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LES INDIENS DU CANADA PREFERENT MOURIR

Par Louise Couvelaire http://mobile.lemonde.fr/
LES INDIENS DU CANADA PREFERENT MOURIR

Ils sont cinq jeunes, ce vendredi 15 avril, à avoir tenté de se suicider. La semaine précédente, ils étaient 13, dont un garçon de 9 ans, à avoir conclu un sinistre pacte : mettre fin à leurs jours. Alertées par un adulte ayant surpris leur conversation, les autorités les avaient immédiatement conduits à l’hôpital pour une évaluation psychologique.

« J’IMPLORE LE GOUVERNEMENT »

Car à Attawapiskat, on ne prend pas ce genre d’intention à la légère. Dans ce village de 2000 habitants dans le nord de l’Ontario, 86 membres de la nation Cris ont essayé de mourir en septembre dernier. Ils étaient 28 en mars. Même s’il est plus marqué chez les jeunes, le phénomène touche tous les âges, de 11 à 71 ans. Si bien que le chef d’Attawapiskat, Bruce Shisheesh, a déclaré l’état d’urgence et donné l’alarme. « J’implore nos amis et le gouvernement, nous avons besoin d’aide. J’ai des cousins et amis qui ont tenté de se suicider », a-t-il déclaré à la télévision canadienne.

Ce village autochtone n’est pas le seul à faire face à une vague de suicides. En mars, une autre tribu Cris, Pimicikamak, plus à l’ouest, dans le Manitoba, avait elle aussi déclaré l’état d’urgence après la mort de plusieurs adolescents et 140 tentatives et menaces de suicide en trois mois. Même phénomène chez les Inuits de Kuujjuak, dans l’Arctique québécois, avec le suicide de cinq jeunes, âgés entre 15 et 20 ans.

« Il y a depuis longtemps de graves questions de santé mentale et de toxicomanie dans certaines communautés. » Un porte-parole du ministère de la santé

L’Assemblée des Premières Nations, l’organisation qui représente les 634 communautés amérindiennes à travers le Canada, décrit « une tragédie nationale qui exige une action immédiate ». Sa présidente, Perry Bellegarde, a réclamé la mise en place d’« une stratégie nationale de lutte contre le suicide ». Pour l’heure, à Attawapiskat, une équipe d’intervention de crise de 18 personnes, composée de travailleurs sociaux et d’intervenants en santé mentale, a été dépêchée en urgence. « Il y a depuis longtemps de graves questions de santé mentale et de toxicomanie dans certaines communautés », a reconnu un porte-parole du ministère de la santé dans la presse canadienne.

En 2007 déjà, une étude publiée par la Fondation autochtone de guérison (aujourd’hui dissoute) avait révélé que le taux de suicide chez les jeunes autochtones du Canada (Premières Nations, Inuits et Métis) était cinq à six fois supérieur à la moyenne nationale canadienne. Des communautés par ailleurs plus exposées à l’alcoolisme et à la violence. Les conditions de vie de ces populations sont pointées du doigt. Insalubrité des abris (sans eau ni électricité), surpeuplement (les familles s’entassent souvent à quinze dans quelques mètres carrés), taux de chômage élevé (jusqu’à 80 % dans certaines réserves), isolement (la ville la plus proche d’Attawapiskat, par exemple, est à 500 kilomètres)…

LES CONSÉQUENCES D’UN « GÉNOCIDE CULTUREL »

Autant de maux qui viennent s’ajouter à un traumatisme plus ancien : des générations ont été marquées par les séjours forcés en pensionnats organisés par le gouvernement jusque dans les années 1990. Des internats destinés à « évangéliser » et « assimiler » les enfants des réserves. En décembre dernier, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a estimé que cette pratique avait constitué un « génocide culturel »…

Ce n’est pas la première fois que les tribus autochtones tentent d’alerter les autorités sur les conditions de vie déplorables des 1,4 million d’Amérindiens, Métis et Inuits qui composent un peu plus de 4 % de la population du Canada. En octobre 2011 déjà, la chef de la réserve d’Attawapiskat avait elle aussi décrété l’état d’urgence. Un an plus tard, elle avait planté son tipi dans la neige sur l’île de Victoria, près du Parlement canadien, à Ottawa, avant d’entamer une grève de la faim. Sans beaucoup de succès.

Cette fois-ci, le gouvernement de Justin Trudeau a prévu d’injecter 8,4 milliards de dollars en cinq ans pour améliorer les infrastructures, les logements et l’éducation. Dans un tweet daté du 10 avril, le premier ministre canadien a écrit que ces événements lui « brisaient le cœur » et promis d’« améliorer les conditions de vie pour tous les peuples autochtones ».

 

Par Louise Couvelaire

Post-scriptum: 
Dans le village canadien d'Attawapiskat, plus de 100 Indiens Cris ont tenté de se suicider depuis septembre. | Adrian Wyld / The Canadian Press / AP

Commentaires

Pierre Carpentier | 01/07/2016 - 05:57 :
LE SUICIDE DES JEUNES AMÉRINDIENS (NOTAMMENT DE GUYANE "FRANÇAISE") N'EST PAS DE FRAGILITÉ GÉNÉTIQUE MAIS DE RÉSISTANCE ANCESTRALE. À propos du suicide chez les jeunes amérindiens : "je vois dans cet acte, pour ma part, beaucoup plus, le signe d'une résistance extrême à refuser la soumission à l'ensemble des dépossessions acculturantes qui évacuent l'être humain de lui-même ; et ceci, en opposition à la présentation "socio-pathologique" qu'en font les médias qui diagnostiquent ces actes comme relevant d'une profonde dépression, d'un atavisme suicidaire par désarroi ou encore d'une génétique fragilité. N'oublions jamais que nos frères natifs originels ont ainsi tenu en échec l'entreprise esclavagiste, et ceci dès les premiers temps de la Conquête. Cela est évidemment d'une infinie tristesse à première vue, mais dans le même temps, il s'agit aussi d'un intime honneur où l'on décide par la violence de ne pas se soumettre. Croyez bien que je n'idéalise pas ce phénomène (historiquement tragique) de résistance au fait colonial, mais il est important, à mes yeux d'ainsi le comprendre et partant de le reconnaître ; une intuition ancestrale des moyens de se défendre chez des êtres aussi jeunes peut nous désemparer, mais, comme j'insiste à le répéter : la Conquête française de l'Amérique n'en finit pas !".

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