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La Guadeloupe peut- elle encore se permettre une crise sociale ?

Jean-Marie Nol
La Guadeloupe peut- elle encore se permettre une crise sociale ?

A l’heure où le pays Guadeloupe fait face à un regain épidémique et que l’économie tente de se redresser, le retour annoncé des tensions sociales, avec l'annonce de possibles grèves, fait craindre des lendemains très tendus, quand les plans sociaux se multiplieront et les mesures de chômage partiel s’arrêteront. Déjà la pandémie de Covid-19 a provoqué des « dommages massifs » sur l’emploi dans le monde, avec l'équivalent de 255 millions d'emplois perdus en 2020, selon l’Organisation internationale du travail (OIT) ce lundi. Les chefs des petites et moyennes entreprises sont de plus en plus nombreux à douter de leur capacité à rembourser leurs dettes ou à payer leurs charges, et près de la moitié craint de ne pas être en capacité de passer le cap de 2021, sans dégâts irréversibles de trésorerie.

 

Ce contexte délétère fait craindre le pire, car l’économie guadeloupéenne a longtemps souffert dans un passé récent de ses conflits sociaux… 

Après la grève générale de 2009, le sentiment de gâchis (10 000 emplois perdus selon l'Insee) avait repris le dessus dans l’archipel guadeloupéen. Pourtant, aujourd’hui le climat social est plus orageux qu’il n’y paraît et, sur le terrain, certains ne croient plus désormais aux chances du dialogue.

Fini le vieux mythe de la paix sociale ? Pourtant, globalement, certains clignotants étaient encore au vert en 2020, attestant, au dire des observateurs, la modernisation de l’économie guadeloupéenne. Las ! En ce mois de janvier 2021, l’heure est plutôt à la morosité. Une conjoncture guère amène pour nos économistes de l’IEDOM ! Du coup, les patrons râlent, les syndicats s'énervent, et la population soupire, comme l’indique le chiffre du PIB en recul. En 2020, l'on a assisté à un recul important de l'activité économique en Guadeloupe. Le bilan économique établi par l'INSEE fait état d'un recul de 24 % de l'activité économique en 2020, lié de toute évidence à la crise sanitaire. Cette étude de l'Insee ne prenant en compte que les trois premiers trimestres de l'année passée, les chiffres attendus pour le quatrième devraient confirmer cette tendance. Selon l'institut, les exportations ont baissé de 50%, la consommation des ménages de 27%, et les investissements de 24%. Le taux de chômage revient à son niveau antérieur au premier confinement.

 

Les Guadeloupéens sont inquiets des faillites d'entreprises à venir et des conséquences sur l'emploi. La Guadeloupe va-t-elle revenir à ses vieux démons des années 2009 ? Est-elle de nouveau au bord de la crise de nerfs ?

 

Pour autant, la pacification sociale n’a jamais vraiment eu lieu. Il y a eu des répits entre 2009 et 2020, mais reste qu’il manque encore ici une culture du dialogue ; le vieux prisme du XIXe siècle -opposition frontale du capital et du travail – demeurera en 2021.

 

Le bon sens a de l’avenir ! » proclame la publicité d’une banque. Mais à quel horizon ?

 

L’exercice de prospective n’est pas des plus aisés. Il est pourtant indispensable. S’essayer à imaginer l’avenir économique de la Guadeloupe permet de dépasser la navigation à vue qui est trop souvent synonyme de manque de stratégie et d’idées fortes. A l'aube d'un conflit social, il s'avère nécessaire de camper le décor et tenter de mettre en exergue les défis qui attendent la Guadeloupe en 2021. 

 

Quels sont ces défis pour la Guadeloupe et qui interdisent désormais toute fuite en avant vers une situation conflictuelle dommageable pour l'économie ?

