La Martinique n'est pas à un paradoxe près : en effet, quand elle était une colonie (avant la loi de départementalisation/
Or, qu'est-ce qu'un homme politique, sinon quelqu'un capable d'avoir une vision et qui dit vision dit capacité à considérer les choses non pas dans leur immédiateté, non pas dans les deux, trois ou cinq prochaines années, mais bien sur vingt, voire trente ans. Très rares furent et sont les hommes politiques antillais à avoir eu une vision et VALENTINO, injustement méconnu aujourd'hui, fut de ceux-là. Il fut en tout cas plus visionnaire que CESAIRE. Alors bien sûr, on viendra nous dire qu'avant la loi de départementalisation, la majorité des gens vivaient dans des cases sans eau ni électricité, que l'accès au soins était difficile, que les enfants n'allaient pas à l'école au-delà du Cours Moyen 2è année, qu'il n'y avait ni Sécurité sociale ni allocation-chômage etc..., cela est vrai, mais à Barbade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent ou Grenade aussi. Or, sans aucun Papa Blanc ni Mère Patrie européenne, sans loi d'assimilation, ces pays, comparables aux nôtres à tous points de vue, on su, au fil des décennies, avec beaucoup de difficultés certes, progresser, se développer, construire des routes, des écoles, des hôpitaux etc. et donner un niveau de vie relativement correct à leurs populations.
D'aucuns objecteront qu'hormis Barbade, toutes les îles qui nous entourent sont sujets à une très forte émigration parce qu'elles "prennent du fer". Sans blagues ! Et Les 350.000 Martiniquais installés en France à partir de 1960 et du BUMIDOM, ce n'est pas de l'émigration peut-être ? Ce n'est pas de l'émigration forcée faute de trouver du travail en Martinique ? Il y a quasiment une deuxième Martinique, démographiquement parlant, dans l'Hexagone et si la loi de départementalisation/
Il y a donc urgence à chercher les voies et moyens de sortir de cette dangereuse situation et l'Autonomie aurait pu être un moyen de réorienter notre économie, de définir de nouvelles priorités et de poser les bases d'un nouveau contrat social. A condition d'aller voir comment font les régions ou les nations autonomes. Ce qu'aucun parti dit autonomiste n'a jamais fait ! Car nous n'allons pas réinventer l'eau chaude. Il y a cent exemples de nations autonomes de part le monde que ce soit sur le continent américain (Puerto-Rico, La Nation Lakota aux Etats-Unis ou les Eskimos de l'état du Nunavut au Canada), sur le continent européen (Ecosse, Groenland, Pays basque, Galice, Catalogne), sur le continent asiatique (Tibet et Xin-Kiang en Chine, états de l'Inde) mais, hélas, pas sur le continent africain (d'où les tensions, voire les guerres en Casamance, région sud du Sénégal, dans l'Azawad, région nord et peuplée de Touaregs du Mali ou encore au Cameroun anglophone). En tout cas, l'exemple des différentes nations autonomes peut nous être utile, sans copier qui que ce soit puisqu'à chaque pays correspond une trajectoire historique particulière.
Or, que constatons-nous ? Qu'à chaque moment de crise historique, nos grands autonomistes "ont fait derrière", comme on dit en créole, on battu en retraite, et se sont couchés devant le Papa Blanc. Que ce soient lors des événements de Décembre 59, de l'affaire de l'OJAM, de la crise de février 74 ou celle de la banane lorsque les planteurs occupèrent l'aéroport (cf. l'excellent ouvrage de Guy FLANDRINA, Les Bananiers de la République), ils n'ont jamais essayé d'en profiter pour faire avancer quelques pions autonomistes sur l'échiquier politique. Le comble de l'ignominie a été l'autopsie suspecte d'ILMANY, ce jeune homme qui, pendant les événements de Février 74, avait été retrouvé tabassé à mort sur une petite plage rocheuse du Lorrain. Il ne faisait et il ne fait aucun doute pour personne qu'il s'agit là d'un crime d'Etat c'est-à-dire commis par les forces qui ne peuvent être actionnés que par lui, mais nos autonomistes n'ont pas eu le courage de le dénoncer. Au contraire, ils ont cautionné une autopsie déculpabilisatrice afin, dirent-ils, de ne pas "envenimer la situation", ce qui a bien arrangé l'Etat en question. Il est vrai que les même avaient déjà baissé leur culotte lors de l'assassinat par les CRS de trois jeunes Martiniquais en Décembre 59 alors même qu'une résolution avait été votée à l’unanimité par les élus du Conseil général, toutes tendances confondues. Le 24 décembre 1959 au matin, ceux-ci demandèrent en effet "que des conversations soient entamées immédiatement entre les représentants qualifiés des Martiniquais et le Gouvernement pour modifier le statut de la Martinique en vue d’obtenir une plus grande participation à la gestion des affaires martiniquaises".
