Les députés français ont donc adopté, par 335 voix contre 1, la loi visant à interdire la burqua (en réalité, le « niquab ») dans l’espace public. Ils l’ont fait au nom du respect de la liberté de la femme d’une part et de la défense des valeurs laïques et républicaines de l’autre, affirment-ils. Le problème c’est que ledit vote repose sur une incompréhension majeure car porter la burqua en terre d’islam n’a pas, n’a absolument pas, la même signification qu’en terre chrétienne et européenne.
En terre d’islam, effectivement, ce voile intégral revient à se cacher, à se rendre « invisible » aux yeux d’autrui et en particulier des autres hommes. Dans cette Arabie Séoudite, par exemple, que l’Occident chérit tant ou, en, tout cas, auquel il apporte son soutien sans faille, les femmes, qui n’ont même pas le droit de conduire une voiture, se voient obligées de se dissimuler le visage sous peine d’être raflées par la police islamique, jetées en prison et condamnées par la justice. D’un point de vue occidental, on peut y voir une forme d’oppression du sexe féminin, mais l’Occident est-il bien placé pour faire la leçon au monde musulman en matière d’émancipation féminine ? Cet Occident où le corps de la femme est prostitué à longueur de journée par la publicité, les clips de rap, les films et les sites-web pornographiques (Les Etats-Unis sont le pays du monde où il y a le plus de sites pornos !). Est-ce respecter la femme que de la présenter à moitié nue pour faire vendre une voiture, une télé grand écran ou un téléphone portable ?
Sans compter que si l’on compare le nombre de pays musulmans et de pays occidentaux où une femme a déjà été présidente ou premier ministre, il n’est pas sûr que les seconds aient de quoi être très fiers. L’Indonésie, le pays musulman le plus peuplé du monde, a déjà eu 2 femmes Premier ministre. Le Pakistan et le Bengladesh également. On ne saurait en dire autant de la France, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, du Canada ou des Etats-Unis ! Et que dire de la Turquie où les femmes ont obtenu le droit de vote…40 ans avant les Françaises ! D’ailleurs, la représentation du sexe féminin était si mauvaise en politique que la France, par exemple, a été obligée d’adopter une loi sur la parité.
HYPPOCRISIE
Il ne s’agit pas pour moi de défendre la burqua, mais de rappeler une évidence à savoir que ceux qui la vouent aux gémonies devraient aussi se regarder en face et se demander si le string que l’on voit à longueur de clips télévisés ou de sites-web n’est pas tout aussi dégradant pour la femme. Si Zahia, la Beurette, qui vendait son corps aux footballeurs de l’équipe de France, et dont les photos quasiment à poil ont fait la Une de « Paris-Match » et d’autres magazines, est plus respectable que la musulmane voilée de banlieue qui va faire ses courses à l’hypermarché du coin. On répondra, hypocritement, que personne n’oblige Zahia et ses consoeurs à se dénuder alors que les femmes voilées le font suite à une imposition masculine. Hypocritement car chacun sait bien qu’aucune femme n’est prête à vendre son corps si elle n’y est pas obligée. Ce n’est pas par simple plaisir ou par vice que des femmes font le pied de grue sur les trottoirs de Strasbourg-Saint-Denis ou des Terres-Sainville. Une femme n’en arrive à une telle extrémité que parce que la vie, la société en fait, ne lui a laissé aucune autre chance. Si on demandait à une actrice porno, même la mieux payée, si elle aurait préférée être Catherine Deneuve, il ne fait aucun doute qu’elle répondrait « oui » sans la moindre hésitation.
Dans les deux cas donc, port du voile ou port du string, il y a oppression de la part du sexe masculin. Sans compter que les femmes voilées, ça ne se voit pas à chaque coin de rue alors qu’il suffit d’ouvrir sa télé ou son ordinateur pour être confronté à une foultitude de photos de femmes dans le plus simple appareil ! Donc nos chers députés français qui pénalisent 2.000 femmes voilées, alors qu’il y a 5 millions de musulmans en France, on peut se demander si leur attitude ne relève pas de la diversion politique (faire oublier les scandales financiers, la loi scélérate sur les retraites etc.) ou alors de l’islamophobie la plus crasse…
VISIBILITE
Porter la burqua en terre chrétienne et occidentale n’a pas pour but de se rendre invisible, mais tout au contraire de se rendre…visible, disions-nous. En effet, lorsqu’on est minoritaire ou opprimé au sein d’une société, on a deux échappatoires possibles : soit tout faire pour ressembler au groupe dominant (c’est l’attitude la plus courante) soit exhiber sa différence, imposer son altérité. Cette deuxième attitude, la moins fréquente, est une manière de défi. Une manière de dire à celui qui vous opprime : « Je suis là et je vous emmerde ! » (au sens où Césaire disait : « Le Nègre vous emmerde ! »). Et justement pour faire bien comprendre mon argumentation aux nègres, s’agissant du cheveu crépu, honni par l’Occident, on a deux possibilités : les défriser ou les laisser tels quels. La Négresse qui se défrise se rend à moitié invisible et si elle veut atteindre l’invisibilité quasi-totale, elle peut acheter n’importe où des produits qui décolorent la peau, tandis que celle qui arbore un afro, clame au contraire, sa présence. Elle veut être visible ! Porter la burqua ou des cheveux crépus, en terre occidentale, revient donc à une sorte d’affirmation identitaire.
Dire cela n’est pas une exagération. Jamais la France ou les Etats-Unis n’auraient accepté une Audrey Pulvar ou une Michelle Obama avec des cheveux non défrisés ! L’Occident ne vous accepte que si vous faites l’effort de lui ressembler. Point à la ligne. Jamais ces pays n’auraient accepté non plus un Harry Roselmack avec un accent créole ou un Barack Obama avec un accent du Bronx.
Si vous osez exhiber votre altérité, l’Occident vous flingue.
(Ceci dit, en terre d’islam, oui, il faut que les femmes luttent contre le port de la burqua, mais c’est à elles et elles seules de mener ce combat qui est LEUR combat. Ce n’est pas celui de députés français qui, très machistement, passent leur temps à détourner la loi sur la parité en plaçant comme suppléante, ou alors sur les listes d’autres élections que les législatives, leurs cousines, leurs maîtresses ou des femmes sans envergure).
Raphaël Confiant
Commentaires