 

D'abord celui du défi de la raréfaction des ressources financières et de la fin de la croissance : La Guadeloupe est confrontée en ce début d'année 2021 à une crise économique larvée qui menace de prendre de l'ampleur au cours des prochains mois. De nombreux secteurs d’activités sont durement affectés par cette atonie de l’activité. C’est le cas par exemple du tourisme, du bâtiment et des travaux publics, de la pêche, du secteur agricole, de l'évènementiel …

 

Pour passer ce cap extrêmement préoccupant, il est nécessaire d’adapter les politiques régionales, nationales et communautaires. D’ores et déjà, nous enregistrons un ralentissement très sensible dans la consommation des fonds européens. Cela résulte de la difficulté tant pour les opérateurs privés que publics de mobiliser leur contrepartie financière, faute de marge de manoeuvre budgétaire du fait de la crise du coronavirus. Plus grave encore sont les conséquences à venir de la réforme de l'octroi de mer en fin 2021. 

 

La récession de l’économie attendu en Guadeloupe pour l'année écoulée de 2020 montre que le pays n’est pas encore entré de plain-pied dans la crise, et qu’une autre politique économique s’impose maintenant pour éviter le pire.

 

La situation financière est tendue. L’Etat a décidé de mettre un coup d’accélérateur pour remettre de l'ordre, mais il est totalement endetté et il regarde vers qui faire des économies. 

Outre les collectivités, qui sera le plus touché au quotidien par cette diminution des moyens ?

Il y a un risque sur tout le milieu associatif. Le sport et la culture sont financés à 80% par les collectivités territoriales. On sera obligés de restreindre nos engagements financiers. On aura des attaques tout azimut sur la qualité des services publics et du vivre ensemble.

 

Ensuite, le défi de la baisse de la dépense publique et de la raréfaction du capital public et privé : Politique de l’offre, politique keynésienne, soyons clairs à nouveau pour les adeptes de la question : Que faire face à la crise post COVID des finances publiques à venir ?

C’est que la France, grande adepte de Keynes, est resté longtemps obnubilée par le mirage de la « politique de la demande » : il faut favoriser la hausse du pouvoir d’achat, qui entraînera un accroissement de biens et de services, et donc un essor économique ! Sauf que le processus tend à dérailler aujourd’hui d’une façon permanente en Guadeloupe : ce sont avant tout les importations qui profitent de la hausse de la demande (d’où le déficit croissant de notre commerce extérieur) et non les entreprises de production, dont les investissements stagnent depuis la crise sociale de 2009.  Dans ces conditions, on ne voit pas comment le déséquilibre de l’économie guadeloupéenne pourrait cesser.

 

La fonctionnarisation, l’hyperconsommation et l’éclatement du tissu social sont les traductions spatiales les plus nettes de ce modèle, avec pour corollaire une déstructuration et une dévitalisation du tissu économique qui interdit tout développement basé sur la production.

C’est la raison profonde pour laquelle les systèmes politiques comme la départementalisation, qui ont cru pouvoir remplacer le marché par des processus administratifs, ont échoué sur le plan économique. Privilégier, comme nous le faisons, les transferts publics sans anticiper leur raréfaction prochaine conduit inévitablement à pénaliser la croissance future en cas de restrictions budgétaires importantes de l’état Français comme envisagées après la crise du coronavirus. Le déficit de l'Etat, qui ne comprend ni les dépenses de protection sociale ni celles des collectivités locales, s'est creusé de 85 milliards d'euros l'année dernière à 178 milliards contre 93 milliards initialement prévus. Dans ce contexte, les marges de manœuvre budgétaire et financière sont désormais quasi nulles. 

Autre coup de semonce, la raréfaction de la ressource financière pour les entreprises induite par la crise du coronavirus. 

Ainsi la Guadeloupe est à la croisée des chemins. A la gestion des handicaps traditionnels, s’ajoute celle de défis nouveaux, sur le plan économique comme la prochaine baisse des subventions allouées par l’Etat aux entreprises et collectivités locales dans le contexte du Covid 19, et la raréfaction du crédit et des aides à l’investissement. Les chiffres de la crise donnent le tournis. Entre 4% et 7% des prêts garantis par l'Etat (PGE) accordés aux entreprises risquent ne pas être remboursés, a indiqué mercredi dernier le directeur général de la banque publique d'investissement Bpifrance Nicolas Dufourcq. S'appuyant sur une étude réalisée en novembre d'un côté par la Banque de France et de l'autre par Bpifrance, M. Dufourcq a déclaré devant la commission des finances de l'Assemblée nationale que « la sinistralité anticipée - on parle bien de la perte finale - serait comprise entre 4% et 7% ». Pour ce qui concerne la Guadeloupe, j'estime qu'entre 10% et 20% des entreprises (notamment du secteur touristique) ayant souscrit un PGE pourraient ne pas être en mesure de le rembourser.

