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Le savant métissage de la médecine traditionnelle créole

Le savant métissage de la médecine traditionnelle créole

Influences européennes, africaines, et dans une moindre mesure, asiatiques et indiennes : la médecine traditionnelle créole trouve ses fondements dans un véritable « métissage » de traditions médicales venant des quatre coins de la planète, qui ont apporté leur lot de pratiques diverses et variées.

Une médecine « métisse »

La médecine créole repose sur un processus historique et social commun aux pays d’outre-mer. Que ce soit en Guyane, aux Antilles françaises, à l’île de la Réunion ou à l’île Maurice, les sociétés créoles, et leur médecine, ont en commun une population variée, issue des brassages ethniques des populations qui ont colonisé et peuplé ces îles. La médecine traditionnelle créole se caractérise donc essentiellement par ce « brassage ».

« Les colons blancs venus de métropole, les Noirs d’Afrique, les Indiens, les Chinois ont successivement apporté leurs traditions médicales et leur métissage a donné naissance à une forme singulière de phytothérapie. La phytothérapie créole est le reflet de cet héritage africain, européen et asiatique, auquel il faut ajouter l’influence amérindienne aux Antilles et surtout en Guyane », explique Jean-Claude Autran, chercheur à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique).

La phytothérapie au cœur de la culture créole

L’essentiel de la médecine créole repose sur la phytothérapie, c’est-à-dire l’usage de plantes à des fins thérapeutiques.

Au XVIIème siècle, le Père Breton (qui est arrivé en Guadeloupe avec la première vague de colons français) s’émerveillait des connaissances de la nature des Indiens des Caraïbes : « Il faudrait avoir un grand loisir pour apprendre des sauvages les noms et vertus des plantes, des arbres et autres choses de ces terres. Ils ont sûrement de grandes connaissances dont on ne sait le nom en Europe ». Un siècle plus tôt, certaines plantes du « Nouveau Monde » commençaient déjà à être importées sur le Vieux Continent, comme le bois de gaïac pour traiter la syphilis qui faisait rage à l’époque.

Au XVIIIème siècle, chaque esclave obtient une portion de terre : ces « jardins de case » (anciennement appelés « jardins à nègre »), sont l’occasion de cultiver des plantes médicinales, contribuant à la richesse de la flore. Le pouvoir colonial tente cependant de limiter certaines pratiques médicales venues d’Afrique, afin d’éviter l’empoisonnement des maîtres par leurs esclaves… Après l’abolition de l’esclavage, les migrants indiens et chinois apportent de nouvelles plantes et de nouveaux rituels ; mais c’est l’influence européenne qui reste la plus forte dans la médecine populaire créole.

Magie et rituels

La transmission orale des connaissances des plantes de génération en génération, au sein de la famille, constitue la base de la médecine traditionnelle créole, même si celle-ci se fait plus rare. La population créole a en effet toujours recours aux plantes pour se soigner, mais l’évolution des mentalités tend à faire reculer certaines pratiques.

Et en premier lieu, les pratiques empreintes de magie, pour lesquelles les traditions africaines ont joué un rôle important. Les préparations médicinales font en effet souvent l’objet d’un rituel, et certaines plantes, dotées d’un fort pouvoir symbolique, se doivent d’être utilisées avec respect.

L’opposition « chaud/froid », fondement de la médecine traditionnelle créole

Les représentations du corps et des maladies proviennent des discours de la médecine des XVIIème et XVIIIème siècles, et d’anciennes théories dites « humorales » (Hippocrate avait déjà, en son temps, développé la théorie des quatre humeurs): la maladie serait due à un déséquilibre entre le « chaud » et le « froid ». Ce principe de « chaud/froid » sous-tend toute la médecine créole. « La plupart des remèdes de la pharmacopée populaire visent à maintenir l’équilibre chaud-froid régulé par le sang pour garder la santé. Cette approche veut que l’on traite une maladie du froid avec un remède qui réchauffe, et une maladie du chaud avec un remède rafraîchissant », explique Jean-Claude Autran.

Le dérèglement de l’équilibre du corps peut être causé par des facteurs externes (inflammation dû au soleil, ou coup de froid) ou internes (l’ingestion d’un aliment considéré comme « froid », comme le riz, l’ananas ou la banane par exemple). Le corps doit donc être « réchauffé » s’il a été « refroidi », ou « rafraîchi » si l’organisme est trop « chaud ». Certaines plantes sont ainsi considérées comme « rafraîchissantes » quand d’autres sont « réchauffantes ».

Par exemple, en cas de fièvre, la médecine créole recommande de faire transpirer le malade avec des thés réchauffants, à base de quina, de chardon béni ou encore de citron. Au contraire, les tisanes seront appelées « rafraîchissantes », préparées en infusion et bues pendant plusieurs jours.

Guérisseurs et autres spécialistes du surnaturel

Guérisseurs, apothicaires, « grandes personnes », sorciers… Certaines personnes ont acquis un savoir des plantes médicinales, et sont particulièrement sollicitées pour des maladies incurables ou « surnaturelles ». Ce sont elles qui sauront mélanger les bonnes plantes, préparer les bonnes infusions pour guérir telle ou telle maladie, et accompagner leurs remèdes de prières et d’incantations magiques.

Si la médecine créole est encore très utilisée de nos jours, la connaissance des plantes et de leur utilisation tend à diminuer, de même que le nombre de guérisseurs. La médecine occidentale occupe en effet une place de plus en plus importante au cœur de la société créole ; à la Réunion, il n’existe plus qu’une trentaine de guérisseurs.

Rationaliser des pratiques ancestrales : le défi de la médecine créole

Christian Moretti, ethnopharmacologue, explique que « le créole échange volontiers les recettes au cours d’une conversation, mais le même nom employé par les interlocuteurs peut ne pas correspondre à la même espèce ; on assiste alors à une déformation du savoir et au transfert des propriétés d’une plante à une autre ».

Ainsi, tout comme la médecine traditionnelle chinoise tente d’accélérer l’établissement de standards  notamment pour éviter la commercialisation de produits de mauvaise qualité voire dangereux -, la médecine traditionnelle créole a développé un programme de recherche (le TRAMIL) afin de « rationaliser les pratiques de santé basées sur l’utilisation de plantes médicinales ».

Et cela, dans le but de « fixer les limites entre les simple croyances et ce qui est utile et efficace ».

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