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L'autosuffisance alimentaire aux Antilles : mythe ou réalité à travers l'exemple de Cuba ?

Jean-Marie Nol
L'autosuffisance alimentaire aux Antilles : mythe ou réalité à travers l'exemple de Cuba ?

 L'autosuffisance alimentaire est-elle une chimère en Martinique et en Guadeloupe comme le montre l'exemple actuel de Cuba ?  

  Le président cubain Miguel Diaz-Canel a accusé lundi le gouvernement américain de mener « une politique d’asphyxie économique pour provoquer des troubles sociaux » et « un changement de régime » sur l’île, au lendemain de manifestations historiques contre le gouvernement. Dans une allocution retransmise à la télévision et à la radio, le gouvernement cubain s’est dit prêt à défendre la révolution « coûte que coûte ». Malgré les projets politiques mis en place par le régime révolutionnaire, Cuba n'a jamais pu prétendre à l'autosuffisance alimentaire. Après la chute de l'URSS et la fin de l'aide soviétique, le seul moyen pour nourrir les Cubains était d'acheter des ressources sur le marché mondial. L'autonomie alimentaire est la capacité à générer des revenus suffisants, grâce à l'agriculture et à d'autres activités non agricoles, pour répondre aux besoins alimentaires d'une population. Actuellement pour l'alimentation de sa population, Cuba dépend à 70% de l'extérieur. Les Cubains ont faim ! Aujourd'hui, Cuba est au bord du gouffre alimentaire. Les mesures anticastristes de Donald Trump, la crise sanitaire et la désorganisation d’un système à bout de souffle ont plongé l’île dans un marasme sans nom. La Havane n’est plus qu’une immense file d’attente, en quête désespérée d’un peu de nourriture, d'où l'explication en partie des manifestations aux cris de "à bas la dictature" d'une partie de la population actuellement en cours sur l'île. Cette explosion sociale qui se déroule présentement à Cuba est le reflet de ce que j'écrivais dans mon dernier article. Je cite... "les économistes redoutent une explosion de la colère sociale, ainsi dans plusieurs travaux récents, les économistes de l'OCDE et du FMI rappellent que la montée de la pauvreté, du chômage et des inégalités risque d'exacerber les troubles sociaux partout sur la planète. Les deux organisations tirent la sonnette d'alarme sur les risques liés à cette aggravation des mécontentements. Le basculement dans l'extrême pauvreté de millions de personnes et la destruction d'un grand nombre d'emplois en seulement quelques semaines du fait de la pandémie du Covid va exacerber les risques de tensions particulièrement dans les pays pauvres et les pays en développement parfois minés par des années de marasme économique et d'instabilité politique. De multiples ingrédients détonants montrent qu'une explosion sociale suivi d'un désordre économique et politique peut survenir dans plusieurs pays dans les prochaines années." La pandémie a plongé l'île dans une grave crise économique. Chaque jour, la population cubaine doit patienter de longues heures dans les files d'attente pour s'approvisionner en nourriture et est aussi confrontée à une pénurie de médicaments, ce qui a généré un fort malaise social. Les difficultés économiques ont également poussé les autorités à couper l'électricité plusieurs heures par jour dans une grande partie du territoire…vu le contexte délétère, le régime Cubain risque de tomber comme un fruit mur si la Russie et la Chine n'interviennent pas rapidement pour apporter une aide économique massive à Cuba en proie à la famine et aux restrictions de tous ordres. L'idéologie communiste est à bout de souffle avec la fin de la génération des frères Castro. Le mécontentement de la population est grandissant et le régime autoritaire en place ne fait plus recette. L’équation de l'autosuffisance alimentaire a été récemment reposée par les nationalistes des deux îles mais également par d'autres personnes lors des dernières élections territoriales et régionales. La crise du chlordécone et du coronavirus a braqué les projecteurs sur notre système alimentaire. 

  Nos habitudes de consommation ont été bousculées, mais le resteront-elles dans la durée ? Est-ce l’aubaine de donner un coup de fouet aux circuits courts et aux productions locales ? 

