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L’ABOUTISSEMENT D’UN PARCOURS PERSONNEL ET POLITIQUE ATYPIQUE POUR GILLES SIMEONI

http://www.corsematin.com/
L’ABOUTISSEMENT D’UN PARCOURS PERSONNEL ET POLITIQUE ATYPIQUE POUR GILLES SIMEONI

En surface, le nouveau maire de Bastia, c'est ce beau gosse des affiches, le regard bleu gris au-dessus d'un sourire séducteur de jeune premier. C'est un orateur doué qui fait résonner ses arguments de mots justes et de formules qui claquent. Une qualité qui a placé sa vie sur deux rails parallèles qui se croisent parfois, la politique et le métier d'avocat.

Lorsqu'on gratte le vernis de l'esthétique physique et oratoire, apparaît un homme à la sincérité profonde, que l'on partage ou pas ses convictions. Les valeurs humanistes qu'il porte sur les estrades expliquent, plus encore que la recherche comptable des suffrages, la rupture avec la violence comme arme politique qui, quelque part, a forgé sa personnalité, celle d'un jeune révolté devenu un homme apaisé.

Gilles Simeoni est le fils du patriarche du nationalisme corse. Un nom qui pèse à la fois comme un fardeau et comme une fierté. Qui a forcé la porte de l'histoire contemporaine de notre île pour le pire et pour le meilleur. Quarante années ou presque séparent les événements d'Aleria de son accession à l'hôtel de ville de Bastia. Le chemin a été droit et tortueux. Ses responsabilités sont à la démesure d'un événement politique sans précédent. Il n'y a que la grandeur - d'autres diront la faiblesse - de la démocratie qui peut permettre à un nationaliste de ceindre l'écharpe tricolore. La déontologie républicaine vient mordre sur un terrain inconnu. Il est maire, mais ce ne sera pas un maire comme les autres. Il sera respecté et épié bien au-delà des frontières de la cité. Il a fait tomber des murs pour construire une route mais sa route n'est pas mûre. Son élection, ce jugement de justice citoyen, est assortie d'une mise à l'épreuve. Il est jeune, mais il a le vécu, l'intelligence et la force morale pour la surmonter.

« Si tu souffres il souffre avec toi »

Gilles a 8 ans lorsque le 21 août 1975 une cinquantaine d'agriculteurs menés par Edmond Simeoni occupent la ferme viticole Depeille pour dénoncer la chaptalisation du vin et une escroquerie financière. 1 500 gardes mobiles donnent l'assaut. Deux morts du côté des forces de l'ordre, un blessé grave chez les militants de l'ARC, l'action pour la renaissance de la Corse.

Rien ne sera plus comme avant. Loin de mesurer la portée de l'événement le gamin est condamné à aller voir son père en prison. « C'était une période très difficile, troublée, qui l'a fortement marqué,raconte un de ses proches. Il était ballotté de famille militante en famille militante. Il grandissait dans un environnement hostile. Dans la rue, il entendait crier : "Ton père, on va le tuer !". À l'école, il était isolé, mis en quarantaine…»

C'est l'époque où le FLNC frappe dur.

Mais les siens sont, eux aussi, la cible, comme d'autres militants nationalistes, d'attentats à l'explosif. Trois kilos explosent devant le domicile de sa grand-mère qui entend le souffle de la mort. La cage d'escalier s'est écroulée. L'effet est dévastateur. Chez les Simeoni, il n'y a plus aucune différence entre la vie politique et la vie de famille.

Pourtant, à la maison, Gilles et son frère Marc filent droit. Sa mère, Lucie, issue d'une famille juive polonaise, veille à une éducation stricte, remplie d'amour et d'exigence.

Les relations qu'il entretient avec son père sont, elles, insondables. L'affection est immense, mais il s'émancipe sur le terreau de ses propres convictions politiques, bien que son père se soit converti à l'action légale. « Il m'a transmis l'exemple d'un engagement total, et je ne peux qu'en tirer une très grande fierté », dit-il.

Ce parcours d'adolescent, bien trop différent des autres, n'est pas étranger à son implication dans le combat politique qu'il amorce à Corte, au sein de la Cunsulta di i Studienti Corsi. Mais aussi à son désir de mettre de l'ordre dans sa vie. L'ordre du Barreau.

