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L'Académie Nobel acte la fin de la littérature

Raphaël CONFIANT
L'Académie Nobel acte la fin de la littérature

   Il y aura toujours des livres. Les étals des librairies vont continuer à en regorger car les éditeurs continueront à en publier. Les jurys des prix littéraires ne cesseront pas de couronner untel ou unetelle. La presse écrite, audio-visuelle et Web chroniquera ce qu'elle qualifiera de chef d'œuvres. Et l'Académie suédoise, imperturbablement, déposera chaque année une couronne sur la tête d'un roi ou d'une reine éphémère. Tout le monde continuera à faire comme si...

   En réalité, la littérature, au sens strict du terme, est morte depuis belle lurette.

   Elle est morte du jour où les œuvres de Zola et de Flaubert ont côtoyé les "œuvres" de Guy Descars et de Françoise Sagan. Du jour où les libraires n'ont pas eu honte de poser côte à côte Gabriel Garcia Marquez et Paolo Coelho. Du jour, où dans nos librairies antillaises, Césaire, Fanon et Glissant se sont vus concurrencés par des hordes "auteurs" autoédités.

   Personne ne l'admettra, mais la littérature, la vraie, est une activité aristocratique au sens non pas sociologique du terme, mais au sens mental. Car, regardons bien les choses : quand quelqu'un décide de son plein gré de se couper du monde extérieur, de ne croire qu'en la valeur des mots écrits et de passer des années à les coucher sur du papier ou sur l'écran d'un ordinateur, quel autre qualificatif peut-on lui attribuer d'autre que celui d'aristocrate de l'esprit ? Mais, il y a plus aristocrate que lui : le lecteur. Ce dernier aussi se coupe du monde extérieur durant des heures, des jours, voire des semaines et accepte de lire 300 pages, 400, parfois 500, activité bizarre s'il en est, somnambulique, étylique presque.

   Oui, mais rétorquera-t-on, Guy des Cars et Paolo Coelho ainsi que leurs lecteurs font les mêmes efforts. Où se situe la différence ? Où placer le cursus entre la littérature et la fausse littérature ? Il n'est évidemment pas facile de répondre à cette question car comme la fausse monnaie, la fausse littérature peut parfois être difficile à détecter. Comme dans le commerce, il est malaisé de distinguer un sac Vuitton d'une contrefaçon.  Mais il y a pire ! Bien pire : les faux monnayeurs et les contrefacteurs risquent vingt ans de prison. Ceux qui s'adonnent à l'exercice illégal de la médecine aussi. Or, il n'existe aucune loi réprimant l'exercice illégal de la littérature. Plus pire, si l'on peut dire : aujourd'hui, il est techniquement possible de s'auto-publier à très bas coût et sans avoir besoin de disposer d'un lieu où stocker des centaines d'exemplaires. Du coup, n'importe qui, le premier alphabétisé venu, s'imaginera que l'histoire de sa grand-mère ou de son premier amour nous intéressera et passera à l'acte.

   Ceux qui liront ce qui précède pourront penser que celui qui les a écrit est un fieffé réactionnaire qui veut éliminer la littérature populaire et empêcher ainsi l'accès des masses à la culture. Oh que non ! Je demande simplement, très simplement, que l'on sépare la littérature au sens strict de la littérature populaire. Coelho est nécessaire tout comme les livres de l'éditeur Harlequin parce qu'ils maintiennent  le niveau d'alphabétisation global de la population. Ils sont même d'utilité publique, si l'on peut dire, surtout à l'heure de la multiplication de l'offre télévisuelle et de l'Internet. Mais de grâce, que l'on ne fasse pas passer cela pour de la littérature ! D'autre part, comme cela se faisait dans l'ex-monde soviétique où tout n'était pas mauvais, il faudrait des aides étatiques pour les éditeurs de vraie littérature puisque financièrement cette dernière est cent fois moins rentable que la littérature populaire. Enfin, il faudrait que certains journalistes cessent de se prendre pour des écrivains et arrêtent un peu de nous bassiner avec leurs flopées de romans médiocres qui ne trouvent un public (grugé) que parce que d'autres confrères journalistes complices encensent les oeuvrettes des premiers.

   Il faudrait...Il faudrait...

   Sauf que les jurys du Prix Nobel viennent de donner un coup de poignard dans le dos à la littérature en sacrant Bob DYLAN, excellent chanteur par ailleurs. Or, la chanson n'a pas grand chose à voir avec la littérature et l'argument poétique invoqué par les académiciens suédois est bidon. Ou plus exactement la poéticité de l'oral n'a aucun rapport avec celle de l'écrit. Mettez à l'écrit des textes de rap ou de slam, ça donnera l'impression d'une effarante pauvreté et essayez de raper ou de slamer Proust ou Garcia Marquez, on obtiendra exactement le même résultat.

   C'est une histoire de torchons et de serviettes finalement. Nos académiciens scandinaves ont dû forcer sur la vodka...

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