  La réalité est bien plus cruelle car une chose est sûre : en ces temps troublés, l'autosuffisance alimentaire de la Martinique et la Guadeloupe risque de n'être qu'un mot creux, et pour cause aujourd'hui la déconfiture de l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne est très préoccupante. Les très fortes densités humaines (plus de 400 hab./km² à la Martinique par exemple), les activités touristiques qui se développent sur les littoraux, les zones industrialo-commerciales qui colonisent les surfaces planes des îles, une urbanisation appuyée sur des systèmes de défiscalisation rongent dramatiquement l'espace agricole et mettent en péril l'activité même des agriculteurs. La spéculation foncière se fait au détriment de l'agriculture.
  Chaque année entre 1000 et 1500 hectares de terres arables disparaissent tant en Martinique qu'en Guadeloupe. Dans ces conditions les agriculteurs surtout les jeunes et les plus démunis ont beaucoup de difficultés à s'installer. Le phénomène est d'autant plus épineux et porteurs de revendications voire d'exaspération que le chômage atteint plus de 26 % de la population active (atteignant près de 60 % des jeunes de moins de 25 ans).
  Nonobstant le déni de réalité de certains esprits chagrins nostalgiques d’un passé révolu, nous sommes déjà confrontés, à une crise systémique, structurelle et durable de l’agriculture en Martinique et Guadeloupe. La canne à sucre et la banane, les deux productions des îles, sont en sursis. Quant aux cultures fruitières et maraîchères, elles ne parviennent pas à couvrir les besoins des habitants. Chaque année, les deux îles des Antilles françaises doivent importer environ 35 000 tonnes de fruits et de légumes. Il faut noter un déclin progressif de l’activité agricole devant la très rude concurrence des pays de la Caraïbe, d’Amérique latine et d’Afrique, et ce à cause du faible coût de leur main d’œuvre. Les cultures vivrières sont quasiment inexistantes et peinent à alimenter le marché local à des prix compétitifs. Cette dernière spéculation agricole n’est d’ailleurs plus l’apanage des martiniquais et guadeloupéens, quand on sait que 90 % de la production agricole et de la commercialisation des fruits et légumes en Guadeloupe est actuellement concentrée entre les mains des ressortissants haïtiens. En effet, très rare sont les martiniquais et guadeloupéens qui veulent travailler la terre. Et on parle de développement endogène mais posons-nous la question au profit de qui ? ….. La réalité des choses est que le secteur agricole survit tant bien que mal, aujourd’hui en Martinique et en Guadeloupe, grâce aux subventions venant de l’Europe (Posei). C’est pour ces motifs que nous considérons l'autosuffisance alimentaire comme une chimère et que nous devons de nouveau méditer l'adage suivant :
 
  "Le pessimiste se plaint du vent ; l’optimiste espère qu’il va changer ; le réaliste ajuste ses voiles".
 
