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L'affaire du CEREGMIA : une tragédie tropicale.

Roland Davidas
L'affaire du CEREGMIA : une tragédie tropicale.

   Les récentes déclarations de l'avocat de l'université des Antilles nous ont ramenés à une tragédie classique : celle d'Hamlet de William Shakespeare.

   Nous avons pensé notamment à la fameuse réplique de Marcellus qui s'exclame à la fin de la scène IV de l'Acte I : « Il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark ». Cette réplique devenue culte explique tout le drame d'Hamlet. Elle éclaire aussi notre tragédie tropicale, à savoir l'affaire du CEREGMIA.

   La  réplique de Marcellus arrive au moment où le jeune prince s'apprête à découvrir que la trahison et le meurtre règnent à la cour et que derrière les apparences de l'ordre et de la grandeur sévit une corruption généralisée. On assiste alors à l'altération progressive et inéluctable des êtres et la force de vie, en grec -genesis- laisse peu à peu la place à son pendant-, la phtora-, c'est-à-dire la décomposition : « Oh! mon crime est fétide! Il sent jusqu'au ciel » s'écrie Claudius en évoquant la dimension sacrilège du meurtre du roi du Danemark, le père d'Hamlet.

  Les récentes déclarations de l'avocat de l'université des Antilles, ainsi que toute l'affaire du CEREGMIA nous laissent penser qu'il y a également quelque chose de pourri dans le royaume de l'université des Antilles. Cette affaire constitue en effet un scandale financier retentissant doublé d'une tragédie morale et spirituelle : l'oubli de l’Être au profit de l'Argent. C'est d'argent dont il est question dans cette affaire, mais c'est du sort de l'Homme dont il s'agit.

   Comment relier alors, le retour éventuel des personnes mises en cause du CEREGMIA à de « l'apaisement » ? Ces déclarations sont surprenantes et révoltantes. Elles donnent le sentiment que l'Ethique, le Droit et la Justice sont piétinés et que l'Orgueil et le Mépris peuvent triompher.      

   L' « apaisement » proposé par l'avocat de l'université est incompréhensible et choquant. C'est pourquoi il est légitime de le dénoncer et de le considérer comme ce qu'il est en réalité : un piètre stratagème visant à précipiter le retour des trois professeurs soupçonnés de détournement de fonds sur la scène universitaire. Cet épisode dramatique rencontre une sorte d'écho dans la Tragédie classique : c'est la parution du Spectre dans Hamlet.  

   Dans Hamlet en effet, l'arrivée du Spectre constitue l'élément perturbateur. Elle annonce la tragédie. En effet, quand le spectre de son père surgit et révèle au prince Hamlet qu'il a été assassiné par son frère Claudius, Hamlet décidé à venger son père simule la folie. Sa vengeance entraîne le prince dans un cycle meurtrier infernal : Hamlet, à son tour criminel, est « pourri » par la contamination du meurtre, autant dire par le pouvoir.  

   Le retour éventuel et programmé des « professeurs du CEREGMIA » sur la scène universitaire risque de produire lui aussi un grand désastre. Un désastre sur le plan éthique et pédagogique car les esprits se forment dans la Confiance et non dans le Soupçon.   

   Il est donc urgent et nécessaire de mettre un terme à cette folie dans l'intérêt de la jeunesse et du pays tout entier. « Toute paix m'effraie » a dit Aimé Césaire. « L'apaisement » proposé par l'université des Antilles nous effraie car il ressemble trop à une amnistie, à une ruse et à une mystification. Par le passé, l'université des Antilles a échoué par « négligence » dans cette affaire, aujourd'hui, elle peut et doit se racheter aux yeux de la multitude à condition de demeurer dans les limites de la Raison et de l'Ethique. A condition que l'intérêt général l'emporte sur les intérêts privés.   

   Au moment où le Spectre apparaît, Hamlet nous invite tous à réfléchir. Écoutons-le : «  ...Que signifie ceci? Pourquoi toi, corps mort, de nouveau revêtu d'acier, viens-tu revoir ainsi les reflets de la lune et rendre effrayante la nuit? Et nous, bouffons de la nature, pourquoi ébranles-tu si horriblement notre imagination par des pensées inaccessibles à nos âmes? Dis! Pourquoi cela? Dans quel but? Que veux-tu de nous?».

                                                                                                     Roland DAVIDAS

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