« Gilles a une vraie foi en la justice,confie un ami avocat. Son empathie naturelle fait qu'il ressent l'injustice de manière charnelle. Si tu souffres, il souffre avec toi. Les dossiers ont une dimension juridique et technique qui nourrit ses plaidoiries, mais aussi, malgré lui, une charge émotive très forte. Dans l'affaire de Cardo, où une mère désespérée a noyé ses enfants dans la baignoire, je l'ai vu pleurer comme un enfant. »

« Il a aussi mauvais caractère »

Une élection municipale est un long marathon qui se termine par un sprint. Si Gilles Simeoni a su tenir la distance jusqu'à la ligne d'arrivée, c'est qu'il a la forme physique du sportif accompli. Il pratique le football, les courses en montagne, la boxe anglaise et la boxe thaï. On lui confiera le soin de traduire en langue corse le « fighting spirit ».

Ceux qui, à ses côtés, ont battu la campagne pour la gagner, ne sont jamais à cours d'éloges sur sa nature humaine et son aptitude professionnelle. « Il a déjà un charisme phénoménal. Les tournées électorales sont incroyables avec lui. Il s'arrête dans un café paumé pour se détendre un moment, mais au bout de cinq minutes, il se retrouve au milieu d'un groupe, des jeunes la plupart du temps, avec qui il échange pendant des heures et des heures sans jamais se lasser. C'est un pédagogue, et son intelligence, remarquable, lui donne une faculté d'analyse immédiate sur tous les sujets, toutes les situations et dace à ses contradicteurs, il décoche des traits d'humour comme des flèches. Il a aussi une capacité de travail hors du commun. Si je n'éteins pas mon portable la nuit, Gilles est capable de m'appeler à 3 heures ou 4 heures, et quand je le rallume le matin, je découvre dix messages ».

Michel Castellani en a pris son parti. Parce qu'il est sans doute de parti pris. On lui reconnaît plus difficilement des défauts. Mais quand on creuse un peu dans son entourage, on trouve vite. « Il sait avoir aussi un très mauvais caractère. Il lui arrive parfois de s'emporter facilement, de monter comme une soupe au lait, pour se calmer ensuite. Gilles est un sanguin ».

Ses racines ont poussé dans le village de Lozzi, au pied du Monte-Cinto. Il est croyant - il ne veut sans doute pas s'attirer les foudres divines de A Santa di u Niolu - mais il n'est pas pratiquant. Son fils, Ghjuvan'Cesaru, est membre de l'archiconfrérie de Saint-Joseph.

« Gilles a un respect profond pour la ferveur religieuse des insulaires, en réalité pour tout ce qui, sur les plans culturel, cultuel, traditionnel et social, cimente la communauté du peuple corse depuis la nuit des temps ».

Les longues veillées d'hiver entre amis autour d'une bouteille de vin nustrale ou de quelques verres de pastis dans un bistrot de village où on refait le monde (et la Corse, son nombril) entre deux paghjelle, ce sont aussi des moments de décompression très appréciés par Gilles Simeoni lorsqu'il n'est pas à son cabinet, dans un prétoire, à une réunion politique ou, bien sûr, dans son cocon familial. « C'est sans doute son côténiulincuqui reprend parfois le dessus… »

Gilles Simeoni avait un rêve d'enfant. Celui de devenir océanographe. Par passion de la science, de l'immensité de l'espace naturel marin, par attirance pour l'aventure et l'exploration. Pas pour la pêche même si, comme on l'a vu, il prend parfois la mouche.

Il a été pris dans les filets (la nasse ?) de la politique. À une distance abyssale du monde du silence. Même s'il a fait trembler la tectonique des plaques idéologiques et qu'il semble maîtriser l'étude des courants... Du quatrième étage de la mairie, il a désormais vue sur la mer. Le large résultat d'hier raconte que ce n'était pas une vue imprenable. Il n'a plus qu'à se lancer dans le bain.

Repères

1967 : naît à Bastia le 20 avril.

1994 : prête serment d'avocat au Barreau de Bastia.

2007 : premier procès d'Yvan Colonna dont il est le défenseur.

- Candidat aux élections législatives de la 2e circonscription de la Haute-Corse (13,5 % au 1er tour).

2008 : élu au conseil municipal de Bastia.

2010 : conduit la liste Femu a Corsica aux élections territoriales avec Jean-Christophe Angelini. Avec 26 % des suffrages et 11 élus, c'est la deuxième force politique à l'assemblée de Corse.

2014 : élu maire de Bastia.

Post-scriptum: 
photo : Gérard Baldocchi

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