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Le rejet de nos cousins caribéens n'a pas attendu Bleu Marine

Jean-Laurent ALCIDE
Le rejet de nos cousins caribéens n'a pas attendu Bleu Marine

   Quand on lit ou écoute les cris d'orfraie poussés par certains suite aux scores réalisés par Marine LE PEN dans les dernières colonies françaises d'Amérique, on se demande si ces personnes ont la mémoire courte ou si elles refusent de regarder la réalité en face.

Car enfin, le ressentiment entre soi-disant "frères" ou "cousins" caribéens ne date pas de l'émergence sur la scène politique française de Marine LE PEN. Et ce ressentiment commence d'abord entre Guadeloupéens, Martiniquais et Guyanais, les premiers et les derniers accusant depuis des lustres ceux du milieu d'être "arrogants", "méprisants", "colonialistes" et "alliés des Békés". Accusations qui, il est vrai, ne furent pas, hélas, totalement infondées. L'histoire est passée par là : c'est le pouvoir colonial français qui avait choisi la Martinique comme centre névralgique de son entreprise coloniale et qui y avait placé ses principales administrations : Forces Armées Antilles-Guyane, Rectorat Antilles-Guyane, IUFM-Antilles-Guyane, Douanes Antilles-Guyane etc...Sans qu'elle ait jamais été consultée, la bourgeoisie martiniquaise a vu d'un bon œil ces différentes implantations d'autant que dans le même temps, et d'ailleurs plus anciennement puisqu'il faut remonter à la fin de la Révolution française, les Békés martiniquais avaient commencé à mettre sous leur coupe l'économie de la Guadeloupe et de la Guyane. Les Martiniquais, de couleur ou Békés, ont donc longtemps servi de sous-traitants du colonialisme français dans les deux autres territoires et ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes si un sentiment anti-martiniquais (qui ne fait aucune différence entre Martiniquais de couleur et Martiniquais békés) y a vu le jour et perdure aujourd'hui.

   L'impossibilité de transformer intelligemment ces différentes institutions de manière à les répartir plus équitablement entre les trois territoires et leur quasi-disparition aujourd'hui témoigne  d'une ruse de l'Histoire ou d'une victoire du colonialisme, comme l'on voudra. En effet, tant que le pouvoir colonial français avait besoin de ses sous-traitants martiniquais en Guadeloupe et en Guyane, il les a utilisés, les pressurant jusqu'à les jeter comme des pelures de citrons en pâture à la vindicte (compréhensible) des habitants de ces deux derniers territoires. Sauf que si on peut comme en Guadeloupe, dans les années 80, bloquer pendant des semaines tout un centre hospitalier pour empêcher la nomination d'un cadre martiniquais nègre qui avait pourtant réussi à un concours dit "national", personne ne peut empêcher un Béké martiniquais d'ouvrir un supermarché ou un magasin de bricolage. On pourra l'embêter, faire grève, manifester an braillant "Péyi-la té tan nou ! Béké déhò !", tout mouvement social a une fin et le Béké pourra continuer à dormir sur ses deux oreilles. Le gros perdant donc de cette sous-traitance martiniquaise quasi-séculaire est le Nègre ou le Mulâtre martiniquais, pas le Béké. En Guyane, la vindicte à leur égard atteint parfois des niveaux tout simplement hallucinants.

   Car enfin et jusqu'à preuve du contraire, ces trois territoires sont encore français et quand leurs populations se révoltent, quand elles bloquent les routes, ce n'est pas pour réclamer l'indépendance, mais bien plus de France, plus d'investissements français, plus d'argent français. Sans compter que juridiquement, "Martiniquais", "Guadeloupéen" et "Guyanais" n'existent pas ; pas plus qu'il n'existe de nationalités bourguignonne ou provençale. Dans les trois dernières colonies françaises d'Amérique, il n'y a donc que des Français, leur teint ne fut-il pas d'albâtre, et donc ceux-ci doivent pouvoir circuler librement, où ils veulent, sans s'entendre dire ou reprocher qu'ils sont Martiniquais (ou Guadeloupéen ou Guyanais). C'est là qu'intervient le compère-lapinisme : on est français, on se veut français face aux Français de France, mais quand on est face à un natif d'un territoire de l'une ou l'autre des trois autres colonies, on se découvre soudainement Guadeloupéen, Martiniquais ou Guyanais. Farceurs, va !

   Donc comment des Français, fussent-il "d'Outremer", qui ne s'aiment déjà pas pourraient-il aimer leurs voisins caribéens, anglophones et hispanophones, issu de pays indépendants ? Voire même leurs plus proches cousins par la langue et la culture que sont Haïtiens, St-Luciens et Dominiquais. Les graffitis "Ayisien déwò !" sur les murs de la Martinique, les pogroms anti-dominiquais d'Ibo SIMON en Guadeloupe, la dénonciation de "l'haïtianisation de la Guyane" viennent pourtant contredire un noirisme hautement affiché. Tout le monde n'a que les mots "Neg", "Africa" ou "Afro" à la bouche, tout le monde se vante d'être "afro-descendant" (comme si ce n'était pas le cas du monde entier puisque l'Homme est né en Afrique !), mais personne ne réagit, hormis quelques associations antiracistes, quand un Caribéen est maltraité dans nos pays. Le plus idiot est que la Martinique et la Guadeloupe, territoires à la natalité déclinante (contrairement à la Guyane) ne voient même pas le bénéfice qu'il y a à tirer de cette émigration en terme de repeuplement. Le taux de renouvellement des générations est en-dessous de la normale et la population va inexorablement régresser si rien n'est fait, mais imperturbablement, nous continuons à repousser l'immigration de gens qui nous sont les plus proches ethniquement, linguistiquement et culturellement. Toutes les prévisions statistiques montrent, par exemple, que la Martinique perdra 50.000 habitants dans les vingt prochaines années si elle conserve son taux très faible de natalité actuel. Or, qui remplira ce trou ? Qui remplacera ces personnes ? Est-ce que ceux qui votent LE PEN en Martinique et en Guadeloupe ont conscience qu'en manifestant leur refus des étrangers, ils menacent l'existence même de leur propre peuple ?

   Nous devons donc, Martiniquais, Guyanais et Guadeloupéens faire d'abord notre examen de conscience s'agissant des relations entre nos trois populations d'abord ou dans un premier temps ; repérer les dissensions ; en analyser les causes ; proposer des solutions afin d'y remédier etc... Puis, dans un second temps, nous pencher lucidement sur l'immigration caribéenne. Cela doit se faire au sein des différents partis politiques, surtout ceux qui s'affichent comme patriotes, nationalistes, patriotes, afro-centristes et autres. Car il ne faut pas compter sur les partis assimilationnistes, de droite ou de gauche, pour cela...

Commentaires

jean-michel caraibes | 11/09/2017 - 15:51 :
Excellente analyse!!!!!

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