 

La période contemporaine qui s’ouvre à compter de 2021 va être le théâtre de mutations économiques, institutionnelles et culturelles radicales qui vont profondément transformer la société guadeloupéenne et martiniquaise et leur économie dans la décennie à venir.  N’oublions pas que les ménages paient déjà un lourd tribut à la crise économique et sociale du coronavirus : accroissement du chômage, gel des salaires, voire temps partiel subi, dépenses contraintes de plus en plus importantes (NTIC, essence, électricité, dépenses alimentaires…), hausse des prix, et des impôts locaux !

Face aux défis qui sont encore devant nous et aux dangers qui guettent notre économie, nos élus et surtout nos syndicalistes ne doivent pas hésiter à accepter des mesures impopulaires pour accélérer la mutation de la société guadeloupéenne et éviter de recourir au conflit. La politique sociale de la France, conçue après la seconde guerre mondiale dans un contexte de forte croissance, est aujourd’hui remise en cause pour ses déficits en progression régulière et pour son manque d’efficacité... d’où le spectre d’un déclassement social inévitable pour les générations à venir.

Nous assistons à la fin d’une représentation et d’une vision imposée de la société guadeloupéenne. Il est clair que l’on a dans ce seul fait en plus du numérique tous les ingrédients d’une « bombe à retardement » sociale en Guadeloupe, alors point besoin de rajouter à la crise sanitaire du coronavirus et à la crise économique, une crise sociale majeure. 

Le « que faire » ? a une réponse connue à court-moyen terme. C’est tourner le dos à toute forme de conservatisme politique et social hérité de 50 ans de départementalisation ou de protectionnisme économique (refonte de l’octroi de mer qui est un reliquat de la période colonial et dont l’objectif de protéger la production locale et de financer les collectivités locales a atteint ses limites). Encourager l’esprit d’entreprise et la création de richesses dans des secteurs ciblés d’activité économiques et non privilégier le saupoudrage des aides à des secteurs en déclin comme la banane ,la canne et l’hôtellerie de bas de gamme ; attirer les investisseurs extérieurs notamment dans le secteur touristique sur le créneau des gites de haut de gamme et inciter à l’investissement de nos entrepreneurs locaux dans l’agroalimentaire à forte valeur ajoutée ; alléger le secteur public pour le rendre efficace non pas en supprimant les 40% , mais en les modulant à hauteur de 10 % dans un fonds d'investissement afin de supprimer l’effet boule de neige sur le secteur privé et ainsi réduire le coût des produits exportables vers l’Europe et réorienter les importations à partir du continent Nord et Sud-Américain afin de baisser le coût des produits importés . De plus , il convient de revisiter la politique de coopération vers la Caraïbe qui s’avère être à notre sens une chimère essentiellement d’ordre humanitaire telle que pratiquée actuellement à notre exclusif désavantage , aller plus loin dans la formation des hommes ( numérique ) et tendre vers une plus haute efficience du capital humain en favorisant la mobilité des jeunes à l’étranger notamment vers le CANADA ; favoriser la relation sociale par une réforme radicale du syndicalisme, couper l’appel d’air à l’immigration , car c'est  environ 35 000 personnes qui occupent de plus en plus des emplois qui peuvent être proposés à une jeunesse en perdition et qui a perdu tout sens de la valeur travail.

Cela suppose une action continue autour d’une seule idée : favoriser l’excellence et la réussite qu’elle soit économique, sociale, scolaire, scientifique ou artistique et non le nivellement actuel par le bas.

 

" Sa ki an bèk pa ta’w, sa ki an fal sé ta'w " 

 

(Ce qui est dans ton bec n’est pas à toi, ce qui est dans ton ventre est à toi) 

Moralité : Il faut attendre jusqu’au bout avant de revendiquer et crier victoire.... 

 

 

Jean marie Nol, économiste

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