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LE RECENSEMENT COMME OUTIL D’INSTITUTIONNALISATION DES POLITIQUES DE SEGREGATION DANS LES SYSTEMES AUTOCRATIQUES

Par SHANDA TONME
LE RECENSEMENT COMME OUTIL D’INSTITUTIONNALISATION DES POLITIQUES DE SEGREGATION DANS LES SYSTEMES AUTOCRATIQUES

C’est de l’expression de la volonté collective des citoyens à travers des suffrages libres que se bâtissent les projets de gouvernance effectivement démocratiques et nationalistes, mais c’est du refus de transparence et de clarté dans la définition et l’évaluation numérique des citoyens et groupes de citoyens, que se construisent les pires régimes autocratiques, impopulaires et répressifs qui assombrissent définitivement le destin d’une nation.

L’histoire ancienne est riche, d’un continent à un autre, d’un peuple à un autre et d’un système de gestion sociale à un autre, d’exemples de tentatives de marginalisation de groupes humains voire de leur élimination programmée, sur la base de manipulations parfois grossières qui n’ont été reconnues qu’après très longtemps.
Le recensement est ainsi par essence, un outil d’une extrême importance mais tout autant d’une extrême dangerosité si l’on convient qu’il peut servir de justification à toute sorte de politiques en temps de paix comme en temps de conflit.

{{{A – LOGIQUE HISTORIQUE ET POLITQUE}}}

Dans la phase la plus récente des situations qui ont pu retenir l’attention des analystes politiques et des préoccupations diplomatiques, on trouve la pratique des bantoustans dans l’Afrique du sud du régime d’apartheid, où le pouvoir blanc jouait des chiffres pour créditer différents groupes de Noirs de densité plus ou moins élevée, en fonction du degré de leur soumission ou de leur opposition au système.
Il est encore possible de citer l’exemple ivoirien, bien plus fraiche, où la crainte d’une démographie consistante et hégémonique du Nord du pays, est incontestablement à la source de la guerre civile que connaît le pays depuis 1999. Il est même possible d’aller chercher plus loin de nous, aux Etats Unis, lorsque l’évaluation de la densité des réserves des Indiens, est tombée dans une polémique ardue pour des raisons tenant à la volonté de cacher l’ampleur du drame de ce peuple.
En Chine, en Russie, en France, en Espagne, la résurgence des revendications nationalistes a longtemps coïncidé avec des contestations véhémentes sur le recensement des populations
Toutefois, si de façon systématique, les régimes autocratiques illuminés ou encore les régimes de dictature éclairée, ont largement contribué à créer finalement une ambiance de manipulation pour ensuite résoudre effectivement des problèmes généraux à l’échelle de tout le pays, il n’en n’est pas de même pour les régimes strictement ou essentiellement dictatoriaux ou faisant preuve d’une autocratie obscurantiste, dont les projets et les bilans établissent des finalités désastreuses.

Le contexte particulier des systèmes de gouvernance sectaires destinés à promouvoir un régime ethnocratique articulé autour de quelques fragments de populations, appelle à la déclaration dans tous les cas, d’un état d’urgence de prévention de génocide et de guerres tribales terribles à plus ou moins long terme.

Nous nous situons dans ce postulat scientifique pour estimer qu’il n’est point besoin de tergiverser sur la nature et la finalité des régimes politiques, dès lors que se manifeste à travers le recensement de la population, une volonté claire de minorer, de majorer ou d’ignorer la réalité numérique des groupes humains précis. Ce qui est en cause ne tient en rien au chantage ni à l’erreur, car il s’agit de stratégies d’institutionnalisation de ségrégations conscientes.

C’est dans cette logique que le recensement, à l’instar du sondage d’opinion, doit pouvoir livrer au commanditaire principal, le résultat souhaité, attendu et voulu.

