Classée officiellement comme « langue régionale » dans la législation française, le créole est souvent mis, par les non spécialistes, sur le même pied que des langues comme le breton, le basque, le corse ou l’occitan. Il s’agit, en réalité, d’une idée complètement erronée. Non pas parce que le créole serait une langue non européenne ou parce que le nombre de ses locuteurs est incomparablement supérieur à celui des idiomes précités, mais bien parce qu’il n’est pas une langue atavique. Par atavique, nous entendons à l’instar d’E. Glissant (19991), le fait que la langue et la culture créoles sont postérieures au phénomène de domination qui les affecte. Elles sont nées, en effet, du processus colonial qui a affecté les Petites Antilles et les Mascareignes à compter du début du XVIIe siècle. A l’inverse, le breton, le basque ou le corse sont des langues ataviques, plus anciennes ou aussi anciennes que le français et ayant même__c’est le cas de l’occitan__produit une littérature, celle des troubadours, plus ancienne que la française. Ne pas prendre en compte cette donnée fondamentale s’agissant du créole, c’est s’exposer à ne rien comprendre aux relations complexes qu’entretiennent les Antillais avec ce qui fut longtemps leur seul et unique langue.
Nous nous proposons ici d’étudier la place qu’occupe la revendication linguistique dans le discours nationaliste en Martinique à partir de 1975 et cela sur une période de trois décennies. Là encore, il convient de ne pas confondre la revendication « nationalitaire » qui est celle des mouvements régionalistes hexagonaux avec la revendication « nationaliste » de leurs alter ego insulaires. Nous y reviendrons. Dans un premier temps, nous nous attacherons à explorer les rapports entre langue et identité à la Martinique ; puis, nous examinerons les tentatives, majoritairement d’ordre littéraire, de faire le créole accéder à la « souveraineté scripturale » selon l’expression de Jean Bernabé (1983) avant d’analyser les modalités de la revendication politique du créole comme « poto-mian », comme on dit en créole, c’est-à-dire poutre-maîtresse du combat nationalo-indépendantiste. {{(...)}}
{{Raphaël Confiant}}
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