que cette circonstance a produit la disparition de la population noire, tandis que celle qui soutient le génocide affirme que le recrutement disproportionné fut intentionnel.

·les épidémies, particulièrement la fièvre jaune de 1871: l’histoire traditionnelle soutient que les épidémies ont eu un grand impact dans les zones habitées par la population la plus pauvre, tandis que la vision qui soutient l’existence d’un génocide met en avant les mécanismes répressifs qui permirent au groupes de la classe bourgeoise de quitter les zones touchées alors qu’ils obligèrent dans le même temps les afroaméricains à rester enfermés et aggraver leurs conditions de salubrité.

·l’émigration en particulier en Uruguay, où la population noire avait été historiquement plus nombreuse et jouissait d’un climat politique plus favorable;

·l’immigration massive en provenance d’Europe entre 1850 et 1950, fomentée par la Constitution Nationale de 1853 qui multipliera rapidement la population du pays. Les immigrants européens auraient déplacés concrètement et symboliquement les noirs, en droite ligne du projet de la classe dirigeante d’européisation de l’Argentine.

Domingo F. Sarmiento, qui fut président durant la grande épidémie de fièvre jaune et la Guerre du Paraguay, des faits auquel on attribue l’extermination des afroargentins, avait une position fortement raciste et soutenait la nécessité d’éliminer la population noire. En 1848, il écrivit dans son journal de voyage aux États-Unis :

{{Citation:}}

L’esclavage aux États-Unis est un problème – une question sans solution possible; il y a 4 millions d’esclaves noirs et dans 20 ans, ils seront 8 millions. Les récupérer ?qui payera les 1.000 millions de pesos qu’ils valent? Affranchis, que fera-t-on de cette classe noire détestée par la race blanche?... L’esclavage est une végétation parasite que la colonisation anglaise a laissée accroché à l’arbre luxuriant des libertés. Ils n’osèrent pas l’arracher à la racine quand ils ont élagué l’arbre, laissant le temps le tuer, et le parasite a grandi et menace d’arracher l’arbre entier...

Quelques années plus tard, le même Sarmiento écrivait:

{{Citation:}}

"J’arrive heureux dans cette Chambre des Députés de Buenos Aires, dans laquelle il n y a ni gauchos, ni noirs, ni pauvres"

Les déclarations de Sarmiento sont un exemple de l’attitude prise par l’État argentin après l’abolition de l’esclavage, en modifiant les classifications des recensements pour qu’aucun registre de leur (les afroargentins) présence disparaissent, en éliminant les catégories de population "noire" ou "morena", pour les fusionner avec d’autres groupes sous l’étiquette de "trigueña". (''1. adj. De la couleur du blé; entre brun et blond. 2. adj. Hond. et Ven. Dit d,une personne: De race noire ou de peau sombre'').

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.