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LA FAUSSE BONNE IDEE DU TRANSPORT EN COMMUN PAR VOIE MARITIME

Yves-Léopold MONTHIEUX
LA FAUSSE BONNE IDEE DU TRANSPORT EN COMMUN PAR VOIE MARITIME

Dans une société où la fonction publique continue d’avoir plus d’attrait que le secteur productif, j’apprécie peu les assurés-de-fins-de-mois qui, placés en embuscade au coin de la rue, sont prompts à porter des jugements péremptoires sur les erreurs réelles ou supposées de ceux qui entreprennent et créent la richesse. Lorsqu’elle est saisie, qu’on ait l’humilité de laisser agir la justice. Aussi cette chronique n’a pas pour objet de porter un jugement sur des professionnels qui s’engagent dans un milieu qui suscite peu de vocations. En revanche, les erreurs enregistrées, y compris dans d’autres secteurs, invitent au devoir de vigilance. Notre statut de citoyen français en outre-mer ne nous confère pas un droit imprescriptible à l’erreur. Il s’agit de porter un regard citoyen sur un aspect préoccupant de l’organisation du transport public.

Il faut créer nos propres raffineries sucrières, proposaient des partis politiques à la fin des années 1950 : élémentaire, disait-on, pour pallier à la fermeture de nos usines. Il faut cesser de contribuer à la caisse de retraite de la France, disaient une « profession libérale », car ses membres sont suffisamment responsables, disaient-ils, pour s’occuper eux-mêmes de leur fin de vie. Cette action qui peut être considérée comme la seule tentative réelle d’autonomie s’est révélé un cuisant échec, particulièrement douloureux pour certains praticiens. Il faut mettre fin au Service militaire adapté (SMA) qui n’est autre qu’une armée d’occupation néocoloniale, enseignaient nos historiens. Il faut supprimer la banane, s’éructaient en chœur les intellectuels, tel qu’au cours de ces débats convenus entre journalistes. Il fallait être véritablement « débile », disaient-ils doctement pour poursuivre une telle production. Ces fausses évidences moururent de leur belle mort comme toutes les croyances véhiculées par nos savantes générations d’après-guerre.

Les mesures prises par l’Etat, apparemment bien reçues par la population, résistèrent aux campagnes permanentes de dénigrement et de tricheries. Depuis 50 ans, le SMA auquel la Martinique doit notamment le percement de plusieurs routes, dont le littoral Rivière-Pilote – Le Marin, est reconnu, y compris par les vieux tricheurs eux-mêmes, comme le meilleur centre de formation des jeunes. Tandis que l’ère du BUMIDOM n’a pas provoqué un plus grand exode de la jeunesse que les années qui ont suivi sa suppression. En effet, les trois décennies de pouvoir local enregistrent, pour la première fois depuis la catastrophe de St Pierre, outre l’explosion sans précédent du nombre de chômeurs et de délinquants induits, la diminution significative de la population qui est la marque absolue du recul de toute collectivité.

Aujourd’hui est devenue à la mode, mue peut-être par la nostalgie d’An tan Robè, l’idée d’étendre à toute l’île le transport en commun maritime. Les préconisations sont assénées comme d’habitude sur le ton de l’évidence lorsqu’elles ne s’appuient pas sur des arguments d’un simplisme absolu. Dans une atmosphère d’unanimisme qui indique à quel point les esprits sont formés à ne plus penser, voilà qu’il serait devenu absurde qu’une île comme la Martinique, parce qu’entourée d’eau, ne soit pas nantie d’une flottille de transports en commun. Prenons exemple sur la Guadeloupe, disent d’aucuns, qui font mine d’ignorer qu’il n’y ait pas de route terrestre possible entre le « continent » et les îles formant l’archipel. Ou qu’il n’y ait pas de lignes régulières de transport de personnes entre Basse-Terre ou St François et Pointe-à-Pitre. Par ailleurs, alors que le littoral maritime de la France est infiniment plus vaste que celui de notre île, aucune ligne régulière maritime ne rejoint les villes côtières, entre elles, de Perpignan à Menton ou de la Manche aux Pyrénées. Voire. Pour relier le continent à l’île de Ré, il a été jugé utile de construire un pont, tandis qu’à la Réunion, une autre île entourée d’eau, la route s’est également imposée en dépit du coût faramineux de sa réalisation. C’est avec de tels arguments, un brin, populistes, qu’ont été construits des équipements comme tous ces appontements qui ne servent qu’à la pêche à la ligne et ce Grand port du Nord qui se révèle n’être qu’une coûteuse curiosité touristique.

Ce n’est pas par hasard que la seule ligne maritime ininterrompue depuis la colonie est celle qui relie Fort-de-France à la Pointe du Bout, car elle répond à un réel besoin d’économie de temps et de distance, la voie terrestre étant bien plus longue et plus chronophage. Encore que le centre des activités économiques se déplaçant vers le sud, les soucis de distance et de temps doivent être relativisés. De son côté, la ligne des Anses d’Arlet est tombée en désuétude suite à l’amélioration de la route conduisant la commune voisine des Trois-Ilets, notamment par la viabilité du quartier Gallochat. Les autres lignes d’antan (Lamentin, Rivière-Salée, St Pierre) ont disparu depuis longtemps. La création de routes nouvelles et l’amélioration de celles qui existaient ont fait cesser la circulation par voie maritime. Cette disparition a concerné d’abord le transport des personnes, ensuite la circulation des gabarres.

La modernisation régulière de la route dite « du Littoral » depuis la suppression de Morne Table, a facilité la circulation dans des conditions telles que le retour du bon vieux temps des transports maritimes entre St Pierre et Fort-de-France, qui paraît hanter les esprits, est aujourd’hui impensable. Ne pourront plus être envisagées que des promenades touristiques, à l’image de ce que fut la formule du KON-TIKI, dans les années 1970, lequel fit les frais de l’anti-tourisme militant appliqué avec la décentralisation, en 1983. Sinon le seul usage de la voie maritime, d’intérêt économique et environnemental, devrait concerner le transport de matériaux issus des carrières du Prêcheur. En effet, les citoyens de St Pierre ne peuvent pas continuer de vivre au rythme de la noria des camions qui polluent au quotidien la ville historique et nuit à la santé de ceux qui y vivent. Le commerce des matériaux n’obéissant pas aux mêmes exigences d’horaires et d’affluence que celui des personnes, il est difficile de croire que des opérations de transbordement et de stockage qui sont possibles avec d’autres îles de la Caraïbe, ne soient pas possibles entre le nord et le sud de la Martinique.

Quoi qu’il en soit, le nombre de véhicules terrestres étant appelé à diminuer ou, à tout le moins, à stagner en raison de la diminution de la population, il reste à édifier ce fameux viaduc de Fond-Lahaye, qui ne devrait pas être forcément plus coûteux que le port de Grand-Rivière, mais infiniment plus utile. Nous vivons une époque où il est nécessaire de faire les choix utiles et mieux proportionner les dépenses publiques aux besoins réels. Le changement c’est aussi ce devoir d’exigence.

Fort-de-France, le 26 juillet 2016

Yves-Léopold Monthieux

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