{{{B – LOGIQUE SYSTEMIQUE}}}

Or le cas des régimes de planification des dictatures à vie, entraîne la manipulation obligée des groupes de citoyens en fonction de leurs origines tribales, dans l’optique évidente de spoliation de tel ou tel région en fonction du degré de perception de son adhésion au pouvoir établi et l’allégeance à son maître.

Le cas du dernier recensement intervenu au Cameroun ne fait pas forcément école, il se situe dans cette tradition de bêtise des systèmes de gouvernance sectaires qui se fichent de la logique cartésienne pour s’installer dans le confort d’une stratégie de pérennisation du pouvoir par l’auto proclamation.

En clair, il ne faut pas s’attendre ici comme ailleurs dans le même cas, que les données rendues publics soient conformes à l’état des lieux réels. Une intelligence primaire qui n’a pas besoin de maitrise les mathématiques et les techniques statistiques, établirait facilement que Douala et sa banlieue immédiate, vaut au moins cinq millions d’habitants. Et s’il fallait entrer dans de plus amples considérations géographiques, on ne voit pas par quel mystère la région du Centre serait plus peuplée que celle du Littoral.

Il en va de même pour le niveau de peuplement de la région du sud du Cameroun où même en incluant les hérissons, les porcs épics, les singes et les serpents, la densité de population présentée est tout simplement insoutenable. On comprend qu’il faut donner à la région du président, un maximum d’élus, donc de pouvoirs législatifs. Mais qu’en sera-t-il plus tard, sous un autre régime ?

La tradition des systèmes de mauvaise gouvernance qui induit les régimes autocratiques peu enclins à jouer le jeu de la vérité lorsqu’il faut chiffrer les citoyens et groupes de citoyens, est toujours annonciatrice de catastrophes lorsqu’elle est extrapolée grossièrement dans son application et son vécu objectifs.

Gagner une élection qui n’a qu’un statut passager dans l’agencement de l’histoire d’un pays vaut-elle franchement de telles manipulations ? Ce qui pointe à l’horizon pour des générations souvent nourries de haines et de désirs de vengeance, c’est la révolution et la destruction physique subséquentes des auteurs de telles grossièretés. Il faut croire que les gouvernants accrochés aux pouvoirs sales et illégitimes ne craignent plus finalement, qu’ils soient Noirs, Blancs ou Jaunes, la colère des lendemains de remise en cause brutales.

{{{C – INEVITABLE REMISE EN CAUSE}}}

A ce propos, la résonnance des procès en cascades qui secouent l’Amérique Latine, devrait freiner les ardeurs de quelques fous qui sur le continent, s’évertuent à cafouiller le destin des peuples en posant des actes d’une immoralité et d’une logique politique purement insoutenables.

L’Argentine vient de condamner très sévèrement un des derniers responsables des années de dictature sanguinaire qui se croyait à l’abri. Hélas, il faut pouvoir et sans doute savoir aussi, traduire ce message aux gouvernants insensés qui ont fait de l’Afrique, une terre de voyous où un entrepreneur européen peut se voir attribuer sans consultation populaire, des concessions de plusieurs décennies sur le patrimoine national.

Le cas de Vincent BOLLORÉ dans les ports et les chemins de fer africains est devenu pathétique et il faut justement craindre dans cette perspective, des violences infinies à terme.

En fait, les pouvoirs illégitimes, lorsqu’ils planifient leur pérennisation dans les affaires, font appel au recensement comme outil fondamental d’affirmation et de consécration des pôles de populations utiles. Or ces pôles de populations concourent à la validation de la tricherie, des actes vexatoires, des fuites des capitaux, et la braderie aux mains de réseaux étrangers véreux, des biens du pays.

Lorsque les pouvoirs illégitimes réussissent à circonscrire la citoyenneté pour la ramener à l’affaire de quelques groupes serviles, le drame à long terme s’installe inéluctablement. Les voies de la réparation sont toujours plus douloureuses, et seules des arbitrages difficilement imaginables, aboutissent à ramener le pays vers un destin institutionnel honnête et transparent.