   Jean marie Nol, économiste 

Commentaires

tiburce | 13/07/2021 - 15:40 :
L'autosuffisance alimentaire peut s'envisager à deux niveaux. Au niveau individuel : j'ai mon jardin créole, mes poules et ma canne à pêche, ça me nourrit, sans que j'aille au marché, encore moins au supermarché. Au niveau d'un territoire : la nourriture consommée dans le territoire est celle que ses habitants produisent, sans apports extérieurs. Le territoire peut être une région, un pays, une alliance de pays et, bien sûr, le village planétaire. L'autosuffisance dont il est question dans l'article concerne les îles, singulièrement la Martinique, en partant de l'échec cubain. Dans ce cadre, la nourriture que consomment les îliens est celle qu'ils ont eux-mêmes produite, par culture (ou cueillette), élevage (ou chasse) et aquaculture (ou pêche). Cette nourriture est consommée selon les besoins, avec quelques réserves mises de côté pour parer aux aléas. Le Temps de l'Amiral Robert a montré que l'affaire n'est pas impossible. Certes, la faim a régné pendant cette période mais les Martiniquais ont survécu. Dans un autre contexte, avec un Gouvernement démocratique et la volonté de la population, on peut imaginer que le projet réussisse, sans affamer personne. Pour cela, il faut non seulement les ressources naturelles nécessaires et suffisantes mais aussi une main d'oeuvre volontaire pour les exploiter et l'assentiment de la population pour ne consommer que la nourriture ainsi produite, quels que soient son prix de revient et sa variété, forcément réduite. Autant dire que ça implique une révolution copernicienne des habitudes alimentaires des Martiniquais, nouvelles (le fast-food à l'américaine) comme anciennes (la morue des mers du nord). Pour ma part, mon déjeuner s'est composé aujourd'hui d'un bifteck congelé importé, d'une boîte importée de macédoine de légumes et d'un bout de pain de farine de blé importée. Il n'y avait que l'eau de source qui était locale et encore était-elle dans une bouteille en plastique importé. En ce qui concerne Cuba, l'échec de la Révolution castriste reste problématique sur ce point. Le régime alimentaire de 1959 était frustre. Le nouveau régime n'était pas rejeté. Et le blocus américain constituait un facteur favorable. Et pourtant.
Seydou Konate | 13/07/2021 - 15:19 :
Excellent article qui pose très bien les problèmes:1) Contrairement à ce que racontent depuis des décennies les procastristes ,les difficultés notamment alimentaires de Cuba ne sont pas seulement dues à l 'embargo (bien que ce denier les aggrave ) ,MAIS AUX TARES CONGENITALES DU COMMUNISME, observables dans TOUS les espaces conquis par lui au 20ème siècle: Allemagne de l'Est en 1953,d'où le pont aérien vers Berlin en 1953, Ethiopie des années 1980 ,d'où la famine de 1984 etc..(.je m'arrête par charité ...)Pour résumer :dans sa volonté d'administrer l'économie et donc l'agriculture ,le communisme EMPECHE AUX PAYSANS DE PRODUIRE DES PRODUITS ALIMENTAIRES EN FONCTION DU RAPPORT OFFRE/ DEMANDE .Ca part d'un sentiment honorable ,certainement mais au final le résultat est catastrophique. C'est pourquoi partout où on a décommunisé (et Cuba décommunisera tôt ou tard, Américains ou pas !! ) ON A COMMENCE PAR L'AGRICULTURE (Chine ,Cambodge ,URSS etc...) 2)Je suis également très sceptique sur l'autonomie alimentaire ,notamment pour les raisons que vous indiquez :perte des surface agricoles ,spéculation etc...mais PIRE: les gens qui prétendant promotionner l'autosuffisance alimentaire ne se rendent pas compte que CERTAINES DE LEURS ACTIONS OU PRISES DE POSITION AGGRAVENT CETTE DEPENDANCE CONTRE LAQUELLE ILS DISENT LUTTER.Je m'explique. Certains partis politiques et syndicats, veulent ,disent-ils préserver les terres agricoles .Très bien .Mais en même temps ,ils se battent pour la construction /reconstruction de nouveaux hôpitaux (Trinité ,St-Esprit etc...).Où seront-ils reconstruits avec leurs immenses parking? EVIDEMMENT ,SUR LES TERRES AGRICOLES QU 'ON DIT VOULOIR SAUVEGARDER les réduisant encore plus 3) Le pire c'est que cette frange de partis/syndicats est absolument INCAPABLE DE PERCEVOIR INTELLECTUELLEMENT les contradictions liées à ces prises de position antinomiques et donc poursuivent obstinément dans les voies qu'ils ont tracées, malheureusement pour la Martinique qui disparait sous le béton.
tiburce | 14/07/2021 - 14:45 :
Cuba n'a pas réellement cherché à réaliser l'autosuffisance alimentaire. C'est la principale raison de son échec. Après avoir chassé l'impérialisme américain, le pays s'est jeté dans les bras de l'impérialisme soviétique. Dès lors, Cuba devint une pseudo-colonie de l'URSS, y exportant du nickel et du sucre, contre tout le reste : pétrole, biens alimentaires, équipements industriels, armement, etc. L'URSS fut généreuse, Cuba étant la vitrine américaine de son régime politique. Ce qui eut des effets bénéfiques : développement de la santé publique, alphabétisation, alimentation correcte de la population (malgré le rationnement). Sur ce dernier point, il n'y avait nulle quête d'autosuffisance. La culture de la canne à sucre était privilégiée et 80% de la nourriture importée. La chute surprise de l'URSS a laissé le pays complètement démuni, dirigé par une bureaucratie parasitaire et pléthorique. La Révolution fut dès lors synonyme de marasme, sans perspective claire d'en sortir. D'où une forte corruption intérieure et une prostitution galopante. De voyage à Cuba, je fus sollicité en des lieux inattendus : au musée par la gardienne, au zoo par une maman qui promenait ses enfants, etc. Un espoir est venu de la coopération avec le Venezuela d'Hugo Chavez, vite éteint. Maintenant, la Covid-19 torpille les entrées touristiques de devises. Au total, la mise à l'écart des Etats-Unis, acte fondateur de la Révolution, s'est transformée en une obsession de ce pays, dans un grand-écart psychique impressionnant.

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