Depuis le 25 janvier 2011, déclaré « Jour de la Colère égyptienne » contre un pouvoir tyrannique et corrompu, les événements en Égypte se sont accélérés. Les jours suivants, le soulèvement populaire a semblé sur le point d’atteindre ses objectifs de changement et de renversement du régime. Mais celui-ci n’a rien voulu changé aux méthodes qui étaient les siennes, usant de la répression sécuritaire, manœuvrant et louvoyant, promettant des réformes jusqu’ici incapables de convaincre le peuple égyptien. Compte tenu de la place, du poids stratégique et du rôle de l’Égypte dans son environnement régional, ce soulèvement populaire définira l’avenir de la région. S’il atteint ses objectifs, comme l’espère l’ensemble des peuples arabes, on pourra affirmer en toute confiance que la région aura ouvert à deux battants les portes de la liberté, et que le despotisme qui a si longtemps écrasé sous son poids la région et ses populations a définitivement pris ses cliques et ses claques et tourné les talons.
Précédé de celui de la Tunisie, le soulèvement de l’Égypte impose à nos peuples et à nos forces démocratiques de faire une pause pour étudier, déduire et agir. Cette pause a pour objectif d’approfondir la discussion sur cette Intifada, examiner la probabilité de la voir se développer et gagner d’autres pays arabes aspirant à agir à leur tour, parmi lesquels figure la Syrie.
La première constatation, c’est la similitude existante entre les régimes arabes, du point de vue des structures, des méthodes et des objectifs. Si des différences existent entre un régime et un autre, elles sont de degré et non pas de nature. Tous les régimes au pouvoir au cours des cinq décennies écoulées ont été des dictatures militaires. Elles ont imposé une autorité despotique fondée sur la sécurité. Elles ont été dirigées par une junte, par une famille, parfois par un complexe économico-sécuritaire. Le meilleur exemple en est l’Égypte. Ces régimes imposent un état d’urgence définitif, des tribunaux et des lois d’exception. Ils oppriment la société et la spolient. Ils confisquent les libertés, propagent une corruption active et passive méthodique. Ils se flattent de leurs réalisations et mettent en exergue une stabilité trompeuse. Ils s’organisent de manière à rester au pouvoir le plus longtemps possible, sous le couvert de protections extérieures acquises de différentes façons, qui leur laissent tout loisir, à l’intérieur, de paralyser les citoyens, de les terroriser et de les dépouiller, sans qu’aucune considération d’aucune sorte ne puisse les en dissuader. C’est pourquoi, comme l’expérience l’a démontré, ces régimes n’évoluent pas jusqu’à leur disparition. Ils refusent toute ouverture, toute participation, tout changement. Rien ne le montre mieux que la transmission immédiate ou différée du pouvoir par héritage. Ces régimes ont placé nos États en situation d’échec actuel ou à venir.
La seconde constatation est que ces soulèvements populaires spontanés, qui expriment des revendications de changement dans le cadre de la patrie, sont dépourvus de tous slogans spécifiques, qu’ils soient nationalistes, gauchistes ou islamistes, ou qu’ils concernent l’opposition à l’impérialisme et à Israël. Le message que cette situation véhicule est donc clair : le peuple a décidé de focaliser son affrontement d’abord et avant tout sur le régime despotique et corrompu. Il s’agit de révolutions dans le cadre de l’État national, pour exiger les libertés, la démocratie et la justice.
La troisième constatation concerne les oppositions arabes. Elles ont souffert durant des décennies de restrictions, de marginalisation et d’emprisonnement. La contraction du champ politique et l’impossibilité de communiquer avec la société et les générations montantes ont fait d’elles des forces symboliques. Les calculs politiques dans lesquels elles se sont noyées ont altéré le sentiment de leur responsabilité nationale et morale vis-à-vis des populations.
Nous pensons que ces forces d’opposition ne seront en mesure de retrouver leur rôle effectif qu’en remettant en question leurs méthodes, leurs programmes et leurs mécanismes d’action dans la société, et qu’en œuvrant à renouer les liens avec les générations montantes. Nous croyons aussi que l’évolution du mouvement social doit donner naissance à de nouvelles forces politiques en harmonie avec les changements en cours dans la région.
Réfléchir sur les soulèvements égyptien et tunisien conduit nécessairement à s’intéresser à la situation en Syrie, qui est l’une des plus critiques du monde arabe. Elle se caractérise par la fermeture de tous les horizons, l’insistance du régime en place à poursuivre dans la voie despotique qui est la sienne, et la détérioration des conditions de vie des Syriens induite par la corruption, le pillage organisé des ressources et l’échec du développement.
La tyrannie exercée par le régime syrien pendant ces dernières décennies est exceptionnelle. A travers son système de sécurité et sa politique discriminatoire, il est parvenu à déchirer le tissu national syrien. Il a renforcé les inégalités internes. Il a semé et ancré la culture de la peur dans l’esprit du peuple syrien. L’histoire moderne de la Syrie prouve que le peuple syrien, son indépendance acquise, a été l’un des pionniers de la construction d’un modèle national démocratique. Les Syriens sont aujourd’hui capables de rattraper le temps perdu et de réaliser le changement national démocratique dans leur pays.
Observant de près le soulèvement en cours en Égypte et convaincu de son succès, la « Déclaration de Damas » incite le peuple syrien à suivre les évènements qui se déroulent dans la région. Il doit faire confiance aux jeunes générations et à leur capacité de mener à bien le changement que ce peuple veut.
Vive les soulèvements égyptien et tunisien.
Vive la Syrie libre et démocratique.
Déclaration de Damas pour le Changement national démocratique.
Signataires :
M. Abdel Hamid AL ATASSI
M. Said LAHDO
M. Kamiran HAJO
M. Kamiran HAJ ABDO
M. Anas AL ABDEH
M. Mohammad JAMALEDDIN
M. Mohammad ZOUHEÎR AL KHATIB