La Côte d’Ivoire est partie pour être bloquée pendant longtemps encore, parce que le régime de Laurent GBAGBO n’est plus ou pas disposé, en fait il n’a jamais été disposé, à accepter un recensement consacrant l’hégémonie de la partie nord du pays.

Cette logique ne menace pas seulement le Cameroun, elle bloque aussi le Cameroun avec en prisme, l’éternelle équation Bamiléké vécue et planifiée comme la bombe de toute alternative dans le contexte d’une logique de transparence. Le recensement en établissant la densité de la région de l’Ouest au plus bas niveau, vise d’abord à justifier la politique de marginalisation cruelle voire brutale qui a abouti en un quart de siècle, à l’élimination systématique et graduelle des Bamilékés principalement des grands corps de l’Etat.

De 13% dans les premières données des lendemains de l’indépendance, leur valeur chiffrée devrait dans cette logique descendre à moins de 10%. Il est d’ailleurs déjà de 5% à 7% dans le nombre des Hauts responsables des administrations publiques et para publiques.

Au Rwanda, le régime de Paul KAGAMÉ qui a fait de la mémoire du génocide de 1994 un fructueux fond de commerce, cherche désespéramment à éliminer toute référence à l’appartenance ethnique non dans l’intention de promouvoir une haute idée de la république, mais simplement pour contenir toute exigence de réalisme politique qui obligerait à imposer une gestion effectivement démocratique du pouvoir.

En fait face aux quelques 90% de Hutus, les Tutsis du président par ailleurs habile manipulateur, n’ont aucune garantie de conserver un pouvoir acquis au prix du sang. Dans ce contexte aussi, le recensement est proscrit, d’autant plus qu’il s’avère impossible de travestir un écart aussi important entre des groupes humains dans le même cadre national.

Dans tous les cas, les politiques de planification de la ségrégation par le recours à des recensements orientés et préalablement formatés rejettent la compétence et le mérite pour privilégier la tricherie, la corruption, et la concussion, au nom des fratries ou des relations subjectives extravagantes.

En tout état de cause, il n’est ni ingénieux ni avisé, de porter contradiction à un recensement sans appréhender au préalable les motivations et les buts poursuivis par le commanditaire. L’histoire sur ce plan se répète avec une fidélité incontestable et il revient aux analystes de savoir tirer les conséquences qui s’imposent à eux avec éloquence.

Lorsque l’on se penche avec plus de pragmatisme et surtout plus d’intelligence politique sur la question, la conclusion logique est que tous ces régimes attardés son loin de servir leur cause. Rien ne montre que les groupes de citoyens en temps de démocratie réel, choisiront forcement des fratries subjectives pour ne pas dire négatives à la place des programmes politiques.

Le recours à la manipulation du recensement comme outil de préparation de la stabilité du pouvoir politique est un vrai non sens dès lors que le but établi est la réalisation du bonheur des citoyens. Il faut donc convenir sinon redire, que c’est l’obscurantisme et une insuffisante formation culturelle, politique et économique qui produit ces régimes.

Le cas de la Côte d’Ivoire témoigne assez bien de la pertinence de cette observation. Rien dans la gestion politique du président du pays, n’a préparé des lendemains heureux et harmonieux après sa disparition. Tout le montage institutionnel depuis l’indépendance a été articulé autour de sa personne, présentée à son peuple comme un messie irremplaçable.

Il y a donc lieu de conclure que tout était également fait pour conduire à des crises ultérieures de nature à justifier l’obscurantisme et l’autoritarisme antérieurs. En somme, le refus de bâtir des institutions viables appuyées sur le consentement des citoyens abouti à la planification à long terme, d’un destin travesti en permanence par des groupes, des clans ou des sectes avides de pouvoirs et partant, disposés à prendre tous les risques, y compris celui de l’élimination d’une partie de la population.

Le recensement frauduleux devrait, au regard de toutes les menaces qu’il charrie pour la paix et la sécurité internationales, être considéré comme un acte grave constitutif de crime contre l’humanité./.

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