Evidemment, cette belle résolution demeura lettre morte car nos Autonomistes ne firent rien, absolument rien, pour essayer de lui donner une traduction concrète. L'emprise assimilatrice se renforça même après 1959 et la Martinique du attendre comme n'importe quelle région du territoire hexagonal la fameuse loi dite de décentralisation ou Lois DEFERRE de 1982 (sous le gouvernement de Pierre MAUROY) pour voir le carcan parisien se desserrer un petit peu. D'ailleurs, toutes les autres avancées décentralisatrices qui ont été obtenues par la suite (avancées modestes à cause du caractère farouchement jacobin de l'Etat français depuis la Révolution française) sont venues de l'Hexagone et pas d'un quelconque combat autonomiste mené à la Martinique. La Corse qui ne se trouve qu'à quelques encablures du continent est plus autonome que la Martinique ! Et les Corses n'ont jamais cessé de grignoter du pouvoir, année après année, décennie après décennie. Aujourd'hui, par exemple, l'Assemblée de Corse a voté un texte qui stipule que toute personne voulant acquérir un terrain se doit d'avoir vécu les 5 dernières années en Corse. En Martinique, n'importe qui peut acheter n'importe quel terrain sur Internet depuis n'importe quel endroit du monde sans avoir jamais mis les pieds dans l'île aux fleurs !!! Vive l'Autonomie, n'est-ce pas ?
Le clou, le pompon de la reculade en matière d'autonomisme fut évidemment le fameux "Moratoire" décrété par Aimé CESAIRE au lendemain du vote massif des Martiniquais en faveur de Valéry GISCARD D'ESTAING lors de l'élection présidentielle de 1981 alors que l'Hexagone venait d'élire François MITTERRAND. Reculade qui suscita la colère dévastatrice du militant indépendantiste Guy CABORT-MASSON qui, pastichant la fameuse "LETTRE A MAURICE THOREZ" du même CESAIRE adressé en 1956 au secrétaire général du PCF en 1956 suite à l'invasion de la Hongrie par l'Union soviétique, écrivit une "LETTRE A AIME CESAIRE" restée célèbre. Car rappelons les mots du Nègre fondamental en ce 29 mai 1981, dans la cour de la mairie de Fort-de-France, quand il prononça le fameux « Discours du Moratoire » : « Nous sommes en train de nous séparer du peuple, il faut que nous mettions une sourdine à la revendication institutionnelle, il faut que l’on parle d’avantage des problèmes de tous les jours » affirme le chantre de la négritude. « Camarades, vous savez ce qu’est un moratoire ? C’est un arrêt provisoire, c’est une suspension. Je n’ai pas dit suppression, j’ai dit une suspension… Je proclame ce soir et jusqu’à nouvel ordre, je proclame solennellement un moratoire politique, concernant le problème du statut juridique ».
On aura compris qu'en Martinique, nos autonomistes sont faits en chrysocale. Leur mot d'ordre n'est qu'un hochet qu'ils agitent de temps à autre pour se donner une contenance, leur unique objectif étant de se faire élire conseiller, maire, député ou sénateur et de bénéficier des avantages afférents à ces différents postes politiques. Le "peuple" et la "nation", mot dont ils se gargarisent sur les tréteaux électoraux, attendront. Jusqu'à quand ?
Jusqu'à lanné kannel...
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